FC Fortune

Les trois Sud-Africains sont arrivés à l’Excel dans le cadre des accords de partenariat avec un club du Cap.

Lorsque Bevan Fransman fut introduit au jeu au Standard après la blessure d’ Alexandre Teklak, et qu’ Asanda Sishuba fit admirer ses qualités de dribbleur contre Genk, ils furent nombreux à se demander: -D’où viennent-ils, ceux-là? Ils viennent du FC Fortune, club sud-africain de D2 avec lequel l’Excelsior Mouscron a conclu un accord de partenariat, et dont est également originaire Giovanne Rector, déjà présent la saison dernière.

A l’origine du projet, on trouve Eddy Mestdagh, désormais coordinateur de l’école des jeunes depuis la promotion de Lorenzo Staelens au poste d’entraîneur en chef de l’équipe Première. « L’idée est née un peu par hasard », se souvient-il. « Un jour, j’ai été contacté par Colin Gie, un Sud-Africain qui joua autrefois en Angleterre et qui est aujourd’hui l’homme à tout faire du FC Fortune, où il cumule les fonctions de président, de manager et d’entraîneur. Son club collaborait avec Manchester United, mais il avait l’impression que tout se passait toujours dans le même sens. Les rapports de force étaient trop inégaux. Il a cherché à établir des contacts ailleurs et, dans un premier temps, nous a proposé des joueurs ».

C’est ainsi qu’en juin de l’an passé, deux joueurs sud-africains étaient venus en stage à Mouscron: Giovanne Rector et Bevan Fransman. « L’expérience s’était révélée positive et nous avions envisagé de les engager tous les deux », poursuit Eddy Mestdagh.,  » Mais Bevan Fransmann’avait encore que 17 ans et la législation sud-africaine prévoit qu’un joueur doit avoir atteint sa majorité pour signer un contrat. Il a dû retourner en Afrique du Sud et patienter une année supplémentaire avant de s’affilier à l’Excelsior. Giovanne Rector, en revanche, est resté et joue déjà chez nous depuis un an ».

Le FC Fortune est un club du Cap, qui évolue D2 sud-africaine et possède des équipes de jeunes en -11, -13, -15, -17 et -19 ans. « Il doit son nom à QuintonFortune, l’ancien joueur de Manchester United qui est l’un des actionnaires du club, avec Colin Gie et une troisième personne qui vit en Angleterre », explique Eddy Mestdagh. « Quinton Fortune a fondé ce club afin de pouvoir travailler avec les jeunes, mais avait besoin d’une vitrine en Europe. C’est sans doute l’une des raisons pour lesquelles il a songé à nous. Et, de notre côté, si nous pouvons de temps en temps obtenir un bon joueur, ce n’est pas négligeable ».

Le président mouscronnois Jean-Pierre Detremmerie s’était toujours refusé à impliquer l’Excel dans des accords de partenariat avec des clubs étrangers, comme l’a fait l’Antwerp avec Manchester United et Beveren avec Arsenal. « Lorsque des difficultés surgissent, ce sont toujours les succursales que l’on ferme et jamais les maisons-mères », répète-t-il. C’est l’une des raisons pour lesquelles le partenariat avec Tottenham, qui était pourtant demandeur, ne s’est pas concrétisé. Dans ce cas-ci, c’est différent. Les rapports de forces sont inversés: c’est l’Excel qui parraine le club sud-africain et qui, en échange de joueurs, apporte à la fois une aide financière, matérielle et technique. Chacun devrait y trouver son compte.

Du talent à l’état brut

En décembre de l’an passé, à la demande de Jean-Pierre Detremmerie, Eddy Mestdagh s’était rendu sur place en compagnie de Lorenzo Staelens. « Nous avons pu découvrir les installations et les structures du club. Elles sont d’assez bonnes qualités. Les infrastructures pourraient être comparées à celles d’un club de D3 chez nous, mais chaque équipe de jeunes possède deux entraîneurs. Nous avons conclu un accord de cinq ans, qui peut être résilié unilatéralement par l’une des deux parties si elle n’est plus satisfaite. Les trois joueurs qui sont ici font partie de cet accord. Nous payons un prix de location, nous assurons leur formation et nous les plaçons en vitrine. En cas de transfert, il est prévu que les deux clubs en retirent un bénéfice. De temps en temps, des joueurs sud-africains plus jeunes viendront en stage à Mouscron. Ce sera le cas à la fin septembre: une dizaine de joueurs de 12 à 16 ans, accompagnés par trois entraîneurs, viendront au Futurosport pendant quelques semaines. Les responsables du FC Fortune semblent ravis de cette collaboration. Ils souhaitent déjà l’intensifier. Ils ont toujours été bien accueillis lorsqu’ils sont venus en Belgique et ils constatent que leurs joueurs sont bien soignés ».

« Il n’est toutefois pas question d’accueillir dix Sud-Africains en même temps à l’Excel », précise Lorenzo Staelens. « Mouscron n’est pas Lokeren. Il faut que ces joueurs apportent un plus et soient utiles à l’équipe ». Précisément, cela paraît extraordinaire que des joueurs sud-africains de D2 puissent renforcer un club belge à vocation européenne. « En Afrique, contrairement à ce qui se passe chez nous, les enfants peuvent encore jouer dans la rue », constate l’entraîneur. « On sait qu’il y a du talent chez les jeunes là-bas. Mais c’est du talent à l’état brut, qu’il faut encore travailler. D’où l’intérêt d’en faire venir des plus jeunes en stage, vers 12, 13 ou 14 ans. Pendant trois ou quatre semaines, ils peuvent déjà apprendre les premiers rudiments du jeu de position. Les trois joueurs actuellement à Mouscron témoignent d’une bonne mentalité, car même lorsqu’ils sont blessés, ils s’entraînent malgré la douleur. Ils ne se plaignent jamais. C’est d’ailleurs parfois ennuyeux, car ils mordent à ce point sur leur chique qu’on ne se rend pas toujours compte qu’ils sont blessés. Ces garçons savent pourquoi ils jouent au football. Un contrat leur permet tout simplement d’améliorer leur quotidien. Le FC Fortune recrute ses jeunes dans les townships des environs du Cap. La vie là-bas n’est pas facile, j’ai eu l’occasion de m’en rendre compte de visu. Les gens sont assez pauvres. Les joueurs recrutés peuvent vivre dans une maison et espérer partir en Europe. Rien que cela, pour eux, c’est déjà beaucoup ».

A trois, c’est plus facile

Giovanne Rector fut le premier à débarquer à Mouscron. La saison dernière, pour sa première apparition contre Lokeren, il avait offert un assist à Christophe Grégoire. « C’était bien pour un début. Aujourd’hui, malheureusement, je suis blessé. C’est la première fois de ma carrière que je suis absent aussi longtemps. J’ai hâte de retrouver le terrain. Dans quelques semaines, je devrais à nouveau être opérationnel ».

A Mouscron depuis un an, il sert désormais de guide à ses deux compatriotes arrivés cette saison. « Parfois, on se rend au Kinépolis de Courtrai, pour voir des films en anglais. Ou alors, on se balade ou on joue à la playstation. Nous avons chacun un appartement séparé, mais on veille sur nous. Nous ne sommes pas livrés à nous-mêmes. Je suis heureux de l’arrivée de Bevan et d’Asanda. A trois, la vie est plus facile. La saison dernière, lorsque j’étais seul, ce n’était pas toujours drôle. La barrière de la langue, aussi, constituait souvent un obstacle. Désormais, je parle quelques mots de français ».

Ce n’est pas encore le cas de Bevan Fransman, malgré son nom. Arrivé cet été, après avoir participé à un stage avec Giovanne Rector en juin 2001, il n’a pas tardé à incorporer l’équipe. L’hécatombe de blessés dans le secteur défensif a obligé Lorenzo Staelens à faire appel à lui plus tôt que prévu. Dès le match d’ouverture au Standard, il monta au jeu après un quart d’heure car Alexandre Teklak s’était fracturé le péroné et les solutions de rechange n’étaient pas nombreuses. Ce n’était pas un cadeau de débuter dans l’enfer de Sclessin, mais il s’en est sorti avec les honneurs. « J’ai essayé de ne pas me laisser impressionner par la réputation de l’adversaire et de faire abstraction de tout le bruit qu’il y avait dans le stade. Cela s’est bien passé, mais je suis conscient du chemin qu’il me reste à parcourir. Je dois encore apprendre les ficelles du métier. Je dois aussi m’efforcer de rester concentré durant 90 minutes. Défenseur central ou arrière droit, peu m’importe. L’essentiel est de jouer. Je suis grand, j’ai un assez bon jeu de tête et je n’ai pas peur de tackler. L’entraîneur m’encourage. Il m’a promis que, si je continuais à travailler sérieusement, je recevrais encore ma chanceà l’avenir ».

Asanda Sishuba, c’est un artiste, un dribbleur comme on en voit de moins en moins souvent dans notre championnat. Eddy Mestdagh et Lorenzo Staelens avaient eu le coup de foudre pour lui lorsqu’ils s’étaient rendus au Cap en décembre 2001. « Ils m’avaient demandé de venir en stage pendant un mois à Mouscron. Je dois les avoir convaincus, car ils m’ont engagés définitivement ». Contre Fylkir, il était monté au jeu à la 89e minute, surtout pour permettre à ClaudeBakadal d’être applaudi à sa sortie. Les 120 secondes de jeu auxquelles il eu droit avaient suffi à susciter des clameurs dans le public grâce à une feinte de dribble dont il a le secret. Contre Genk, alors que l’Excel était mené 1-3, il avait été lancé dans la bagarre à 20 minutes de la fin. Après une entrée en matière un peu laborieuse, il avait progressivement chauffé la mécanique et avait amené, par une série de dribbles et un centre parfait en direction de KoenDeVleeschauwer, une égalisation à laquelle plus personne ne croyait. « J’étais heureux, forcément. En montant sur le terrain, je m’étais juré de donner le meilleur de moi-même. Cela a réussi au-delà de toute espérance ». Asanda Sishuba est le plus âgé de la bande. Son idole, c’est Denilson. « Pour ses dribbles », s’esclaffe-t-il. « J’en raffole et c’est ce que je fais de mieux. Mais je dois encore apprendreà défendre « .

Giovanne Rector, qui voue une admiration à RoqueJunior et à… Ronaldo (quelle originalité!), est sans doute le plus expérimentés des trois. Il a, notamment, participé au célèbre tournoi Espoirs de Toulon avec l’équipe nationale sud-africaine. « Je compte une quinzaine de sélections avec les -21 ans », précise-t-il. Son rêve, comme celui de tous les footballeurs, est d’intégrer l’équipe nationale A et de participer à la Coupe du Monde. « Je pense qu’il peut devenir réalité si je travaille dur. Le travail est toujours récompensé. Nous étions tous les trois en Afrique du Sud pendant le mois de juin et nous avons forcément suivi la compétition japonaise à la télévision. L’Afrique du Sud ne s’est pas mal débrouillée, mais elle aurait pu faire mieux ».

Daniel Devos

« Ces garçons savent pourquoi ils jouent au football » (Lorenzo Staelens)

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