Feu sacré

A 31 ans, l’Américain a mis un terme à 25 mois d’infortune en remportant son cinquième US Open, son 14e titre de Grand Chelem.

Ce fut une victoire obtenue face au plus beau rival qui soit: Andre Agassi. Une victoire, aussi, qui emplit l’ancien numéro 1 mondial de fierté puisqu’elle est intervenue alors même qu’on le croyait fini, usé et dépassé par la nouvelle vague de tennismen. On s’était trompé. Lourdement et grâce en soit rendue à ce fantastique joueur qui est en même temps un homme bien sous tous les rapports.

Le succès de Sampras prouve de manière éclatante que le talent ne meurt jamais. En proie aux doutes les plus profonds, l’Américain a réussi à surmonter les difficultés. En renouant avec son ancien entraîneur, le très discret Paul Annacone, il a recommencé à croire en lui, chose qu’il n’arrivait plus à faire à force de serrer la main de ses tombeurs.

Où situez-vous votre 14e succès en Grand Chelem?

Pete Sampras: Ce pourrait être la cerise sur le gâteau. Je ne pensais pas que quelque chose pourrait surpasser ce qui m’est arrivé à Wimbledon il y a deux ans – NDLA: lorsqu’il devint le seul détenteur du record de victoires majeures – mais après la saison que j’ai connue, avoir réussi à surmonter les difficultés et à m’imposer est fabuleux.

Face à Agassi, vous avez disputé un tennis de rêve pendant deux sets et demi, puis la fatigue a commencé à se faire sentir. Malgré cela, vous avez réussi à terminer le match…

J’ai excessivement bien joué, puis je me suis accroché jusqu’au bout. Mais c’est normal contre Andre. C’est un adversaire très difficile à battre et il parvient à extraire le meilleur de moi-même chaque fois que nous nous affrontons. L’US Open a été probablement le tournoi où j’ai dû produire le plus d’efforts dans toute ma carrière. A cause des délais dus à la pluie, j’ai dû disputer cinq matches en sept jours, dont deux rencontres le samedi et le dimanche. C’est énorme.

Pouvez-vous expliquer ce que vous avez ressenti lorsque vous êtes monté sur le court aux côtés d’Agassi?

J’étais nerveux. La foule était électrique et cela a fait monter mon adrénaline d’un coup. J’ai su garder cet état d’esprit même lors de l’énorme vacarme qui a accompagné son break dans le troisième set.

Y a-t-il un moment où le match a basculé?

Sans aucun doute dans le quatrième jeu du quatrième set. Un jeu énorme où j’ai été à plusieurs reprises à deux doigts de perdre mon service. J’ai finalement réussi à le garder et ce fut fondamental car j’avais perdu le momentum après la perte de la troisième manche. On sentait que le match était en train de basculer dans son camp. En remportant mon jeu de service, je lui ai montré que j’étais toujours dans le coup.

Vous aviez déclaré la veille de la finale que votre service serait fondamental. On a l’impression d’avoir revu le Sampras de la grande époque, prenant tous les risques en première et en deuxième balle. Comment avez-vous fait?

Dès l’entraînement peu avant la finale, je me suis senti très à l’aise. Mon service marchait à la perfection et il ne m’a jamais lâché. J’étais bien dans le rythme et j’avais la sensation que je pouvais faire ce que je voulais avec mon service. C’est une sensation incomparable qui ne s’explique pas.Le support de ses proches fut déterminant

Lorsqu’on regarde votre saison 2002, elle n’était guère brillante. Où se situe la clé de votre réussite new-yorkaise?

C’est avant tout le résultat de l’énorme support de ma femme, de ma famille et de mes amis. Le fait, aussi, de retravailler avec Paul. Cela m’a apporté beaucoup de sérénité et de stabilité. Il me connaît mieux que personne en tant que joueur de tennis, il sait les mots qu’il doit employer et cela a porté ses fruits. Mes échecs répétés n’avaient rien à voir avec mes coups droits, mes revers ou mes services, c’était essentiellement mental. Je n’étais pas suffisamment positif sur le court. Dès que les choses se mettaient contre moi, j’avais tendance à baisser les bras. Lorsque je suis rentré à la maison après Wimbledon, je ne pouvais faire qu’une seule chose: reprendre mes fondamentaux et me remettre au travail.

Ce nouveau succès en Grand Chelem au moment où on s’y attendait le moins vous incite-t-il à tenter d’augmenter votre collection de trophées ou, au contraire, à mettre un terme à votre carrière?

Disons que je vais réfléchir sérieusement à la chose dans les deux prochains mois. Je dois à présent prendre du recul et voir ce que je souhaite exactement. J’aime toujours autant jouer, je veux encore humer les senteurs de la compétition. Mais battre un rival comme Andre en finale d’un tournoi aussi important que l’US Open serait une belle manière de refermer le livre de ma carrière, je l’avoue. Le moment est peut-être idéal pour arrêter (il rit)

D’autant qu’on se souvient que vous avez remporté votre premier Grand Chelem à New York, il y a douze ans, contre… Agassi.

Je le répète: j’aime trop la compétition pour arrêter sur un coup de tête. Je dois réfléchir et écouter mon coeur. Pour l’heure, il est encore trop tôt pour me prononcer.

Lorsque vous êtes monté dans les tribunes pour embrasser votre femme, était-ce un geste prémédité?

Non, j’ai eu envie de le faire après avoir serré la main d’Andre. Je voulais partager ce moment de pur bonheur avec ma femme et ma soeur.

Pouvez-vous comparer vos émotions après la finale et celles qui accompagnèrent votre déroute au deuxième tour à Wimbledon, deux mois plus tôt?

Le jour et la nuit. A Wimbledon, j’ai vraiment touché le fond. Le vol de retour vers les Etats-Unis fut très pénible. Je n’ai pas arrêté de me demander ce que je devais faire, arrêter ou continuer? C’est l’ensemble de ma carrière qui a défilé dans ma tête. J’étais vidé, je n’éprouvais plus rien si ce n’est une immense tristesse. J’avais la sensation de faire tout ce qu’il fallait pour renouer avec le succès mais rien ne marchait. J’ai commencé à être angoissé et à ne plus croire en moi. Mais je veux, plus que jamais, mettre un terme à ma carrière quand bon me semble. J’estime mériter ce privilège. Je me l’étais promis. J’ai beaucoup apporté au tennis tout au long de ma carrière. Entendre et lire tout ce qui a été dit et écrit à mon sujet ne m’a pas fait du bien, je le concède. A un moment, j’ai même commencé à croire ce qu’on disait à mon sujet.

Pouvez-vous comparer vos sept titres à Wimbledon à vos cinq succès à Flushing Meadows?

Difficile mais j’emmènerai mon 14e titre dans ma tombe. Une fois le chiffre 13 atteint, il a fallu que je me fixe de nouveaux objectifs. Je me suis dit qu’une 14e victoire ne serait pas mal et j’ai tout essayé. J’ai réussi à m’imposer dans l’adversité et c’est ce qui me rend particulièrement fier de ma performance.

Il y a quelques années, lorsque vous avez battu Boris Becker à Wimbledon, il vous a dit au filet que vous étiez le joueur contre lequel il voulait mettre un terme à sa carrière. Y a-t-il un joueur que vous voudriez affronter pour la dernière fois?

Franchement, peu importe qui ce sera. Je sais que les journalistes aimeraient me voir raccrocher après ma victoire à l’US Open. Normal puisqu’il y aurait une belle histoire à raconter (il rit). Et puis, qui sait, mon dernier match, je le disputerai peut-être sur le court central de Wimbledon, et non sur le 13 ou le 2 (il rit). NDLA: Sampras n’avait guère été heureux de devoir disputer, et perdre, son deuxième tour sur le « cimetière » au All England Club…

Le retour au premier plan effectué voici quelques années par Agassi vous a-t-il inspiré dans vos moments durs?

Pas vraiment. Andre a plus de talent que n’importe qui. A un moment donné de sa carrière, il a connu des difficultés d’ordre mental et il a eu la force de remonter de la 140e à la première place mondiale. Ce fut un énorme come-back. Moi, je suis toujours resté compétitif. J’étais classé 17e tête de série à l’US Open…

Florient Etienne

« Je suis très fier de moi »

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