Faux tendre

23 ans le 26 décembre et 36 sélections: à la découverte du jeune gardien uruguayen des Rouches.

Il était arrivé précédé d’une flatteuse réputation et d’une carte de visite bien fournie. Lorsqu’on provient de la Juventus et qu’on est le gardien titulaire de l’équipe nationale uruguayenne, qui a participé à la dernière Coupe du Monde, on peut présenter certaines lettres de noblesse. Au Standard, il était attendu comme le Messie après le début de saison laborieux vécu par le club liégeois. Jusqu’à présent, il n’a pas encore véritablement gagné de points pour son équipe. Question d’adaptation, sans doute. Le jeune arquero (gardien) nous fait découvrir son parcours.

Quitter la Juventus pour le Standard, n’est-ce pas un pas en arrière?

Fabian Carini: Non, car mon objectif premier était de jouer. A partir du moment où la Juventus ne pouvait m’offrir que de rares occasions de démontrer mon talent, j’ai décidé de tenter ma chance ailleurs. Et je suis très heureux que le Standard m’ait fait confiance.

Vous êtes arrivé dans un contexte difficile…

Oui, mais j’ai signé en connaissance de cause. Lorsque je suis arrivé, le Standard comptait un point sur 12. On a misé sur moi pour opérer un redressement et c’est très flatteur.

Vous avez disputé votre premier match contre Bruges. Trois jours plus tard, l’entraîneur Robert Waseige a été limogé. N’avez-vous pas pensé: –aijemislepied?

Non, car c’est courant dans le monde du football que l’entraîneur paye les pots cassés. On ne peut pas mettre tous les joueurs à la porte. C’est malheureux pour l’entraîneur, mais c’est ainsi. Il faut désormais regarder devant soi et essayer de remonter au classement.

Comment jugez-vous vos prestations, jusqu’à présent?

Je n’aime pas parler de moi. C’est à vous, les journalistes, qu’il appartient de me juger. De mon côté, j’essaye toujours de donner le meilleur de moi-même. Je ne crains pas de faire mon autocritique. Mais je garde mes conclusions pour moi.

Si je vous dis que vous avez parfois manqué de présence dans le trafic aérien?

Si c’est votre opinion, je la respecte. J’essaye de m’améliorer, jour après jour. Le travail ne me rebute pas. C’est grâce à cela que j’ai obtenu un transfert à la Juventus et 36 sélections en équipe nationale. Je sais que je dispose encore d’une marge de progression, mais c’est normal pour un gardien de presque 23 ans.

Ne rencontrez-vous pas de problème de communication avec vos défenseurs, dont vous ne parlez pas la langue?

Ce serait plus facile si tout le monde parlait la même langue, c’est sûr. Mais, dans le football moderne, c’est rarement le cas. Il faut s’en accommoder et essayer de se faire comprendre, d’une manière ou d’une autre.

Et comment jugez-vous l’équipe?

Les joueurs qui la composent sont de qualité. Petit à petit, l’équipe retrouve ses sensations, sa confiance et sa sérénité. Elle devrait opérer une remontée au classement. La première victoire conquise contre le GBA, voici dix jours, a fait beaucoup de bien au moral. Les supporters semblent prendre conscience que tout le monde, des dirigeants aux joueurs, oeuvre dans la même direction pour le bien du Standard.

L’ambiance sur les gradins vous rappelle-t-elle ce que vous avez connu en Uruguay ou en Italie?

Un peu, oui. Il y a beaucoup de passion.

Vous avez déjà été confronté à de drôles de situations: il y a eu le mécontentement des supporters, qui ont poursuivi le bus de l’équipe après la défaite au Lierse, puis le boycott des joueurs à l’égard de la presse…

Personnellement, je n’ai pas de problèmes avec la presse. Hormis la barrière de la langue, qui m’empêche de m’exprimer vis-à-vis de certains de vos confrères, je n’ai jamais refusé d’adresser la parole à un journaliste. Mais, si le groupe a décidé de ne plus parler, je dois me montrer solidaire.2005

Comment voyez-vous votre avenir?

J’ai signé pour trois ans. Jusqu’en 2005. Mon premier objectif est de jouer et de remporter le plus de victoires possibles. C’est ce que le public attend. Ce que l’avenir me réserve, personne ne peut le dire. La vie d’un footballeur est faite ainsi. Un jour on est ici, le lendemain là-bas.

Et l’équipe nationale?

Pour l’instant, il n’y a pas de matches. Après le Nouvel An, l’Uruguay rejouera des matches amicaux afin de préparer la Copa America, qui se disputera au Pérou à la fin de la saison. J’attends de voir si je serai encore convoqué.

Si c’est le cas, cela vous obligera à d’incessants allers-retours avec l’Amérique du Sud?

Oui, j’y suis habitué. C’est la routine pour un footballeur sud-américain. Lors des éliminatoires de la Coupe du Monde, je retournais en Uruguay tous les mois. Mais, actuellement, je n’y pense pas. Toutes mes préoccupations vont au Standard.

Comment êtes-vous devenu gardien de but? Généralement, en Amérique du Sud, les enfants préfèrent évoluer dans le jeu et dribbler…

Au départ, mon intention était effectivement d’évoluer dans le jeu. Mais, un jour, le gardien habituel était absent. J’ai pris place entre les perches et j’y suis resté. Cela me plaisait. J’avais huit ans et je défendais les couleurs d’une équipe de babyfoot, appelée NuevoAmanecer (la Nouvelle Aube). Deux ans plus tard, je me suis affilié à Danubio, où je suis resté jusqu’au moment de mon transfert pour la Juventus, en 2000.

Vous êtes originaire de Montevideo?

Oui, de la capitale. Comme tous les footballeurs uruguayens, serait-on tenté de dire. En fait, ce n’est plus vrai depuis quelques années, puisque six clubs de province participent désormais au championnat national. Montevideo est une belle ville en bord de mer, propre et tranquille, plus sûre que les autres capitales sud-américaines. Il n’y a pas de grande criminalité en rue.

Ce qui se passe sur les pelouses de football et dans les gradins, en revanche, est parfois inquiétant…

Oui, il y a parfois du jeu dur et des affrontements assez violents, mais une fois le match terminé, tout rentre dans l’ordre.

Clayton Zane, le centre-avant australien d’Anderlecht, avait pourtant été outré par l’accueil reçu à Montevideo lors des barrages pour la Coupe du Monde. Cela avait commencé à l’aéroport…

Il n’est pas habitué à cela. L’Australie est un pays calme où le football ne déchaîne pas autant les passions qu’en Amérique du Sud. En Uruguay, les supporters ont le sang chaud et ils font tout pour aider leur équipe… y compris, si besoin, en essayant de déstabiliser l’adversaire. De notre côté, nous n’y prêtons plus beaucoup d’attention. Nous sommes accueillis de cette manière partout où nous nous produisons.De Danubio à la Juventus

Comment qualifieriez-vous votre club d’origine, Danubio?

C’est une équipe du subtop, qui se situe juste en deçà de Penarol et du Nacional, les deux grands clubs du pays. Danubio est souvent placé mais rarement gagnant. Le club possède son propre stade, elJardindelHipodromo, d’une capacité de 15.000 spectateurs. Il est utilisé pour les matches de championnat normaux. Les grands derbies ou les rencontres de Copa Libertadores, lorsque l’équipe y participe, se jouent dans le grand stade national, le Centenario. J’ai disputé mon premier match de D1 à 17 ans, contre le Nacional où évoluait un certain Alvaro Recoba. Nous avons perdu 1-0 et ce n’est pas Recoba qui avait marqué. J’étais satisfait car tout s’était bien passé.

Danubio fut votre rampe de lancement?

On peut le dire. J’y ai joué trois ans et demi. J’en ai conservé beaucoup de bons souvenirs. C’est une formation qui aligne de nombreux jeunes. La moyenne d’âge tourne autour des 22 ou 23 ans. Nous avions tous grandi ensemble, nous formions une bande de copains. Nous nous retrouvions également dans les sélections nationales de jeunes et, pour certains, en équipe nationale A. Aujourd’hui, cette équipe a explosé. La plupart des joueurs ont émigré à l’étranger. Quelques-uns en Europe, comme l’attaquant Chevanton et le milieu de terrain Giacomazzi à Lecce, mais beaucoup en Argentine ou au Brésil. Depuis lors, une nouvelle génération a déjà pris le relais. Danubio est un club formateur.

Par vocation ou par nécessité économique?

Plutôt par vocation. Car c’est un club sain. J’ai toujours été payé à heure et à temps. Danubio et Defensor sont les deux clubs les mieux connus pour leur travail avec les jeunes. La plupart des équipes de jeunes de ces clubs remportent le titre dans leur catégorie. Personnellement, j’ai été champion quasiment chaque année. En établissant, au passage, des records en matière de buts inscrits ou d’invincibilité. Les joueurs de ces deux clubs sont également intégrés très tôt en équipe fanion. Lorsqu’ils affrontent Penarol ou Nacional, c’est souvent une confrontation entre des gamins et des vieux briscards.

Quand avez-vous débuté dans les sélections nationales de jeunes?

A 14 ans. J’ai ensuite gravi tous les échelons. Au total, j’ai disputé plus d’une centaine de rencontres avec les sélections nationales de jeunes. J’ai notamment participé au Championnat du Monde des -20 ans en Malaisie, en 1997, lorsque l’Uruguay était dans le groupe de la Belgique et a atteint la finale, perdue 2-1 contre l’Argentine de Pablo Aimar et Esteban Cambiasso. Mais je n’étais pas le gardien titulaire, à l’époque: je n’ai joué que le match contre le Maroc. Ce fut 0-0. Je suis devenu le gardien n°1 lors du Championnat du Monde suivant, en 1999, au Nigeria. C’était la génération de Diego Forlan, aujourd’hui à Manchester United. Nous avons terminé quatrième. J’ai suivi toute la filière avec Victor Pua, l’actuel sélectionneur en chef, depuis 1995. Par la force des choses, il me connaît très bien. A 19 ans, j’ai disputé mon premier match avec l’équipe nationale A. C’était en Copa America. Depuis lors, j’en suis à 36 rencontres avec l’Uruguay. Les grands succès remontent déjà à pas mal d’années, mais historiquement, l’Uruguay a marqué le football mondial. Et, bien qu’il ne compte que trois millions d’habitants, le pays a toujours produit d’excellents footballeurs.

Daniel Devos

« Je ne crains pas de faire mon autocritique, mais je garde mes conclusions pour moi »

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