FEELING COCON

Entre ambitions, provocations et conditions de travail, le coach de Tubize trouve un moyen terme constructif.

Après une saison en demi-teinte qui s’est finalement soldée par une honorable sixième place, Tubize a réalisé un excellent début de championnat avant de perdre 4-1 à l’Antwerp dimanche dernier. Du coup, l’équipe entraînée par Enzo Scifo a perdu la tête du classement mais n’est toujours qu’à deux points du leader.

Si aujourd’hui le gain d’une tranche est envisageable pour Tubize, on ne s’y attendait pas après une préparation estivale difficile…

Enzo Scifo : On a connu des problèmes dès le début et si ce fut dur à gérer, ça a permis à mes joueurs de se remettre en question rapidement. Le travail a donc été essentiellement psychologique. Il fallait s’interroger sur le fait que plusieurs éléments n’étaient pas à leur meilleur niveau. J’ai donc essayé d’instaurer un dialogue collectif, ce qui a porté ses fruits. Maintenant, tout semble être au point. Les raisons de cette préparation ardue sont simples. Le groupe comptait quelques nouveaux dont on attendait beaucoup et ils ne sont pas parvenus à s’adapter rapidement. De plus, on a changé de disposition tactique par rapport aux dernières saisons. Désormais, les automatismes ont pris et l’atmosphère est meilleure. Ajoutez à cela un zeste de chance et vous obtenez de bons résultats.

Quel est votre objectif pour la saison ?

Il ne serait pas honnête de cacher le fait que l’on soit intéressé par une tranche… Mais l’objectif est à court terme, uniquement, car nous ne possédons pas la meilleure équipe de la série. On va aborder match par match. On a prouvé lors des précédentes saisons que nous avions les capacités pour réaliser un bon championnat. Mais nous ne nous faisons pas d’illusions. On va tenter de se maintenir le plus haut possible sans oublier que nous ne sommes qu’à deux rencontres de la première tranche. Il ne faut pas omettre non plus le fait que des équipes vont se réveiller… Ceci étant, les principales équipes de la série demeurent Mons, Overpelt-Lommel et Dessel. Ces trois formations vont plus que certainement s’approprier les trois premières places.

 » La D1 ? Trop tôt mais y penser…  »

Voyez-vous Tubize accéder à l’élite ?

On ne peut pas l’imaginer. Nous ne sommes pas encore aptes à gérer une telle montée. Sportivement, on va tout faire pour y arriver. Mais au niveau financier, il y a encore un gros travail à fournir. Les dirigeants en sont conscients et font des efforts. Dans quelques saisons, on aura peut-être les moyens financiers et alors, sportivement, il faudra être compétitif. Pour l’instant, il est clair que notre budget est trop limité pour la D1. Mais on est tenté… La saison dernière n’a pas été mauvaise en définitive. On a fini à la sixième place après avoir échoué d’un point pour le tour final. On aurait pu accéder à celui-ci si nous avions mis tous les atouts de notre côté. Mais il faut afficher la volonté d’accéder à la D1, ce qui n’a pas toujours été le cas. Il faut maintenant toujours évoluer au maximum, tout en gardant à l’esprit que Tubize montera au moment voulu.

La continuité à un bon niveau est de mise…

La politique du club est principalement axée sur la stabilité. Mais on peut se tromper. Il fallait savoir si les joueurs avaient à c£ur de continuer et s’ils avaient toujours confiance. Pour, le moment tout se déroule bien. Ils parviennent à se remettre en question, c’est-à-dire qu’ils se sont faits à l’idée qu’ils peuvent jouer les premiers rôles. L’an passé, on se disait qu’on pouvait le faire mais la motivation a fléchi à certains moments.

Comment évoluez-vous tactiquement alors ?

Il fallait adapter le système aux nouveaux joueurs et oublier tout ce qui avait fait ses preuves auparavant. Face aux nouvelles consignes, mes joueurs s’y retrouvent peu à peu. Le 4-4-2 peut se transformer en 4-3-3 et varie selon que nous sommes en possession ou en perte de balle mais je n’ai pas d’équipe de base. On pratique le système de la rotation. Tout le monde peut jouer ou se trouver sur le banc. J’ai besoin de tous mes éléments. Il y a évidemment des joueurs qui sont irremplaçables. Je ne citerai pas leur nom… Dommage que notre gardien, Arnaud Fransquet, soit blessé pour l’instant. C’est regrettable pour lui, certes, mais pour nous principalement. Il jouait depuis trois rencontres. Il a été victime d’un petit accident, qui n’est pas très grave. Il a subi une chute et souffre d’une fissure du crâne. Il sera absent quelques semaines.

 » Défense de galvauder mon métier !  »

Qu’est-ce qui a changé dans votre manière d’entraîner par rapport à l’époque où vous aviez Charleroi sous vos ordres ?

Le coaching évolue tout le temps. On est en contact permanent avec les joueurs et ce sont eux qui me font progresser. A Tubize, ils perçoivent ce qu’ils doivent effectuer sans grande difficulté. La collaboration est très facile. Chaque entraîneur, qu’il soit expérimenté ou pas, apprend perpétuellement. On joue d’une certaine façon et on observe ce qui n’a pas fonctionné de manière à faire mieux la fois suivante… L’expérience fait que je suis mieux dans mon élément et que je parviens à me motiver plus positivement. Je suis également plus serein qu’à l’époque de Charleroi. En général, je le suis ; mais lorsque l’équipe n’a pas emmagasiné ce que je souhaite, on peut tergiverser. Le stress m’est positif. Je me sens bien car pendant un an et demi, je n’ai été confronté à aucune pression. Or, c’est un besoin en réalité. Actuellement, je parviens mieux à le gérer et à le digérer. Je suis dès lors très satisfait lorsque je parviens à transmettre ce que je souhaite à mes joueurs.

Serein, même si vous faites l’objet de certaines provocations de la part de vos adversaires ?

Oui, parce qu’elles font partie du foot. Heureusement, elles n’ont pas lieu chaque semaine. Beaucoup de gens auraient, à ma place, agi encore plus chaudement… Mais il m’est parfois difficile de rester de marbre car ces provocations peuvent blesser. Si je suis aussi d’un caractère démonstratif, je m’efforce en général de ne pas réagir. A Eupen, je suis parvenu à garder mon calme malgré les mots que certains ont eu à mon égard. Et c’était arrivé avant aussi. Le plus important demeure le terrain et je fais du mieux possible abstraction du reste. Je dois exercer mon métier le mieux possible sans que mon travail ne soit galvaudé ou abîmé par certains. Beaucoup de gens le comprennent et la plupart du temps, tout se passe bien. Mais cette saison, c’est vrai, il y a eu deux incidents…

Comment évaluez-vous le niveau actuel ?

Par rapport à la saison dernière, le championnat me semble plus équilibré. C’est de toute façon l’équipe qui a le pus envie qui émergera. Il y a, au sein de cette D2, 13 ou 14 équipes de qualité qui se valent. Il faut espérer gagner un maximum de rencontres mais ce n’est pas évident d’exiger cela de joueurs qui n’ont pas le même régime qu’en D1. Ils travaillent généralement de neuf heures jusqu’au soir et doivent fournir de gros efforts physiques car la D2 est plus musclée que l’élite. On constate régulièrement que d’anciens joueurs de D1 ne parviennent pas toujours à s’exprimer. L’approche est totalement différente.

 » Une chose à la fois  »

On vous a vu sur Be.tv en tant que consultant. Allez-vous continuer cette activité ?

Oui, principalement pour la Ligue des Champions. Mais cela ne concerne qu’une dizaine de matches, donc peu de temps. C’est un véritable plaisir. Pour mes autres activités, j’essaye de déléguer un maximum. Je continue à envisager de bien faire une chose à la fois et je suis extrêmement concentré sur mon métier d’entraîneur. Je ne remercierai jamais assez Tubize et ses dirigeants pour m’avoir permis de retrouver une équipe. On peut croire que la D1 me manque mais ce n’est pas vraiment le cas actuellement. Cela fait évidemment partie de mes ambitions à long terme. Je suis un jeune entraîneur. Je n’ai que 39 ans et j’ai joué jusqu’à 35 ans. Beaucoup de gens ont douté de moi et on ne m’a jamais fait de cadeaux, contrairement à ce que certains laissent parfois entendre. Ma réussite actuelle est due aux dirigeants grâce auxquels j’évolue dans un cocon. Je ne souhaite qu’une chose, c’est leur rendre sur le terrain ce qu’ils m’ont permis de faire. Mon staff m’est aussi très fidèle et joue une grande part dans la réussite actuelle de l’équipe.

Que répondez-vous à ceux qui prétendent que vous n’êtes pas assez expérimenté ?

Ce n’est pas du tout mon impression. Je n’ai d’ailleurs jamais considéré d’avoir échoué à Charleroi : on a obtenu des résultats. Mais logiquement, tout le monde garde en mémoire les polémiques. Or, mon bilan est loin d’être inintéressant… et on n’est jamais jugé que sur les échecs. L’expérience s’acquiert aussi sur le terrain. J’ai joué à un certain niveau pendant longtemps et cela m’a apporté un bagage que d’autres ne possèdent pas. Cela m’a permis de savoir mieux gérer des hommes. De toute manière, il faut à un moment ou un autre donner la chance aux jeunes coaches. Le travail est surtout dans la tête. Il faut parvenir à maintenir une équipe dans la meilleure forme. Les joueurs doivent sentir qu’ils sont épaulés. Ils doivent être placés dans des conditions optimales de manière à ce qu’ils se sentent bien et qu’ils perçoivent la confiance que l’on a placée en eux. Actuellement, l’ambiance au sein du noyau est bonne. Bien entendu, tout n’est pas parfait. Elle peut encore progresser. Les joueurs sont presque tous des amis et organisent eux-mêmes des repas collectifs. Ils commencent vraiment à afficher la volonté d’aller de l’avant, ce qui n’a pas toujours été le cas. Ils n’ont pas constamment été exigeants envers eux-mêmes !

Que peut-on vous souhaiter pour l’avenir ?

Il faut que je profite des bons moments. Ils sont rares dans une carrière. Pour le moment, je suis heureux mais je souhaite encore beaucoup progresser de manière à parvenir à évoluer en tant que coach à un niveau plus élevé. Mais ce n’est pas pour tout de suite. Je dois avant tout parvenir à bien driver mon équipe pour ne pas faire de la figuration cette saison. On peut aligner une bonne série de rencontres et pécher par la suite. Il faut à tout prix éviter cette situation et que mon équipe reste motivée jusqu’au bout.

TIM BAETE

 » BIEN GÉRER SES HOMMES, C’EST LES FORCER À êTRE EXIGEANTS AVEC EUX-MêMES  »

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