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Samedi, il a pris le départ de son neuvième Tour. En août, il fêtera ses 35 ans. Après, il vivra et travaillera au Canada.

Non, il n’a pas remporté beaucoup de courses, mais son père, en champion de légende, peut quand même être fier de son fils. En 2000, sa saison la plus brillante, Axel a entre autres gagné une étape du Giro et fut champion de Belgique à Rochefort. Quatre ans plus tard, il décrocha la médaille de bronze sur route aux Jeux Olympiques à Athènes.  » C’est mon top 3 « , dit-il.  » Mais je ne sais pas encore dans quel ordre, car chacune de ces prestations a une saveur différente « .

Comment se sent-on dans sa dernière saison ?

Axel Merckx : Je me rends avec beaucoup de plaisir à chaque course. Je suis content de pouvoir répondre à l’attente au départ et donner le maximum pour l’équipe. C’est aussi plus facile, plus relax que les autres années parce qu’il ne faut plus se battre pour un nouveau contrat.

La préparation fut-elle différente ?

La motivation est toujours présente d’effectuer au mieux la tâche confiée. Je suis cycliste professionnel du début à la fin de ma carrière et je n’ai jamais songé à terminer en douceur. Je ne me suis donc pas entraîné moins,… mais pas davantage non plus. C’est ma quatorzième saison, j’ai accumulé suffisamment d’expérience et je sais que je dois écouter mon corps.

Avez-vous enterré vos ambitions personnelles ?

Non. Avant cette saison, je m’étais fixé deux objectifs : les classiques ardennaises et le Tour de France. Les classiques n’ont pas été fameuses et je ne cherche pas d’excuses. Ensuite, j’ai couru un Giro plus que méritoire, une course difficile avec de nombreux sprints massifs et un parcours de haute montagne très ardu. De plus, nous avons défendu avec quatre ou cinq coureurs le maillot de leader pendant quatre jours, ce qui n’est pas une sinécure. Au Tour, il s’agira d’attendre le début pour déterminer une stratégie de course. Si l’un de nous est bien placé, je travaillerai pour lui. Même en roulant pour quelqu’un, il est possible de décrocher une victoire d’étape. Je pense disposer encore de toute la fraîcheur requise pour y aller, sinon j’aurais raccroché mon vélo plus tôt.

Gagner n’est pourtant pas votre spécialité…

C’est vrai que je n’ai jamais été un collectionneur de victoires, même pas chez les jeunes. J’ai été tout proche de la première place à plusieurs reprises mais comme je ne suis pas très rapide au sprint, le compteur est resté bloqué à une dizaine de victoires.

 » J’ai tout donné chaque saison  »

Quel bilan tirez-vous de vos 14 années dans le peloton professionnel ?

Je suis content de mes performances. J’ai tout donné chaque saison. J’ai toujours pris mon métier à c£ur. J’ai vécu à 100 % en fonction du vélo et je ne regrette rien.

Comment avez-vous vécu la comparaison incessante avec votre père ?

Durant les 19 années de ma carrière, il n’en a jamais été autrement. Mon père a fêté sa première victoire après 13 courses à peine et on attendait la même chose de ma part. Mon choix pour ce sport est certainement dû en partie à lui car je n’ai connu que le cyclisme depuis ma naissance. Mais je vois ce sport comme mon métier. Lorsque je décrochais un beau résultat, j’étais content pour moi-même. Les premières années, j’avoue que la pression du nom de famille était terrible mais depuis mon déménagement à Monaco, j’ai trouvé davantage de sérénité.

Etre le fils d’Eddy Merckx a aussi des avantages dans le peloton, non ?

Oui, sans doute, mais vous ne voudriez tout de même pas qu’il n’y ait que des désavantages ? Cela augmente l’intérêt médiatique et c’est donc intéressant aussi pour l’équipe. Mais après un temps, cela passe et les gens commencent à s’intéresser à Axel pour lui-même et pas en tant que fils d’Eddy. On ne reste pas 14 ans cycliste pro si on ne le vaut pas. Tout simplement, si on veut résumer les différences avec mon père, il avait beaucoup plus de talent. Il était très fort et il savait tout faire. Il courait beaucoup et moi moins. Il y a donc des tas de différences.

 » Landis dit qu’il n’a pas commis de faute. Je ne sais pas, mais…  »

Le dopage est au centre des discussions dans le cyclisme. Quelle est l’ambiance au sein du team Telekom après les aveux d’ex-coureurs de l’équipe ?

Ils ont décidé de parler mais maintenant nous devons avancer. Je suis venu chez T-Mobile pour voir l’avenir et non le passé. L’important est que la jeunesse se retrouve sur la bonne voie et que les autres sports prennent ce qui est arrivé au cyclisme comme exemple.

Trouvez-vous ces aveux positifs ?

Je laisse à d’autres le soin de juger. Je préfère ne pas répondre. Il s’agit de personnes avec lesquelles je travaille pour l’instant. Si je veux m’épancher, je le ferai avec eux et pas en public.

Vous jouez de malchance : chez Phonak aussi vous étiez arrivé en pleine tempête.

Pendant le Tour de France, on n’arrê-tait pas de dire que l’équipe Phonak n’était pas assez forte pour ramener Floyd Landis en jaune à Paris. Ensuite, tout le monde a dit que nous étions tous concernés. Il faut savoir ce qu’on veut : étions-nous trop faibles ou trop forts ? Il n’y avait pas vraiment de ligne claire dans certaines déclarations. Je regrette ce qui est arrivé, car j’aurais bien voulu travailler un an de plus avec John Lelangue et cela m’aurait plu d’encore accomplir un Tour de France avec le vainqueur de la précédente édition. Floyd dit qu’il n’a pas commis de faute. Je ne sais pas… Mais s’il me le dit en face, je ne peux que le croire. Si on ne peut plus croire ce que disent les amis.

Pensez-vous que le monde cycliste sera plus clean, après les récentes déclarations et la nouvelle charte antidopage ?

Je ne porte pas de jugement sur les autres. Vous savez, les contrôles ont toujours été très stricts en cyclisme. Que peuvent-ils faire de plus ? Plus il y aura de contrôles, plus le cyclisme sera perçu comme le mouton noir des disciplines sportives. Dans certains sports, lorsque l’agence mondiale antidopage arrive, on leur dit : -Nous n’avons pas de contrôles car il n’y a pas de problèmes. Evidemment, comme ça c’est facile de ne pas être impliqué.

Vous dites avoir toujours suivi la même ligne, mais le journal De Morgen a publié l’an dernier un article selon lequel le docteur Michele Ferrari vous aurait proposé de la testostérone entre 1994 et 1998…

C’est faux. J’ai travaillé avec le docteur Ferrari mais il ne m’a jamais proposé de produits prohibés. On écrit et on dit tellement de choses que s’il fallait passer son temps à réagir nous n’aurions jamais la paix.

Pendant votre carrière, personne ne vous a proposé de produits dopants ?

Non. Si on veut suivre la ligne qu’on s’est fixée dans la vie, on s’y colle.

Qu’avez-vous ressenti en étant souvent loin de votre famille et de votre foyer ?

A partir du moment où il y a des enfants, cela devient compliqué surtout quand ils deviennent plus grands et qu’ils se mettent à pleurer lorsqu’on quitte la maison. Je n’ai pas beaucoup vu mon père quand j’étais jeune. Je conçois qu’il a fait tous ces sacrifices pour nous, mais je disposerai sans doute du luxe de pouvoir exercer une fonction après ma carrière où je pourrai davantage combiner vies de famille et professionnelle.

Financièrement, avez-vous besoin d’encore travailler longtemps ?

La route est encore longue. Je veux donner un maximum de chances à mes enfants dans la vie. Pour cela, je veux continuer à travailler dur. Nous allons habiter au Canada où Axana, qui a six ans, ira à l’école. Le cyclisme est l’univers que je connais le mieux et c’est ma passion. C’est un secteur où je pourrais travailler. On verra bien ce qu’il adviendra de moi. En ce moment, je me concentre encore sur les courses qu’il me reste à disputer.

par roel van den broeck – photo: belga

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