Femmes de FOOT

Mars 2013, Kristel Kompany devient présidente du BX Brussels et est directement bombardée Première présidente d’un club de foot belge.  » Quelle erreur !  » a dû se dire Arlette, dirigeante du RFC Natoye depuis cinq ans. Parsemées dans différentes tâches aux quatre coins du Royaume, les femmes sont bien plus actives qu’on ne le pense dans le monde du football masculin. La preuve par cinq.

Dans le monde du foot, les femmes ont toujours eu une place particulière : derrière le bar, aux entrées, pom-pom girl au milieu du terrain ou en train de préparer les tartines des joueurs, le sexe  » faible  » a surtout occupé des postes d’intendance. Mais il y a des exceptions.

Présidente, manager, arbitre, journaliste et coach, Arlette, Laurence, Margot, Johanna et Mélissa sont toutes impliquées à des degrés différents dans le monde du foot. Les cinq filles renversent ainsi chacune à leur manière le ridicule cliché qui veut que le foot, c’est pour les hommes. Et tant pis s’il faut botter des fesses pour le prouver…

Si pour Laurence, Margot et Johanna, le foot s’est limité à la cour de récré et au petit club de village. ArletteMacors, présidente du RFC Natoye depuis cinq ans a, quant à elle, tapé le ballon il y a pas loin d’un demi-siècle.

 » Toutes les femmes de mon équipe venaient du village, on était une bonne bande, hein. Il n’y avait pas de championnat, donc on faisait des matches amicaux contre des équipes bien éloignées de chez nous. Ça a duré sûrement trois ans, puis elles se sont mariées, les copains n’ont plus voulu suivre… Maintenant c’est le contraire (rires).  »

Plus bas dans la Province, MélissaRanson est actuellement à la tête de l’équipe première de Bièvre, en P1. À 28 ans, c’est la seule des cinq filles concernées qui a un parcours important en tant que joueuse. Il est dû à son passage de sept saisons au Standard qu’elle a quitté parce que  » même si mon rêve étant plus jeune était d’aller jouer aux Etats-Unis où les femmes sont professionnelles, ma préférence allait depuis longtemps aux études « .

Pour en arriver à pouvoir jouer, ça n’a pas été une sinécure pour autant, Mélissa ayant dû passer de nombreuses soirées à convaincre des parents récalcitrants, ce que n’est jamais parvenue à faire JohannaPierre.  » Mon père n’a jamais voulu que je joue parce que j’étais une fille, explique la journaliste de la DH qui suit notamment le quotidien d’Anderlecht et du Standard. Pour lui, ce n’est pas un sport féminin et il ne voulait pas que je me blesse.  »

Des cheminements différents

Le deuil d’une carrière de footballeuse fait, les cinq femmes n’en oublient pour autant pas leur passion pour ce sport, et elles vont chacune y rentrer à leur manière. Et si pour Melissa et Margot Detal, c’est après avoir arrêté de jouer qu’elles ont décidé de se lancer dans le coaching et l’arbitrage, pour Johanna, c’est une raison  » de salon  » qui l’a amenée à devenir journaliste.

 » À 17 ans, devant la Coupe du Monde 2002, je me suis dit  » Mais allez, journaliste sportif c’est quand même cool quoi : être payé pour aller voir des matches de foot… C’est ce que je voudrais faire !  »

Elle se lance donc dans des études de journalisme pendant que LaurenceVandenput, désireuse de faire des études de Droit, doit quant à elle d’abord répondre à une exigence imposée par son père.

 » Il voulait que j’approfondisse mes connaissances dans les réglementations du football, témoigne-t-elle. J’ai donc passé un examen de la FIFA. J’étais la seule femme de la salle et beaucoup se demandaient ce qu’une jeune fille de 18 ans venait faire là. Mais sur les 20-25 candidats, nous sommes seulement deux à avoir réussi, et bien que le foot soit un monde d’hommes, c’était clair pour moi que les femmes pouvaient aussi s’y engager.  »

Arlette a quant à elle accédé au poste de présidente de son club après avoir passé près de 40 ans en tant que comitarde de son club où elle s’est occupée des jeunes, a été déléguée et vice-présidente.

Bien installées dans leur fonction, les cinq femmes doivent néanmoins montrer pas mal de caractère dans un monde du foot qui reste très masculin.  » J’aime bien donner des ordres et qu’on respecte les consignes donc si ce n’est pas fait, je me fâche « , balance coach Melissa.

 » J’aime bien l’autorité « , précise Margot, qui arbitre depuis près de cinq ans.  » J’ai un caractère fort au départ donc je n’ai pas vraiment dû le travailler en devenant arbitre.  » Néanmoins, avoir du caractère ne suffit pas toujours, comme l’explique Arlette, pourtant connue pour son tempérament de feu.

 » J’ai déjà été mal dans ma peau quand j’ai dû limoger un entraîneur à contrecoeur parce que les joueurs ne le voulaient plus. Ce n’est pas toujours évident de trancher, mais quand il faut se faire écouter par contre ça va, et au pire je crie une bonne fois.  » C’est notamment très difficile pour Mélissa d’être coach de deux équipes de mecs.

 » Il y a encore beaucoup d’hommes qui pensent que ce n’est pas un sport de femmes. J’en vois donc de toutes les couleurs, même quand je suis juste spectatrice : certains me disent  » Retourne àtescasseroles « ,  » Va àlacuisine !  » Mais ça ne m’atteint pas, ça me fait même rire.  »

Rire, c’est aussi ce que fait Margot quand elle entend des invitations à aller jouer aux Barbies alors qu’elle arbitre un match, mais elle concède qu’il y a également d’autres réflexions moins idiotes et plutôt maladroitement sympathiques.  » Parfois, quand j’arrive au terrain, on me dit :  » Mademoiselle, vousnepayezpasl’entrée ?  » –  » Bahnon, jesuisl’arbitre.  » Certains joueurs pensent également que je suis la kiné…  »

Jouer l’homme

Pour résister dans ce monde qui reste fort macho, Arlette a une autre tactique : elle joue à l’homme et fait du rentre-dedans.  » C’est moi qui provoque les joueurs. Ça m’arrive souvent d’aller boire un verre avec eux après le match et quand je rentre dans le vestiaire, je crie  » Cachezvosmisères !  » (rires) Puis quand ça va bien, on fait la fête jusqu’au matin et je suis pratiquement la dernière à quitter les lieux.  »

Pour Laurence, qui occupe une fonction qui ne touche pas directement le terrain, l’approche est semblable :  » Tu dois te tenir comme un mâle. Le foot est un monde macho où beaucoup d’argent circule, pour chaque deal qu’il faut régler, il y en aura toujours un qui voudra se glisser entre tous. Une femme doit donc à tout moment rester forte dans ses chaussures.  »

Le monde du foot n’est pas non plus incurable, loin s’en faut. Il arrive ainsi par moments que les filles reçoivent des compliments d’hommes, comme Johanna le jour où  » un journaliste expérimenté m’a félicité pour une question posée à un joueur. Certains se rendent compte que j’ai aussi des idées et que je ne pose pas n’importe quoi comme questions.  »

Margot, qui arbitre majoritairement les jeunes mais officie également en tant qu’arbitre assistant pour les seniors, voit elle aussi une différence de traitement de la part des hommes sur le côté.  » Je pense que dans l’ensemble, c’est plus facile pour moi parce que les joueurs et les supporters ont plus de scrupules à insulter une femme.  »

Une présence féminine accrue

Justement, le fait d’être une femme peut avoir une influence sur la fonction occupée dans le monde masculin du football. Laurence, qui travaille au sein de la société de management One4Seven, estime ainsi que  » le charme féminin, l’approche plus souple ou le caractère sécurisant, cela marche ! Les femmes sont plus inquiètes que les hommes, elles écoutent plus et ont leur instinct maternel qui protège plus facilement les jeunes joueurs des grands rêves que les hommes peuvent leur faire miroiter. L’éducation scolaire et le cadre social viennent pour moi en première place, le côté football, c’est pour les clubs…  »

Au début des années 70, BernadetteLecocq avait déjà révolutionné le football belge en devenant la première femme arbitre. Elle a bien sûr eu de nombreuses successeurs depuis lors, mais la facilité d’entrée dans le monde du football masculin dépend beaucoup de la fonction que l’on veut exercer.  » Je n’ai jamais rencontré d’autres coaches « , apprend ainsi Mélissa.

 » Au Standard, on a eu FeryFerraguzzi, une ancienne internationale italienne, mais c’était du temps où je jouais. Personnellement, je ne pensais pas prendre un jour en charge une équipe première masculine, ça me semblait improbable, impossible tant le football est encore un monde macho. Je pense que les jeunes me conviennent mieux, j’ai l’impression d’être plus écoutée donc je ne me vois pas poursuivre l’expérience avec les adultes.  »

Même Arlette, présidente et donc première décideuse quant aux destinées de son club, ne se voit pas embaucher une femme pour entraîner ses gaillards :  » Je n’y ai jamais songé.  »

Au niveau de l’arbitrage, Margot se montre moins catégorique, expliquant qu’il y a de plus en plus d’arbitres féminins dans le foot masculin, mais elle nuance néanmoins ses propos.  » Le foot féminin – plus mis en valeur qu’avant – a permis une évolution dans les mentalités en général, je vois donc plus de filles sur les pelouses. Mais au niveau régional, c’est moins le cas, surtout en Wallonie. J’ai déjà été faire des tournois en Flandre et il y a beaucoup plus d’arbitres femmes là-bas.  »

Johanna est quant à elle persuadée que d’ici quelques années, les RodrigoBeenkens et BenjaminDeceuninck auront leur pendant féminin.  » Si AnneRuwet et ChristineSchréder étaient mauvaises, elles se seraient vite fait dégager. Les médias vont bien chercher des anciens footballeurs comme consultants, je ne vois pas pourquoi ils n’iraient pas chercher une fille qui fera ça tout aussi bien qu’un mec. C’est toujours une question de mentalité, et je pense qu’elle évolue bien.  »

Enfin, du côté d’Arlette, si elle ne parvient plus à revenir sur les noms de ses camarades présidentes de la région, elle affirme qu’il est de plus en plus courant de voir des femmes trôner au-dessus des clubs.  » Mais attention : quand elles sont célibataires ou tout fraîchement en couple, là il n’y a pas de problème, mais dès le moment où elles sont en ménage, c’est autre chose !  »

PAR ÉMILIEN HOFMAN – PHOTOS : BELGAIMAGE / FAHY

 » Certains me disent : Retourne à tes casseroles.  » Mélissa Ranson, coach de Bièvre, P1 namuroise

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