« FAVORI MAUVE »

Bruno Govers

L’ex-gardien du RSCA analyse la campagne des deux rivaux, le sommet et ses répercussions pour la suite de la compétition.

La saison :  » Le Standard n’a pas à rougir  »

Filip De Wilde :  » Ce qui m’interpelle, c’est le nombre incroyablement élevé de points perdus par les ténors. En 2004-05, le Club Bruges avait été sacré champion avec 79 unités, devant Anderlecht qui en totalisait 76. Le Standard et Genk, de leur côté, avaient terminé avec un total de 70 chacun. Cette fois, le RSCA est en tête avec 66 pts seulement et atteindra, au mieux, la barre des 72. Seuls les Rouches, crédités d’un 64 actuellement, peuvent donc espérer clôturer la compétition avec le même capital qu’il y a un an. C’est pourquoi, dans l’ensemble, je suis d’avis que l’équipe principautaire n’a pas à rougir de sa saison. Elle s’inscrit dans la lignée de la précédente. Si Sergio Conceiçao et les siens doivent nourrir quelques regrets, c’est pour l’un ou l’autre faux-pas qu’ils ont commis à Sclessin. Je songe à leur revers 1-3 contre Beveren, par exemple, ou aux nuls concédés contre La Louvière et Roulers. Au décompte final, ce gaspi-là pèse très lourd dans la balance. C’est d’autant plus regrettable que, lors des rencontres au sommet, les hommes de Dominique D’Onofrio ont tenu la dragée haute aux meilleurs. C’était le cas contre le Club Bruges et Anderlecht, battus à chaque coup 2-0 de manière tout à fait méritée.

Globalement d’ailleurs, à l’occasion des rendez-vous majeurs de la saison, ce sont les Standardmen qui, à domicile, auront laissé la meilleure impression. Dommage pour eux qu’ils n’aient pas reproduit les mêmes prestations, chez eux, contre tous les sans grade. Sans quoi ils caracoleraient en tête pour le moment.

Anderlecht, lui, a fait preuve d’une plus grande souveraineté dans ses installations, jusqu’ici, comme en témoigne son 42 sur 48 avant de clôturer au Parc Astrid contre Zulte Waregem. Pour les Mauve et Blanc, le problème, ces derniers mois, se sera situé essentiellement en déplacement où Pär Zetterberg et ses équipiers affichent un piètre 24 sur 48, soit un bilan de 50 % tout juste. C’est maigre pour une formation de pointe. Pareille récolte serait peut-être compréhensible dans un championnat huppé. Mais en Belgique, il est inconcevable de perdre des plumes à La Louvière, au Lierse ou à Saint-Trond, comme cela s’est bel et bien vérifié dans le chef de mes anciens partenaires. Sans doute le RSCA aurait-il pu remédier à cette situation s’il avait pu bénéficier plus tôt du concours de Nicolas Frutos cette saison. Voire si l’entraîneur, Frankie Vercauteren, avait daigné jouer plus tôt la carte du Français Grégory Pujol. J’avoue ne pas très bien comprendre : tout le monde, sans exception, a été concerné par le système de rotation cher au coach, en début de saison. Tout le monde, sauf l’ex-Nantais, précisément. Or, dès son baptême du feu, au Betis Séville, celui-ci a bel et bien prouvé qu’il pouvait être très utile au collectif. S’il avait bénéficié du même crédit que les autres, son compteur personnel n’afficherait pas quatre buts, actuellement, mais une bonne dizaine, à l’image des scores de Mbo Mpenza et Serhat Akin. Je pense qu’Anderlecht aurait fait cavalier seul depuis longtemps, aussi, si une tournante n’avait pas été instaurée d’un bout à l’autre du premier tour quasiment. En utilisant les diverses composantes de l’effectif, le T1 a voulu ménager les susceptibilités de tout un chacun. Avec, pour conséquence, un manque total de clarté sur le terrain. En fait, ce n’est que depuis l’introduction au jeu du puncheur argentin que le Sporting a toujours juré fidélité à la fois à un même système et aux mêmes hommes. Il s’en est porté mieux depuis lors « .

Le choc :  » Que faisait Christian Negouai ?  »

 » A priori, j’avais un pressentiment favorable pour le Standard. Car autant Anderlecht m’avait paru peu sûr de son fait contre Lokeren et Charleroi, autant le Standard, engagé dans une course-poursuite, avait affiché une belle maturité. Pour moi, les joueurs de la Cité Ardente allaient étendre cette maîtrise lors du sommet de la 32e journée. Au même titre que bon nombre d’observateurs, je me suis donc fourvoyé à leur propos. Où était donc, au stade Constant Vanden Stock, cette équipe qui maîtrisait si bien son sujet ces derniers temps ? Il n’en restait subitement plus rien. D’une semaine à l’autre, elle avait perdu son football. Et ses joueurs leurs repères. La preuve par Christian Negouai. Depuis le retrait de la scène de SergioConceiçao, le Français s’était régulièrement mis en évidence à l’avant, aux côtés de Mémé Tchite. Pourquoi ne pas l’avoir maintenu dans cette position au lieu de le faire coulisser au centre de la ligne médiane pour épauler Karel Geraerts et Siramana Dembele ? Ce n’est qu’à partir du moment où l’ancien Carolo a été appelé à monter aux créneaux que les Rouches se sont montrés vraiment dangereux. Mais à ce moment-là, le score indiquait déjà 2-0 et les carottes étaient cuites. A mon sens, Dominique D’Onofrio redoutait probablement qu’avec Milan Rapaic et Almani Moreira sur les flancs, deux footballeurs à tendance plutôt offensive, son équipe, avec le concours de deux jeunes médians axiaux seulement, manque d’arguments face à l’expérience de Pär Zetterberg et Bart Goor. C’est sans doute la raison pour laquelle il s’est prononcé pour un homme en renfort dans ce secteur. L’idée, selon toute vraisemblance, aurait eu du bon si, comme à son habitude, l’équipe liégeoise avait joué haut et pressé l’adversaire dans son camp. Mais pendant les trois quarts de la rencontre, elle a joué 20 mètres plus bas qu’à l’accoutumée.

Cette nouvelle donne a eu des répercussions à plusieurs niveaux. Au plan du marquage notamment. Le Standard s’était bâti une réputation de formation très virile ces derniers mois. Non sans raison, vu les 8 cartes rouges et les 77 jaunes qu’elle avait récoltées. En jouant le hors-jeu à hauteur de la ligne médiane, il était logique que ses arrières se montrent intraitables. En reculant sciemment, au Parc Astrid, les luttes d’homme à homme n’ont pas eu, cette fois-ci, la même intensité. Au contraire, mis à part Jorge Costa, resté égal à lui-même, ce sont surtout les Anderlechtois qui ont mis le pied. En ce qui concerne le jeu, l’opposant leur a mâché la besogne. Car en optant de museler les milieux anderlechtois les plus avancés, le Standard a fait les choux gras d’ Yves Vanderhaeghe qui a pu man£uvrer à sa guise durant toute la partie. Non seulement mon ex-coéquipier fut à la hauteur de sa réputation d’un point de vue purement défensif mais chacun a pu se rendre compte qu’il pouvait orienter le jeu aussi lorsqu’il n’y avait personne pour le gêner. Ce fut là une erreur de jugement de plus de la part des Liégeois. Anderlecht, pour sa part, a fait preuve d’une grande maturité et d’une non moins impressionnante maîtrise. Malgré le piège du hors-jeu, certains n’en ont pas moins pu être isolés judicieusement devant le but. Ce fut le cas de Christian Wilhelmsson notamment, puis de Serhat Akin sur la phase qui amena le premier but. A l’analyse, les Mauve et Blanc n’ont pas volé leur victoire, qui aurait pu être davantage prononcée si toutes leurs occasions avaient été exploitées. Je pense, entre autres, au penalty raté de Zet. Le Standard lui, n’a mis le nez à la fenêtre qu’en bout de rencontre. Honnêtement, il aurait été beaucoup plus inspiré en mettant d’emblée la pression sur l’équipe locale, dans son camp. Les défenseurs anderlechtois n’aiment pas qu’on les chatouille dans leurs propres retranchements. Dans ce cas, ils restent sagement derrière et l’équipe prend très vite l’allure d’un accordéon. Or, la distance entre les lignes n’est pas propice, chez eux, au déploiement d’un bon football. Mais quand on permet au Sporting de jouer compact, comme le Standard l’a fait en refusant systématiquement le combat, on s’expose à une déconvenue. Et celle-ci n’aurait pu tomber à un plus mauvais moment « .

Les conséquences :  » Sus au 28e titre  »

 » Pour avoir visé le nul vierge uniquement, le Standard a de grandes chances de se retrouver les mains vides à l’heure de la distribution des prix. Cette situation n’est pas sans me rappeler celle que j’ai moi-même connue avec le Sporting contre les mêmes Rouches en fin de saison 1994-95. Pour les besoins de la 30e journée, nous avions accueilli le Standard, qui menait le bal avec deux unités de plus que nous : 46 contre 44. En cas de victoire, nous revenions alors à égalité avec notre adversaire, puisqu’un succès valait encore deux points à cette époque, mais nous comptabilisions également une victoire de plus : 20, pour 19 aux Liégeois. Après un bon quart d’heure de jeu à peine, l’arbitre, Frans Van den Wijngaert m’avait exclu suite à une sortie un peu trop impétueuse de ma part dans les pieds du Standardman Dinga. Malgré notre infériorité numérique, les principautaires n’étaient pas arrivés à tirer profit de cet avantage. Ce soir-là aussi, l’entrejeu adverse avait été dépassé par les événements. Le quatuor liégeois formé de Gunther Schepens, Guy Hellers, Marc Wilmots et Alain Bettagno s’était complètement planté face à notre propre ligne médiane où Marc Degryse avait régné en maître. L’actuel leader sportif du Club Bruges s’était signalé en inscrivant le but d’ouverture ce soir-là avant que Michaël Goossens ne remette les pendules à l’heure. Mais peu avant la mi-temps, Graeme Rutjes nous avait à nouveau conféré un avantage, décisif cette fois. Jusqu’au bout, nous étions parvenus à conserver notre leadership au classement, terminant avec un point d’avance sur les Rouches. Par la même occasion, nous avions signé également le dernier triplé de l’histoire du club.

J’ai l’impression que l’histoire repassera les plats. Au petit jeu des comparaisons, il est symptomatique de constater qu’Anderlecht est toujours là quand il le faut. Cette saison, il devait à tout prix l’emporter contre Genk pour éviter la crise interne au début du deuxième tour, et il l’a fait. Par après, il lui fallait absolument ramener un bon résultat de son déplacement au Club Bruges et il est revenu avec les trois points. A présent, il était obligé de gagner face au Standard et il l’a fait.

Par rapport aux Liégeois, qui ont du mal à gérer la pression des grands rendez-vous, Anderlecht affiche une très grande force morale. Une seule fois, il a déçu dans ces circonstances : en 1999-2000. A trois journées de la fin, tout était prêt pour une grande fête au Parc Astrid. Un vaste podium avait même déjà été installé sur le parking, devant l’entrée principale. Il suffisait que l’équipe ramène un seul et maigre petit point de Westerlo pour qu’elle remporte son 25e sacre. Résultat des courses, nous avons perdu 5 à 0 au Kuipje et les réjouissances furent postposées d’une semaine. Ce coup-ci, je m’attends à nouveau à un Anderlecht concentré. Ses joueurs savent qu’ils ne peuvent plus se permettre le moindre faux-pas à La Gantoise d’abord, puis à domicile contre Zulte Waregem. Les Buffalos joueront évidemment crânement leur chance, vu qu’ils peuvent toujours espérer souffler la troisième place au Club Bruges, même si cet espoir est ténu. Mais ils seront privés en la circonstance de Mbark Boussoufa qui est tout de même leur Mister 50 %. C’est une grosse perte pour l’équipe locale. Cette absence-là, conjuguée à un match away périlleux du Standard à Roulers, devrait être tout profit pour Anderlecht.

Chacun a beau parler des Gantois, en tant qu’arbitres de la lutte pour le titre, il ne faut pas oublier, non plus, le rôle que peuvent jouer les hommes de Dennis Van Wijk. A domicile, ils ont partagé l’enjeu face au Club Bruges et La Gantoise, tout en ne devant s’avouer vaincus qu’en fin de match contre Anderlecht. Dans ces conditions, le Standard n’a sûrement pas gagné d’avance là-bas. S’il y a un fil conducteur au Standard, ces dernières années, c’est son incapacité à gérer les moments-clés. On en a eu un aperçu à Anderlecht mais avant ce rendez-vous au Parc Astrid, les Rouches avaient déjà croulé sous le poids de l’enjeu lors des deux test-matches face à Genk, la saison passée. Dans un même registre, ils s’étaient plantés à Ostende, un peu plus tôt, avec un penalty raté de Sergio Conceiçao. Pour toutes ces considérations, le championnat me paraît plié. Ma seule réserve concerne cette glorieuse incertitude du sport qui veut que des rebondissements inattendus se déroulent parfois. Cette année, on a été servis en la matière avec des retournements de situation incroyables. Un dernier soubresaut reste possible. Mais je n’oserais pas prendre des paris ( il rit) « .

BIO EXPRESS

Filip De Wilde est né le 5 juillet 1964

1m80, 78 kg

Clubs

1973 1980 Eendracht Zele

1980-1987 Beveren 177m

1987-1996

et 1998-2003 Anderlecht 370m

1996-1998 Sporting Portugal POR

42m

2003-déc 2003 Sturm Graz AUT 10m

jan2004-oct 2004 Lokeren 17m

Palmarès

Champion de Belgique en 1984, 1991, 1993, 1994, 1995, 2000, 2001.

Coupes de Belgique : 1983, 1988, 1989, 1994.

80 matches européens avec le RSCA.

3 phases finales de Coupe du Monde : 1990, 1994, 1998.

1 phase finale EURO : 2000.

33 fois international.

BRUNO GOVERS

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