Festival de CAN

Du 10 au 31 janvier, Sport/Foot Magazine couvrira en Angola sa 10e phase finale de la CAN.

Egypte 1986 : à dos de chameau avec Roger Milla

L’apothéose de la 15e CAN se déroule au pays des Pharaons et le public local n’a d’yeux que pour ses deux vedettes, Mahmoud Al Khattib et Tarek Abou Zeid. Mais la star étrangère est le Camerounais Roger Milla, futur joueur africain du XXe siècle. Un avant dont la classe sur le terrain n’a d’égale que sa sympathie en dehors. Une interview avec lui ? Pas de problème, c’est quand on veut. Et pour la photo, pas d’histoire non plus : puisqu’on est au Caire, les clichés se feront, à notre demande, devant le Sphinx et les pyramides.

L’entraîneur des Lions Indomptables, Claude Le Roy, n’y voit pas d’inconvénient à condition d’aller vite car un match est prévu le lendemain contre l’Algérie. Plus facile à dire qu’à faire dans une mégapole de 9 millions d’habitants déjà, à cette époque. Il nous faut deux heures en voiture pour rallier le site de Gizeh. Sur place, Milla pose non seulement pour nous mais aussi pour tous ceux qui veulent être fixés sur pellicule avec lui. Et comme le bouche à oreille fonctionne à merveille, c’est par dizaines qu’ils se pressent autour du bon Roger.

Comme l’un d’entre eux lui propose un tour à dos de chameau, il ne se fait pas prier. Mais à une condition : que le photographe français Henry Szwarc et moi l’accompagnions. Nous voilà donc partis pour une promenade sans fin. Il est 23 heures finalement quand Le Roy, paniqué, retrouve son joueur. Car avant de rallier l’hôtel, celui-ci voulait absolument assister au Son et Lumière programmé ce soir-là à Gizeh. Le lendemain, comme pour se faire pardonner, Milla score le troisième but, décisif, face à la bande à Rabah Madjer. Et puisque Swarc rebobinait justement son film à ce moment, il garde les bras levés au ciel pendant deux minutes pour que cette scène soit également conservée dans ses archives pour l’éternité.

Maroc 1988 : deux matches en 18 heures pour Stephen Keshi

L’édition 1988 est assurément l’une des plus belles. Le Cameroun, toujours emmené par Roger Milla, en sort finalement vainqueur devant le Nigeria, dont le capitaine est Stephen Keshi, actif à Anderlecht à l’époque. En cours d’épreuve, il réussit d’ailleurs un exploit peu banal : après avoir été éliminé la veille au soir avec le RSCA par Benfica au troisième tour de la Coupe des Champions, il est sur le terrain, le 17 mars 16 h, pour donner la réplique au Kenya. Arrivé en tout début d’après-midi après un vol Bruxelles-Casablanca puis un trajet en taxi vers Rabat, Kesh est ni plus ni moins le meilleur homme sur le terrain. Les siens l’emportent d’ailleurs aisément : 3 buts à 0.

Le lendemain, à Casa, le spectacle est dans la tribune de presse. Le Zaïre, avec cette vieille connaissance qu’est Eugène Kabongo (ex-Seraing et Anderlecht) en pointe ne parvient pas à se dépêtrer de la Côte d’Ivoire (1-1) où le gardien Alain Gouaméné multiplie les prouesses. Pour le plus grand bonheur de son président de club à l’Africa Sports Abidjan, Simplice de Messe Zinsou, par ailleurs fondateur de la revue Afrique Football, qui n’hésite pas à le proposer à la vente. L’information ne tombe pas dans l’oreille d’un sourd auprès de Roger Ouégnin, boss de l’autre club emblématique de la capitale ivoirienne, l’ASEC, qui emporte le morceau. Non sans succès car avant de mettre le cap sur Angers, puis sur Lorient et Toulouse, le gardien remportera quatre titres avec les Mimos.

Sénégal 1992 : petit déjeuner avec Abedi Pelé

Dans certains pays africains, l’infrastructure hôtelière de haut niveau est à ce point limitée que les différentes délégations, les officiels et les représentants de la presse partagent les mêmes établissements. C’est le cas à Dakar où nous logeons au même endroit que les sélections du Nigeria, du Zaïre, du Ghana et de la Zambie. Autant les matches se déroulent toujours à couteaux tirés, autant l’ambiance est bon enfant au Diarama où les joueurs se retrouvent mélangés aux diverses tables.

C’est l’occasion pour les journalistes aussi de s’asseoir auprès de l’une ou l’autre vedette. C’est le Ghanéen Abedi Pelé, qui nous offre une place à ses côtés au petit déjeuner. Le tout sous le regard amusé du Belgicain KalushaBwalya. Le soir, tout ce beau monde se retrouve à la discothèque locale. Surpris de voir un journaliste en ces lieux, les Léopards belges Jean-Claude Mukanya (Lommel), Jacques Kingambo (Saint-Trond), Danny N’Gombo (Germinal Ekeren) et Henri Balenga (La Gantoise) nous font jurer qu’on ne les a pas vus à cet endroit. A présent qu’il y a prescription, on ne doit plus se gêner…

Tunisie 1994 : Anderlecht découvre Oliseh et Ikpeba

Il n’y a pas que ces dernières années qu’Anderlecht a loupé quelques coups fumants avec des Africains évoluant sur notre sol. Comme avec les Ivoiriens de Beveren Kolo et Yaya Touré voire Emmanuel Eboué ou Arthur Boka qui ont tous fait une belle carrière après leur passage au Freethiel. En 1994, l’envoyé spécial des Mauves, Jean-Pierre Kindermans rentre un rapport où il fait état de deux joueurs qui l’ont tout particulièrement impressionné : les Nigérians Victor Ikpeba et Sunday Oliseh.

Pas de chance, le premier a pris la route de Monaco l’année précédente, où il a rejoint un certain Enzo Scifo. Le deuxième, lui, est toujours au RFC Liégeois à ce moment, mais le Sporting tergiverse tout de même. Si le Standard ne l’a pas voulu un an plus tôt, c’est qu’il n’a peut-être pas les qualités requises ? En définitive, l’indécision du club de la capitale coûte cher : après une Coupe du Monde d’enfer aux Etats-Unis la même année, Oliseh passe tour à tour dans les rangs de la Reggiana, le FC Cologne, l’Ajax Amsterdam, la Juventus et le Borussia Dortmund. De quoi nourrir les regrets au Parc Astrid !

Afrique du Sud 1996 : un rhinocéros comme seul danger

Au moment de prendre l’avion de Durban à Johannesburg, où a lieu la finale entre le pays organisateur et la Tunisie, le passage du portique de sécurité nous pose pas mal de problèmes. Malgré le retrait de la ceinture et la pose de nos clés et pièces de monnaie dans un panier en osier, l’alarme n’en finit pas de retentir.

–  » Ne serait-ce pas votre revolver qui cause ce bruit « , nous demande un préposé. Le temps de nous ressaisir et nous voyons le voyageur suivant déposer un flingue sur le tapis roulant avant de franchir le contrôle.

–  » Pas la peine, je n’ai pas d’arme sur moi. Par contre, le monsieur qui me suit en possède une « , dis-je au gars.

–  » Normal  » me répond-il. Et il appose une étiquette numérotée dessus avant de l’enfouir dans un sac.

–  » Et maintenant « , demandé-je ? Et l’officiel de me dire :  » Il va prendre l’avion avec vous et récupérer l’objet à l’arrivée, comme la plupart des autres passagers. « 

Voilà, l’espace d’une scène, je viens de faire connaissance avec la réalité ambiante en Afrique du Sud. Pourtant jusque-là, tout s’est toujours bien passé et je n’ai pas eu le moindre problème de sécurité. Le seul moment d’émoi, ce sera le lendemain de la finale. Un safari est programmé au parc national de Pilanesberg, non loin de Pretoria, et le photographe Tim De Waele et moi nous retrouvons à 50 mètres d’un rhino. Jamais nous ne nous sommes engouffrés aussi rapidement dans une voiture !

Burkina Faso 1998 : une bécane bousillée sur le tarmac

La phase finale de la CAN se déroule dans deux villes : Ouagadougou et Bobo-Dioulasso, distante de 360 kilomètres de la capitale burkinabaise. Il y a trois moyens de l’atteindre : en voiture (compter 6 heures de route), en train (8 heures) ou par avion (une petite heure). A l’aller, nous optons pour la voie des airs mais au retour, un fait divers tragi-comique nous en empêche.

Un cycliste, quelque peu éméché, est heurté par notre zinc sur le tarmac. Plus de peur que de mal, heureusement. Sauf pour la bécane complètement éclatée. Craignant une aile endommagée, le pilote refuse alors de rallier Ouagadougou. On doit donc se mettre en quête d’un autre moyen de transport. Ce sera une vieille Renault qui, cahin-caha, nous emmène finalement à destination. Avec, sur le coffre, un autocollant belge : une publicité vantant les mérites d’un garage à Enghien…

Mali 2002 : Anderlecht renonce à Kader Keita et s’en mord les doigts

Le Sporting envoie toujours un émissaire à la phase finale de la CAN. En principe, c’est Jean Dockx qui doit s’y coller mais, à deux semaines du début de la compétition, le responsable de la cellule recrutement des Mauves est victime d’une rupture d’anévrisme qui l’emporte, à l’âge de 60 ans à peine. Sous le choc, le club ne lui prévoit pas de remplaçant et la CAN se déroule donc sans scout du Sporting. A notre retour, l’entraîneur, Aimé Anthuenis, nous demande de façon informelle si nous avons vu là-bas l’une ou l’autre individualité intéressante.

 » Oui, Keita « , lui répondons-nous.  » Mais en Afrique, ils s’appellent tous Keita, Camara ou Diallo « , nous dit-il.  » Tu ne sais pas être un peu plus précis ? »  » Si, celui qui nous a tapé dans l’£il est l’Ivoirien Kader Keita. Il joue à l’Etoile du Sahel à Sousse.  »

Quelque temps plus tard, à notre grande surprise, le directeur général d’Anderlecht, Alain Courtois, annonce lors d’un point-presse que son club lorgne un certain Kader Keita, actif en Tunisie. Sans le savoir, nous avions donc joué le rôle d’informateur. Keita n’a finalement jamais abouti au stade Constant Vanden Stock. Aux dires de la direction, un montant de transfert de 300.000 euros, c’était chérot pour un joueur qui avait déjà pas mal bourlingué, passant de l’Africa Sport à Al Saad aux Emirats avant d’atterrir à l’Etoile.

Avec le recul, les Mauves s’en mordent quand même les doigts aujourd’hui. Car après avoir défendu les couleurs du LOSC, l’ailier droit a été vendu en 2007 pour 18 millions d’euros à Lyon, qui l’a cédé à son tour pour 8,5 millions d’euros à Galatasaray cet été. Même si le garçon ne fait jamais de vieux os partout où il passe, il y aurait eu moyen de réaliser une plus-value intéressante avec lui…

Tunisie 2004 : dans la suite d’Issa Hayatou

La question qui se pose à la CAN n’est jamais de savoir qui l’on peut solliciter pour une interview mais quand celle-ci peut se faire. La preuve par notre demande à Issa Hayatou. Nous rencontrons le Camerounais, président de la CAF (Confédération Africaine de Football), à la sortie de la tribune officielle après la rencontre entre la Tunisie et le Congo.  » Un reportage ? Pas de problème, venez me voir demain vers 16 heures à l’hôtel Abou Nawass.  »

Le lendemain, nous sommes là mais le big boss du foot africain brille par son absence.  » Il n’est toujours pas rentré « , nous dit-on. Nous faisons finalement le pied de grue jusqu’à 23 heures, moment où Hayatou apparaît enfin dans le hall d’entrée.  » Votre tête ne m’est pas inconnue « , nous lance-t-il d’emblée.  » Ben… c’est moi qui vous avais demandé une interview hier.  »  » Désolé, remettons ça à demain, même heure.  » Le lendemain, toujours pas d’Hayatou à l’heure et à l’endroit fixés.

Heureusement, une réception organisée par la CAF est prévue à 19 heures à l’hôtel et le président est censé l’honorer de sa présence.  » Je suis à vous dès que c’est terminé « , affirme-t-il. A 3 heures du matin, il en est enfin ainsi et il est un peu surpris de nous voir toujours là.  » Si vous n’y voyez pas d’inconvénient, je réponds à vos questions dans ma suite « . Là, l’espace de deux heures, l’occasion nous est donnée de le cuisiner sur tous les sujets. Au moment de prendre congé, une dernière surprise nous attend.  » Vous remettrez mes amitiés à Jean-Jacques Missé Missé. J’ai été son président de club autrefois à Yaoundé.  »

Egypte 2006 : Mido, toujours aussi sale gamin

Le hasard, qui fait parfois bien ou mal les choses, c’est selon, veut qu’on se retrouve dans le même ascenseur qu’ Ahmed Hossam. Les retrouvailles sont assez froides, et pour cause. Cinq ans plus tôt, Mido, sacré Jeune Pro de l’Année, nous avait posé un lapin alors que nous nous étions spécialement déplacés pour lui au Caire. Nous avions trouvé la mésaventure saumâtre, clouant le joueur au pilori, et il ne nous l’avait jamais pardonné.

Par la suite, l’Egyptien a toujours refusé toute demande d’interview de la part de notre magazine. On se console finalement en se disant que l’ex-Gantois n’est pas qu’un sale gamin pour nous. Au pays, il s’est mis entre-temps tout le monde à dos en osant critiquer vertement le sélectionneur, Hassan Shehata, coupable de l’avoir retiré du jeu en demi-finale, face au Sénégal. Près de quatre ans après, le joueur, qui semblait promis à une belle carrière, est de retour à la case départ. Après La Gantoise, l’Ajax, le Celta Vigo, l’Olympique Marseille, l’AS Rome, Tottenham et Middlesbrough, le voilà à nouveau dans son club d’origine, le Zamalek du Caire.l

par bruno govers – photos: reuters

Autant les matches se déroulent à couteaux tirés, autant l’ambiance est bon enfant en dehors.

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