Feu rouge

Entre Charleroi et Anderlecht, l’homme de la défense liégeoise fait le point: monologue.

Eric Van Meir: « Je savais que ce voyage chez les Zèbres serait important et nous étions décidés à le gérer calmement mais ambitieusement. Après la défaite encaissée face à Mouscron, la déception fut énorme, c’est logique. J’ai tout de suite constaté que quelque chose avait changé par rapport à la saison passée. Tout n’a pas été remis en question, le groupe n’a pas paniqué. Il y a quelques mois, il y aurait eu des déclarations tapageuses dans les journaux. La révolution à Liège. Une de plus qui n’aurait rien amené alors que nous avons d’abord bien réfléchi après l’inadmissible débâcle de fin de match contre Mouscron.

J’étais blessé et j’ai suivi le match près du banc. Le lendemain, le coach a tout de suite mis le doigt sur les causes de cet échec. C’était direct, personne n’a été épargné et je partageais la même analyse que lui. La raison de ce changement d’analyse et de réaction s’explique en grande partie par la présence de Robert Waseige. Il ne faut pas tourner autour du pot: nous avons raté notre coup la saison passée. Honnêtement, on aurait pu et même dû vivre les bonheurs actuels de Genk et de Bruges, prendre part aux éliminatoires de la Ligue des Champions. En décembre, nous étions en tête du championnat mais il ne nous resta finalement que les yeux pour pleurer six mois plus tard. Cela fait mal et il faut en tirer les leçons: plus question de vivre cela.

Une foule de petits problèmes a fini par tout ruiner: soucis entre joueurs et dirigeants, errances des gars en fin de contrat, etc. A la reprise, nous n’avons plus su forcer la chance et deux défaites, dont celle au RWDM, ont miné la confiance. Tout devint plus lourd, insupportable, alors que tout le monde estimait que nous avions les moyens de gagner le titre. Ole-Martin Aarst s’est blessé alors qu’il marquait pas mal de buts. Dans le feu de la crise, il y a eu une fameuse escalade dans les déceptions et les frustrations de chacun. Je ne vais pas être poli pour une fois mais, à la fin, tout le monde se jetait la merde (sic) à la figure. »

Bataille dans la presse…

« Nous ne communiquions finalement plus que via la presse. Les joueurs, les dirigeants: nousnous battions quasiment tous les jours dans les journaux et cela s’est retourné contre tout le club. Navrant et les journaux en firent leurs choux gras. Inutile de dire que cela ne peut pas arriver dans un club où tout doit se régler dans l’harmonie. On lave le linge sale en famille, surtout pas en public. Le départ de Didier Ernst est petit à petit devenu toute une affaire. Il était important mais le départ d’un joueur, qui que ce soit, ne peut pas avoir un tel impact. Ce fait a été mal géré et à la fin du compte, cela se paye aussi sur le terrain. On a chipoté tactiquement pour remplacer notre capitaine et cela a provoqué des déséquilibres. A la fin, le cas Ernst n’étant qu’un problème parmi les autres, c’était difficile. Je me suis fâché car on a raté quelque chose d’exceptionnel. Je n’étais pas venu au Standard pour me nourrir de problèmes.

J’ai apprécié le travail de Michel Preud’homme et la preuve de son acquis réside d’abord dans la qualité de notre premier tour. Ce n’était pas le fruit du hasard. Par la suite, il a simplement manqué de vécu pour vivre à la tête d’un vestiaire où il y avait beaucoup de grosses personnalités. Il a finalement été débordé ou bouffé, si vous voulez, par les soucis, les coups d’éclat inutiles, l’ambiance et les fortes têtes. Quand cela tourne mal, il n’est pas évident de fédérer des caractères bien trempés. Je reste persuadé que Michel Preud’homme a les capacités pour devenir un jour un grand coach. Lui aussi aura retenu pas mal de leçons de ce que nous avons vécu. Je ne dis pas qu’il était trop gentil: non, c’était trop tôt dans sa carrière. Il faut du vécu pour garder le pouvoir à la tête d’une telle bande et dans un club où les gens et les supporters, si fidèles, en ont marre d’attendre. Ils se découragent vite, sont presque fatalistes.

Tout est vite négatif, presque du jour au lendemain et ce sentiment s’alourdit probablement au fil des années. A un moment avant le début de cette saison, on a reparlé d’un retour du Standard mais il a suffi de la défaite contre Mouscron pour qu’un supporter me dise: -Ce ne sera pas encore pour cette saison. Il faut aussi vaincre cette mentalité. Michel Preud’homme a compris ce qui manquait au Standard: un relais entre la direction, qui a ses problèmes, et les joueurs. C’est pour cela qu’il est devenu le directeur sportif du club. En principe, il doit y avoir complémentarités entre toutes les composantes d’un club. Or, la saison passée, les joueurs et la direction étaient des ennemis. Tout ne peut pas tout le temps être rose mais de là à vivre un tel crash, c’était fou. Je crois que cela m’arrivera plus car Michel Preud’homme se charge d’un tas de problèmes et le coach n’est plus du tout un homme seul. »

Ernst enfin remplacé?

« Le groupe n’a guère changé et je crois que c’est un bon choix. La stabilité de l’effectif a toujours été un des grands secrets de Bruges. Il y a des automatismes et on remarque plus vite ce qui cloche un peu. Chez nous, il le faut pas reconstruire de la cave au grenier mais renforcer à l’une ou l’autre place. La venue du médian suédois Fredrik Soderstrom prouve qu’il restait une case vide depuis le départ d’Ernst. C’est fait et je suis persuadé que cela va simplifier le travail d ‘Harald Meyssen et de Johan Walem. A un moment, il avait été question, il me semble, de la venue de Matthieu Verschuere et c’était une bonne éventualité. L’ancien aspirateur de Gand a finalement préféré rentrer à Sedan. Le Suédois nous offrira beaucoup plus de possibilités stratégiques et il suffit parfois d’un détail pour que toute l’équipe carbure mieux. Il a jouépresque tous les matches la saison passée à Porto, c’est pas rien.

Si ce groupe a su briller pendant un bout de championnat la saison passée, je ne vois pas pourquoi il ne pourrait pas aller plus loin cette saison. Je reste persuadé que nous n’avons pas grand-chose à envier au trio de tête de la saison passée. Pour les bousculer, prendre une de ses places, jouer en Coupe d’Europe, il faudra d’abord être concentrés jusqu’au bout. Si on lève le pied, le Standard sera à nouveau quatrième ou cinquième. Nous pouvons atteindre de beaux objectifs car, finalement, nous sommes plus forts que la saison passée, mais entre le dire et le faire, il y a une différence:il faut le prouver sur le terrain durant toute la saison. Pas pendant dix mois, c’est insuffisant

Tout va vite: après Charleroi, on reçoit Anderlecht, mon favori dans la course au titre. Les Bruxellois se sont bien renforcés et ils ont surtout procédé à un élégant remplacement d’ Aimé Anthuenis. Ce dernier était arrivé au bout de son latin. Le referendum organisé par Glen De Boeck et Filip De Wilde était assez significatif. Je ne porte pas de jugement, c’est leur affaire, mais cela laisse forcément des traces et l’autorité du coach ne pouvait plus être la même qu’auparavant.

Dès que les Mauves ont entendu parler du départ de Robert Waseige, ils sont entrés en action: Anthuenis a eu une promotion (l’équipe nationale) mais l’essentiel du plan consista à recruter Hugo Broos. Bingo! Leur groupe avait besoin d’une décharge électrique. Les têtes avaient besoin d’un autre shampooing et on sent que les motivations ont été rafraîchies. Le noyau a été renforcé avec, comme d’habitude, des joueurs de qualité. A mon avis, les Mauves sont relancés après avoir eu des doutes la saison passée. Leur équipe est stable, la qualité de leur jeu va s’améliorer et les joueurs en veulent. Seol continue sur sa lancée de la Coupe du Monde, Nenad Jestrovic connaît bien Hugo Broos et finira par trouver ses marques, Walter Baseggio a pris du grade. La saison passée, le Standard a battu Anderlecht et nous avons les moyens de le faire à nouveau.

Genk devra vivre avec plus de pression que la saison passée. Bruges a les mêmes arguments que la saison dernière mais il lui manque un petit quelque chose, un brin de fantaisie, afin de dominer les débats. Après la visite d’Anderlecht, nous irons à Mons avant de recevoir Bruges à Sclessin. Rien n’est jamais facile mais je suis un optimiste. J’ai déjà 35 ans mais je ne compte pas en rester là. Je m’amuse, je vis ma passion, j’apprends quelque chose tous les jours. Dès lors, je jouerai le plus longtemps possible en D1. Après une saison à ce niveau à Berchem, j’y suis revenu plus tard via Charleroi. Je ne l’oublierai jamais car ce furent de belles années. Mais, avec le recul, je me dis que Charleroi a les moyens de mieux faire. C’est une ville de football. Or, ce club m’a étonné aussi dans le mauvais sens et, si je devais le caractériser, je dirais: manque d’ambition. Cette région mérite plus. Quand je suis parti, j’ai posé la question de confiance au coach de l’époque, Luka Peruzovic: les Zèbres entendaient-ils me présenter un nouveau contrat? Luka n’en savait rien du tout et ignorait même de quoi son propre avenir serait fait et j’en ai conclu que je devais partircar ce n’était pas sérieux. »

Fin de contrat.

« Je me suis retrouvé au Lierse, qui me courtisait, et cela a mené à un titre national. Ce fut exceptionnel au Lisp même si la fin fut plus tendue avec la direction. Par rapport à cette époque-là, c’est vrai, je marque moins de buts. Habituellement, j’en prenais une douzaine au moins à mon compte par saison mais, au Lierse, je bottais tous les coups francs et les penaltys. J’étais le spécialiste maison. Quand je suis arrivé au Standard, il y avait d’autres frappeurs, Ali Lukunku, Harald Meyssen, sans oublier Johan Walem, qui lui aussi est arrivé la saison passée, et je pouvais pas les priver de plaisir comme je n’aurais pas apprécié qu’on m’en prive du temps où je jouais au Lierse.

Maintenant, j’aimerais marquer plus d’une paire de buts et cela passe peut-être par plus de présence de ma part sur les corners. Je suis en fin de contrat. Mon premier challenge est d’obtenir quelque chose avec le groupe puis, individuellement, de pouvoir affirmer que j’ai livré une bonne saison. J’aimerais rester deux ans de plus au Standard. Je ne veux pas me laisser aller. Le football m’a tout apporté et, plus tard, je resterai de toute façon dans ce milieu, peut-être comme entraîneur des jeunes.

Je suis et resterai un optimiste. Je n’ai pas été retenu pour Belgique-Pologne mais je reste à la disposition des Diables Rouges. Si on a besoin de moi, je suis là. Je comprends parfaitement le désir de rajeunir les cadres et je n’ambitionne pas une place en phase finale de l’EURO 2004. Au Japon, grâce aux Diables Rouges, j’ai vécu des moments assez géants. J’avais déjà pris part à deux phases finales sans jouer une minute. J’ai eu la chance de jouer contre le Japon dans une ambiance géniale. Oui, j’aurais peut-être pu intervenir autrement sur un but japonais, tenter d’éloigner l’attaquant de l’axe mais cela va tellement vite. Les Diables Rouges ont apprécié ce nul face à un pays organisateur plus fort qu’on ne le croyait. On ne m’a pas beaucoup parlé de mes deux assists contre le Japon car le Belge ne retient jamais ce qui va bien: nous sommes hélas des éternels pessimistes. C’est triste. Il y a eu d’autres choix par la suite et je n’ai notamment pas joué contre le Brésil. C’était pas là l’essentiel,j’étais présent avec le groupe, prêt à aider s’il le fallait. Je suis fier d’avoir contribué à cette aventure, avec une mentalité positive, et cela a fait du bien à tout le football belge: c’est ce qui compte ».

Pierre Bilic

« La saison passée, on a fini par se jeter la merde à la figure »

« Michel Preud’homme manquait de vécu »

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