FENERBAHÇE – GALATASARAY

Il suffit de traverser le Bosphore pour changer de continent. Ce simple bras de mer alimente la magie et cultive le paradoxe d’Istanbul. Et surtout attise les passions. Le football l’a bien compris. D’un côté, la zone européenne et son Galatasaray. De l’autre, la zone asiatique et son Fenerbahçe. Entre les deux, un détroit et une énorme rivalité.

A l’origine, pourtant, les deux clubs s’entendaient comme larrons en foire. Nés à deux ans d’intervalle, l’un dans le lycée français de Galatasaray en 1905, et l’autre dans le quartier huppé de Kadiköy à l’ombre du phare de Fenerbahçe en 1907, ils portèrent, à deux, face à l’occupant étranger, l’étendard de l’identité turque naissante devant aboutir quelques années plus tard à l’indépendance du pays et à l’arrivée de Mustafa Kemal Atatürk. A l’époque, il n’était pas rare que Galatasaray s’entraîne sur les terrains du Fener’.

Sans doute lassés par une lutte commune de plusieurs décennies, ou simplement peut-être tellement habitués à se trouver un ennemi, les deux clubs vont se retourner l’un contre l’autre. On peut même dater ce renversement : 1934. Un affrontement qui se voulait amical tourne au pugilat et les violences inaugurent une rivalité désormais presque séculaire.

Depuis lors, les deux clubs se rendent coups pour coups, le Besiktas, le troisième club de la ville servant d’arbitre. Les Canaris du Fener’ se glorifient de leur rôle de détonateur et d’acteur prépondérant de la guerre d’indépendance, n’hésitant parfois pas à travestir l’histoire en faisant de leurs rivaux du Gala des proches de l’occupant étranger pour la simple et unique raison que les Lions avaient été fondés au sein du lycée français. Dans l’autre camp, on peste devant cette accusation, alors on porte la moquerie sur le terrain sportif, on se gausse de la condamnation du Fener’ et de son président Aziz Yildirim pour matches truqués, et on magnifie la victoire européenne en Coupe de l’UEFA face à Arsenal en 2000. Chaque année, la télévision repasse ce match, unique succès turc sur la scène européenne. Ce jour-là, comme un coup de poignard supplémentaire porté aux supporters de Fenerbahçe, la place Taksim, qui accueillait dans les années 30 le stade à l’origine du pugilat de 1934, était noire de supporters adverses venus fêter ce sacre continental.

Reste alors la suprématie turque. Galatasaray compte un titre de champion supplémentaire mais le Fenerbahçe est devenu maître dans l’art de remporter les derbies entre les deux clubs. Ultime pied de nez entre les deux maîtres d’Istanbul. Car finalement, qu’est-ce qui compte le plus : compter un trophée de plus que l’adversaire ou le battre ? Chacun a sa réponse.

PAR STÉPHANE VANDE VELDE

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