FERMEZ la parenthèse

Daniel Van Buyten méritait-il les critiques dont il a été l’objet ?

Avant de jouer à Saint- Marin, hier, les Diables Rouges avaient profité du week-end de Pâques pour ressusciter : 4-1 contre la Bosnie-Herzégovine, avec un EmileMpenza qui aura bien manqué à AiméAnthuenis dans les matches précédents, un ThomasBuffel que l’on n’avait plus vu aussi fringant depuis longtemps et un LuigiPieroni qui, sans marquer, a pesé sur la défense adverse.

La semaine avait pourtant mal commencé, avec le renoncement pour blessure de MboMpenza, WesleySonck et FrédéricHerpoel, et un gros incident avec DanielVanBuyten qu’Anthuenis s’est empressé de dédramatiser :  » Le lundi, j’ai eu une discussion avec lui qui a duré deux minutes « . Le défenseur central a-t-il réellement prononcé les paroles qu’on lui a attribuées (en gros qu’il n’accepterait plus d’être sur le banc et que les Flamands de l’équipe étaient avantagés…) ? Donc : mérite-t-il les critiques dont il a été l’objet dans certains journaux ?

A Hambourg, on ne comprend pas

JornWolf, l’attaché de presse du HSV, veut rester en dehors du débat :  » Le club de Hambourg tient à rester neutre dans cette affaire. C’est un problème qui concerne Daniel Van Buyten et son sélectionneur national, Aimé Anthuenis. J’espère qu’ils parviendront à trouver une solution à long terme. A Hambourg, en tout cas, on est très satisfait de lui. Ce n’est pas un hasard si on lui a confié le brassard de capitaine. Tout le monde est d’accord pour affirmer que c’est un très grand joueur « .

Son homonyme SebastianWolf, journaliste au magazine Kicker, suit régulièrement le HSV. Il se montre élogieux vis-à-vis de notre compatriote :  » Daniel Van Buyten a été élu parmi les meilleurs joueurs de la Bundesliga, lors d’un referendum organisé par notre magazine. A Hambourg, il est l’un des leaders de l’équipe et il joue un rôle très important. Il a déjà inscrit cinq buts et délivré deux assists cette saison. Outre ses qualités offensives, il s’affirme aussi comme un très bon défenseur : l’un des meilleurs défenseurs de la Bundesliga. Certes, il éprouve parfois certaines difficultés dans des situations de un contre un, mais c’est très rare. Pour moi, il a le caractère pour s’imposer comme leader. En octobre, lorsque le HSV a vécu une situation difficile qui a débouché sur le limogeage de l’entraîneur KlausToppmöller et son remplacement par ThomasDoll, il est l’un des joueurs qui ont pris leurs responsabilités, avec SergejBarbarez et StefanBeinlich. Il a beaucoup parlé avec le groupe. Récemment, j’ai rédigé un article qui traitait de son caractère, et lorsque je l’ai rencontré, j’ai été impressionné par sa facilité d’élocution. J’ai aussi été séduit par son positivisme. C’est un professionnel, dans tous les sens du terme. Il sait parfaitement comment il doit se comporter face à un journaliste, ce qu’il peut dire et ne pas dire. Tout cela fait de lui l’un des leaders de l’équipe. J’ai cru comprendre qu’il était déçu qu’Aimé Anthuenis ne le considère pas comme un titulaire indiscutable. A Hambourg, on ne comprend pas non plus. Thomas Doll, le premier, se demande pourquoi il n’est pas une certitude chez les Diables Rouges « .

Le joueur bosniaque Sergej Barbarez, équipier de Daniel Van Buyten à Hambourg, se veut diplomate :  » J’ai beaucoup de respect pour Daniel Van Buyten. Il est mon capitaine au HSV. Pour moi, il aurait sa place d’office dans n’importe quelle équipe d’Europe, et donc également en équipe nationale belge « .

 » En Belgique, on aime critiquer  »

Ancien Diable Rouge, défenseur central lui aussi et ayant également débuté en D1 belge sous le maillot de Charleroi, PhilippeAlbert tente de comprendre :  » Vous savez, j’ai moi aussi connu ce genre de situation. Lorsque j’étais un titulaire indiscutable à Newcastle, on se posait également des questions sur moi en équipe nationale. Je comprends que Daniel Van Buyten puisse ressentir une certaine frustration. Surtout au vu de la situation qui a existé dans un passé récent : des joueurs comme Thomas Buffel et Wesley Sonck étaient repris alors qu’ils jouaient peu, alors que lui était le capitaine de Hambourg et qu’on mettait ses capacités en doute. Les qualités sont là, et je ne doute pas qu’il va exploser en équipe nationale comme il le fait en Bundesliga. Ce n’est qu’une question de temps « .

RobertWaseige, qui fut son coach à Charleroi, puis en équipe nationale, banalise la polémique qui a surgi, à l’image d’Aimé Anthuenis.  » Tout ce qu’on a écrit, c’était du remplissage de gazettes. Lorsqu’il n’y a pas d’événement, on éprouve le besoin d’en créer. Je connais bien Daniel Van Buyten. Il est trop bien élevé pour ruer dans les brancards. Cela ne correspond ni à l’éducation qu’il a reçue chez ses parents, ni à sa nature. Quand on retire n’importe quelle phrase de son contexte général, elle prend un ou plusieurs sens différents. Aimé Anthuenis sait à quel point un journaliste est capable de faire parler les gens et a eu raison de ne pas trop s’en formaliser. En calmant le jeu, il a fait preuve de sagesse « .

Daniel Van Buyten se sent-il moins à l’aise en équipe nationale que dans son club ?  » Cela provient peut-être du fait que c’est un joueur très discipliné, qui applique les consignes de manière rigoureuse « , pense l’actuel coach du FC Brussels.  » Dans un club, où l’on joue au moins un match par semaine, on trouve plus facilement la complémentarité et les automatismes que dans une sélection qui, par définition, est très fluctuante et se rassemble beaucoup moins souvent. Il faut aussi tenir compte du contexte. Le meilleur joueur du monde s’exprimera avec moins de facilité s’il ne se retrouve pas dans un environnement positif. A l’inverse, lorsqu’il se retrouve dans un contexte qui suscite le don de soi, il se libérera plus facilement. Daniel Van Buyten peut-il devenir un leader en équipe nationale, comme il l’est dans son club ? Je pense que oui, mais s’il évolue dans un milieu où la mesquinerie règne (ce qui est souvent le cas lors d’une sélection nationale en Belgique), il ne se retrouve pas de bonnes conditions pour s’exprimer. Pour les gens positifs de nature, ce climat est perturbateur. S’il est encensé à Hambourg, comme il l’a été à Marseille et à Manchester City, alors qu’il est critiqué en équipe nationale, c’est le signe qu’il existe un problème typiquement belge. On aime critiquer chez nous : petit pays, petite mentalité « .

Daniel Van Buyten doit-il marquer pour être apprécié à sa juste valeur ?  » C’est vrai que son match référence, chez les Diables Rouges, est celui qu’il livra en Ecosse dans le cadre des éliminatoires de la Coupe du Monde 2002, lorsqu’il égalisa dans les arrêts de jeu alors qu’on jouait à dix contre onze. Mais je l’ai déjà vu livrer d’excellents matches, très sobres, sans qu’il marque « .

 » Je savais que mon fils livrerait un bon match  »

Son papa FransVanBuyten abonde dans le même sens.  » Parfois, les journalistes sont obligés de remplir des pages. Alors, faut-il toujours prêter une grande attention à tout ce que l’on écrit ? Personnellement, je ne vois qu’une chose : Daniel fait toujours son possible lorsqu’il est convoqué en équipe nationale. Et ce n’est pas le genre de garçon qui dira du mal de ses coéquipiers ou de son entraîneur. Je ne sais pas ce que l’on essaie de faire croire aux gens. Certains auraient-ils envie de dégoûter mon fils ? Daniel a été un moment perturbé par cette situation, mais je pense qu’il a repris le dessus. J’étais certain qu’il allait faire un bon match, car au fil des jours, il a repris confiance. Dans la semaine précédant le match contre la Bosnie-Herzégovine, il s’en est tenu à des déclarations sur le match. Et il a dit ce qu’il fallait : que ce match, les Diables devaient absolument le remporter. Qu’il ait été déçu de prendre place sur le banc en certaines occasions antérieures, c’est logique. Mais il n’a pas posé de revendication particulière pour ce rendez-vous. D’ailleurs, il m’avait confié : – Papa, mêmesijenejouepas, je nesouhaitequ’unechose : quelaBelgiquegagne ! Croyez-moi : plus que tout autre, il a envie que les Diables Rouges aillent à la Coupe du Monde en 2006. D’autant qu’elle aura lieu en Allemagne. La Belgique a besoin d’avoir une équipe bien soudée, solide derrière, et avec ce genre d’état d’esprit, elle a déjà démontré par le passé qu’elle était capable de réaliser des miracles « .

Daniel Van Buyten est-il moins performant en équipe nationale que dans son club ?  » En tout cas, à Hambourg, il est toujours bien coté dans la presse. Il figure pratiquement chaque semaine dans l’équipe type de la Bundesliga. Mais en équipe nationale, j’ai parfois l’impression qu’on regarde uniquement les erreurs qu’il commet. S’il rate une passe ou une intervention, on ne parle que de cela. Mais, s’il sauve trois buts, on passe outre. Je n’ai pas toujours l’impression qu’en Belgique, les journalistes soutiennent leur équipe nationale. Je ne veux pas mettre tout le monde dans le même sac, mais certains essaient plutôt de déstabiliser. Ne comprennent-ils pas qu’il y va aussi de leur intérêt que la Belgique aille à la Coupe du Monde ? Alors, essayons plutôt d’aider. Je peux comprendre qu’on critique après un match, si la prestation a été mauvaise. Mais, chez nous, on critique déjà avant « .

 » Il faudrait profiter de ses qualités offensives  »

Et le fait qu’on encense surtout Daniel Van Buyten lorsqu’il marque un but, alors qu’il devrait d’abord être jugé sur ses qualités de défenseur ?  » Cette constatation est valable pour tout le monde « , estime son père.  » On retient toujours le nom des buteurs, rarement celui des défenseurs. En Angleterre, on est capable de mettre en évidence un beau geste défensif, mais c’est rarement le cas chez nous. Dans le chef de mon fils, le fait qu’il est capable d’inscrire un but est une qualité supplémentaire dont il faudrait profiter. Il mesure presque deux mètres. Lorsqu’on a un corner, essayons de jouer sur lui. N’oublions pas qu’au départ, il a été formé comme milieu de terrain. En Réserve, à Charleroi, il avait inscrit 37 buts. Au Standard, on le faisait régulièrement monter quand l’équipe était menée. Et, souvent, cela payait. A Marseille aussi, on a voulu l’essayer dans cette position. Mais, sur un match, c’est difficile de juger, surtout lorsqu’on n’a plus joué à cette position depuis longtemps. Et puis, si on a des doutes sur les qualités de défenseur de mon fils, qu’on le fasse monter ! Daniel ne demandera pas mieux. A Hambourg aussi, il me dit parfois : – J’aimeraistellementqu’onmemettedevant ! Si on le faisait, je suis presque certain qu’il mettrait un but à chaque match. Daniel préfère privilégier l’efficacité, plutôt que les actions spectaculaires. Il ne joue pas pour la galerie. Garder le ballon, dribbler deux hommes, puis faire la passe : à quoi cela sert-il ? Si l’on veut voir des jongleurs, il faut aller au cirque. Là, on admire des gens qui font trois tours de piste en jonglant avec le ballon. Mais cela ne rapporte rien sur un terrain de football : ni but, ni point. Les entraîneurs insistent toujours pour qu’on joue en un temps. Donc, Daniel s’exécute. On ne le voit jamais avec le ballon, car dès qu’il l’a, il le donne. Mais il s’en libère à bon escient « .

La question d’un éventuel problème communautaire qu’aurait soulevé Daniel Van Buyten est directement balayée par son père.  » Une grande partie de ma famille est originaire des Flandres. D’ailleurs, le nom que je porte est-il typiquement wallon ? Pourquoi Daniel critiquerait-il les Flamands ? »

Quant à savoir s’il mériterait d’être un titulaire indiscutable en équipe nationale ?  » Ecoutez, je ne veux pas parler de mon fils en particulier, mais je me permets une réflexion : je constate qu’Anderlecht n’a pris aucun point en Ligue des Champions et que le niveau du championnat de Belgique n’est pas très élevé. Alors, j’estime que ceux qui s’imposent dans des championnats européens majeurs ont tout de même droit à certains égards. Daniel est très apprécié par ses coéquipiers à Hambourg. Au début, il avait eu un petit froid avec Sergej Barbarez, qui avait mal accepté que l’on confia le brassard de capitaine à mon fils alors qu’il pensait y avoir droit. Mais l’incident a été rapidement aplani. D’ailleurs, la semaine dernière, Barbarez lui aurait déclaré : – Finalement, j’auraispréféréquelabrouilleavecAiméAnthuenisseprolonge, carcelaauraitmieuxfaitlesaffairesbosniaquessitu n’avaispasjoué !

La réponse sur le terrain

Le mot de la fin, nous le laisserons au principal intéressé.  » Fermons la parenthèse concernant toute cette histoire « , insiste-t-il.  » L’individu n’est pas important, c’est l’équipe qui compte. On prétend que dans ce genre de circonstances, il faut réagir sur le terrain. C’est ce qui a été fait. Je ne sais pas si j’ai livré samedi mon meilleur match avec l’équipe nationale, mais cela n’a pas mal marché avec VincentKompany. On s’est beaucoup parlé, pour que l’un prenne l’attaquant pendant que l’autre assurait la couverture. Les automatismes doivent encore être améliorés. Ce n’était pas encore parfait. La preuve : on a encaissé un but. Mais, paradoxalement, ce but précoce nous a peut-être libérés. On s’est tous livrés à 100 % pour renverser la tendance, on a témoigné d’une motivation qui avait peut-être fait défaut dans les matches précédents. Avant cette rencontre, les Diables Rouges étaient tombés bien bas. Maintenant, on a relevé la tête, mais il ne faut pas croire que tout est redevenu idyllique. Ce n’est qu’une victoire, le chemin est encore long jusqu’à la Coupe du Monde 2006, à commencer par le match à Saint-Marin « .

Daniel Devos

 » Daniel est UN DES MEILLEURS défenseurs de la Bundesliga  » (Sebastian Wolf, journaliste du magazine Kicker)

 » Il n’est PAS DANS DE BONNES CONDITIONS dans un milieu mesquin ; c’est souvent le cas lors d’une sélection nationale belge  » (Robert Waseige)

 » A Hambourg, il me dit parfois : -J’aimerais tellement qu’on me mette devant !  » (Son père)

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