Feeling SLAVE

L’ex-buteur du FC Liège est devenu le coach adjoint de Lothar Matthäus.

Avant même la dernière journée, la situation dans le groupe F était on ne peut plus claire : le Real Madrid et le FC Porto étaient d’ores et déjà qualifiés. Ce qui ne voulait pas dire qu’on jouait pour du beurre, hier soir, puisque le Partizan et Marseille s’affrontaient en Yougoslavie pour la troisième place, qualificative pour la Coupe de l’UEFA. A Belgrade, on n’est pas peu fier d’être arrivé à ce stade de la compétition.

 » Après le 0-1 contre Newcastle au tour préliminaire, plus personne ne croyait à la Ligue des Champions « , explique Zvonko Varga, l’ancien buteur du FC Liège, aujourd’hui entraîneur adjoint de Lothar Matthäus.  » Mais nous sommes allés nous imposer en Angleterre sur le même score avant de nous qualifier aux tirs au but. Quand nous sommes rentrés à 3 heures du matin à Belgrade, 2.000 personnes nous attendaient. Le club vivait ses plus belles heures depuis la finale de la Coupe des Champions de 1966. Après la guerre, le football yougoslave a vécu des moments difficiles : beaucoup de gens n’étaient là que pour blanchir de l’argent. Maintenant, le sport reprend ses droits. Le niveau remonte : nous sommes tombés dans le groupe de la mort en Ligue des Champions mais nous avons pris un point à domicile contre le Real et contre Porto, les deux qualifiés, et nous avons livré notre meilleur match à Marseille avant de nous écrouler suite à une exclusion : ces rencontres prouvent que nous avons de la valeur mais il n’y a pas que nous : l’Etoile Rouge se débrouille bien en Coupe UEFA et l’équipe nationale va mieux depuis que IlijaPetkovic a succédé à DejanSavicevic. Trop tard, malheureusement, pour se qualifier pour l’EURO mais nous avons livré un bon match contre l’Italie, devant 50.000 personnes : la flamme revient « .

Varga, qui possède la double nationalité, n’a connu que deux grands amours dans sa vie de footballeur : Liège et le Partizan, où il était arrivé à l’âge de 16 ans et demi et où il resta dix ans avant de devenir un des meilleurs attaquants du championnat de Belgique.

 » Lorsque Liège a chuté en D3 en 1995, le nouveau président, Vincent Burnet, m’a proposé de devenir entraîneur adjoint de Daniel Boccar tout en continuant à évoluer en D3 « , dit-il.  » J’ai été deux fois champion avec la Réserve tandis que la Première remontait en D2 en 1996. Mais après une bonne première tranche, tout l’édifice s’est écroulé. Daniel a été limogé et j’ai repris l’équipe. La saison suivante, j’ai entamé le championnat avec une toute nouvelle formation puis la direction a changé. Des Italiens sont arrivés et j’ai compris dès le premier jour que ce serait difficile : ils ne payaient pas les joueurs, reprenaient leurs voitures, organisaient un match contre le Cameroun qui devait faire le plein mais où il n’y avait que 800 personnes… A un moment donné, ils ont voulu imposer des joueurs qui venaient soi-disant de Palerme mais c’étaient en fait des cousins de Salvatore Pasta, l’homme qui tirait les ficelles en coulisses. Je ne les ai pas acceptés et j’ai été viré après avoir pris sept points sur douze, dont un match nul contre Courtrai, qui n’allait pratiquement pas perdre de points cette saison-là. Raphaël Quaranta m’a remplacé et il a donné leur chance à ces Italiens qui ne l’ont évidemment pas saisie, parce qu’ils n’avaient tout simplement pas le niveau « .

Alors que la Yougoslavie s’écroulait sous les bombardements aveugles de l’OTAN, Varga resta encore un an en Belgique, partageant son temps entre les images de CNN et la recherche d’un club ambitieux qui lui fasse confiance.  » Mon premier choix était de rester en Belgique, où j’avais été très heureux sur les plans professionnel et privé pendant 13 ans. Liège me manque encore beaucoup : j’y retournerai juste avant la Noël pour saluer les amis : LjubomirRadanovic, Didier Quain, Moreno Giusto, Cvijan Milosevic. Mon seul regret, c’est que ça se soit mal terminé avec Quaranta parce que nous étions tous les deux jeunes entraîneurs ambitieux et que nous sommes entrés dans le jeu des Italiens. Je continue à suivre le football belge via Internet et la première chose que je regarde, c’est le résultat de Liège et, pour le moment, celui de Charleroi parce que Robert Waseige est sur le banc. Il est un peu mon deuxième père : il savait tirer le meilleur de moi-même. Mais les clubs sont de plus en plus amateurs et tournent souvent avec les mêmes noms « .

Retour en Serbie & Monténégro

Ne trouvant rien à son goût en Belgique, il décida, en 1999, de rapatrier toute sa petite famille à Belgrade, où le Partizan lui proposait d’entraîner les Juniors :  » Juste avant de partir, j’ai reçu une proposition du Standard, qui cherchait quelqu’un pour remplacer Simon Tahamata au poste de conseiller individuel des attaquants. J’ai encore pris la peine de réfléchir deux ou trois jours mais je n’ai pas voulu revenir sur ma décision car toute la famille était prête à relever le défi et tout était déjà emballé dans des caisses. J’ai toujours tout fait à l’instinct et, une fois encore, cela a payé « .

Par le passé, les joueurs yougoslaves qui tentaient l’aventure en Belgique s’y installaient souvent pour de bon. Aujourd’hui, ils sont de plus en plus nombreux à rentrer au pays. Mais à l’époque où elle a été prise, la décision de Varga était courageuse car la Serbie & Monténégro qu’il retrouva n’avait plus rien à voir avec celle qu’il avait quittée treize ans plus tôt :  » Le pays restait sur dix ans d’isolement. Il était dévasté psychologiquement, politiquement et matériellement. Je n’avais bien sûr pas à me plaindre mais je voulais participer à l’aventure de ces gens, à l’effort collectif de reconstruction du pays. Je suis rentré avec mon c£ur, c’était très émouvant. Pour les enfants, tout s’est bien passé car nous avions toujours gardé le contact avec la famille et nous avons vécu chez mes beaux-parents pendant qu’on faisait les travaux dans notre appartement. Sacha a 10 ans et demi, il joue déjà au Partizan. Il est encore trop tôt pour dire s’il sera un bon joueur car, actuellement, il joue surtout en salle, à sept contre sept. Mais une chose est certaine : il a le sens du but « .

Après un an avec les Juniors du Partizan, Varga passa à OFK, le troisième cercle de la ville.

 » Un club traditionnel qu’on peut comparer au Seraing de l’époque de Liège et du Standard. Nous avons terminé cinquièmes en pratiquant le meilleur football. A la fin du premier tour, nous étions même troisièmes, derrière Obilic et le Partizan. Mais le président d’Obilic, Arkan, le Tigre, avait beaucoup d’amis… Cela m’a un peu dégoûté et je suis parti à RAD, un club dont Ranko Stojic était très proche. Malheureusement, l’équipe était très jeune et je me suis découragé. Après mon départ, le club a acheté huit joueurs, ce qui ne l’a pas empêché de descendre « .

Et le voilà de retour au Partizan cette saison, comme adjoint de Lothar Matthäus.

Une béquille pour Matthäus ?

Un choix surprenant dans la mesure où l’ex-star de la Mannschaft n’a guère d’expérience de coach, si ce n’est une mésaventure au Rapid Vienne.

 » Il a un grand vécu et cela se remarque « , explique Varga.  » Le club a voulu miser sur une personnalité qui lui donne plus de visibilité et ça marche : le Partizan est bien plus respecté sur le plan international depuis l’arrivée de Lothar. Au derby contre l’Etoile Rouge, il y avait 20 managers dans les tribunes. Avant, ils n’étaient que deux ou trois. Nous avons également pu attirer des joueurs comme Taribo West. Nous savions qu’il y avait un risque après le Rapid Vienne mais il peut compter sur une structure qui fonctionne bien avec un directeur technique et un directeur général qui sont des experts en matière de foot, des gens en avance sur leur temps. C’est nécessaire car le club vit encore principalement des transferts. La saison dernière, nous avons vendu ZvonomirBukic à Shaktior Donetsk et DankoLazovic à Feyenoord. Les dix millions d’euros que nous en avons retiré nous ont permis d’attirer West mais aussi LjubinkoDrulovic et IvicaKrajl. Ils ne sont peut-être plus aussi forts qu’avant mais ils nous apportent toute leur expérience. Nous avons aussi acquis un jeune Camerounais, Boya. Malheureusement, il n’était pas qualifié pour la Ligue des Champions mais il est très fort « .

Le rôle d’adjoint, déjà si ingrat d’ordinaire, prend encore plus d’ampleur dans ce cas car Varga doit faire office de relais au niveau du football mais aussi de la mentalité. Et tout cela dans un savant mélange de langues.

 » Matthäus parle anglais et je le comprends, je parle français et il comprend aussi car sa première femme était originaire de Suisse et parlait le français. De plus, le deuxième adjoint s’exprime en allemand… Matthäus prépare remarquablement les matches. Beaucoup de gens pensent que c’est un type irréductible mais ce n’est vrai que sur le terrain : là, il ne tolère pas la déconcentration, même quand on marche. Pour ce qui est des horaires, par exemple, il est assez cool. On peut arriver un peu en retard au dîner ou demander de décaler l’entraînement d’une heure. Mais je l’ai déjà mis en garde : il n’est pas facile de trouver un juste milieu chez nous parce que les Serbo-Monténégrins ont tendance à prendre les choses à la légère. Il a parfois du mal à saisir les subtilités et, dans ces cas-là, je sers d’amortisseur. Pour ce qui est du travail, il y a des moments où il délègue, d’autres pas, surtout quand les résultats ne suivent pas. Mais c’est normal : c’est lui qui porte la responsabilité de l’équipe « .

A 44 ans, Varga ne pense cependant pas rester adjoint toute sa vie :  » J’ai des ambitions comme entraîneur. Matthäus a un an de contrat, avec une option qui sera sans doute levée. Et de toute façon, je ne peux pas dire qu’après lui, ce sera automatiquement moi. J’ai eu de bonnes critiques comme entraîneur. Quand je suis revenu, 90 % des équipes pratiquaient un football décadent : jeu dur, marquage impitoyable. J’ai été le premier à passer à la zone et maintenant, la moitié des formations jouent comme ça. Mais entraîner ailleurs en Yougoslavie, c’est difficile quand on a connu le Partizan. Et l’Etoile Rouge, c’est impensable : on me couperait la tête. Un retour en Belgique me ferait certainement un pincement au c£ur : je rêve de refaire le même parcours que comme joueur. Mais il faut que je sois prêt. Je vous l’ai dit : j’ai toujours tout fait au feeling « .

Patrice Sintzen, à Porto

 » Mon seul regret, c’est que ça se soit MAL TERMINÉ AVEC QUARANTA  »

 » À BELGRADE, le sport reprend SES DROITS  »

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