Faux départs

Aucun des cinq engagés au Mondial en Afrique du Sud n’a remporté son premier match… avant de remettre les choses au point.

Pas moins de 22 buts inscrits en l’espace des sept premiers matches (Ghana-Togo n’a pas été joué en raison du retrait des Eperviers ), jamais encore l’épreuve-phare du football africain ne s’était inscrite sous un tel déluge de goals. Avec comme pompon le 4-4 réalisé par le pays organisateur, l’Angola, face au Mali à l’occasion de l’ouverture. Seul un 6-3 entre l’Egypte et le Nigeria, au premier tour de l’édition de 1970, au Soudan, avait donné lieu à un nombre de réalisations plus élevé.

Mais de là à parler d’un nouvel élan offensif… Il faut plutôt faire le distinguo entre les équipes qui ont bien défendu à la faveur de leurs grands débuts et celles qui ont payé un très lourd tribut aux bévues de leur gardien.

La parole aux défenses

D’abord le Malawi !,… dont la victoire par 0-3 contre l’Algérie aura surpris tout le monde. Et pour cause car le petit Poucet de l’Afrique australe n’avait jamais remporté un match de phase finale. Lors de sa seule participation, en 1984, il s’était d’ailleurs incliné par 3 à 0 face aux mêmes Fennecs, à Abidjan, avant de plier l’échine devant le Ghana (1-0) puis de partager l’enjeu contre le Nigeria (2-2). Dans la fournaise de Luanda (35 degrés le lundi 11, à 15 heures), la chaleur tropicale était sans doute l’alliée du pays considéré comme le plus faible du groupe A. Mais la manière dont la défense centrale, composée de James Sangala et Peter Mponda surclassa le duo d’attaque des Verts, formé de Karim Ziani et Rafik Saïfi, fut ni plus ni moins magistrale. Il est vrai que devant cette arrière-garde, les milieux de terrain récupérateurs Peter Wadabwa et David Banda quadrillaient remarquablement leur zone respective.

Le Burkina Faso créa la sensation en contraignant à un nul vierge la Côte d’Ivoire, pourtant citée parmi les favoris, avec le Cameroun. Le mérite des Etalons est sans doute d’autant plus grand que lors des qualifications, ils avaient été versés dans le même groupe que les Eléphants, subissant deux revers contre eux : 2-3 à Ouagadougou et un 5-0 bien tassé à Abidjan. Aux points, Didier Drogba et les siens auraient sans doute dû gagner, tant ils s’étaient créé de solides opportunités. Mais Baky Koné n’était manifestement pas dans un grand jour à la finition et, protégé par Badou Kéré comme pare-chocs devant la défense, le grand Mamadou Tall mit complètement sous l’éteignoir un certain Gervinho.

A la fin du match, la possession du cuir était peut-être de l’ordre de 65-35 en faveur des Eléphants, l’unité grappillée par leurs adversaires n’était pas pour autant flattée, loin s’en faut.

Le Gabon, victorieux du Cameroun mercredi passé, alors que lors des préliminaires, les Lions Indomptables l’avaient emporté : 2-0 et 2-1. Si les Ivoiriens avaient réussi à inquiéter par intermittences le portier burkinabé Daouda Diakité, les Vert et Rouge, eux, auront dû se contenter du strict minimum face aux Panthères. Samuel Eto’o et Achille Webo étaient aux abonnés absents et c’est le seul Achille Emana qui mit en définitive le keeper visiteur Didier Ovono à contribution.

Tout au long de la partie, celui-ci se distingua notamment par des interventions judicieuses sur des tirs de loin ainsi que sur un coup franc de Geremi. L’ultime rempart du club français du Mans se sera révélé, conjointement à Swadick Sanudi du Malawi, le plus performant entre les perches lors de l’entame des diverses formations dans cette CAN. Un jugement qui ne pouvait manifestement pas être étendu à tous leurs collègues…

Ces gardiens qui se plantent

A commencer, bien sûr, par

L’Angolais Carlos Fernandes et son homologue malien Mahamadou Sidibé qui encaissèrent quatre buts lors du match inaugural. Le premier aura éprouvé toutes les peines du monde à faire régner l’ordre dans son petit rectangle tandis que son vis-à-vis se sera révélé une calamité non seulement aux abords de sa ligne mais aussi dans le trafic aérien tout court. Sa responsabilité était directement engagée, en tout cas, sur les deux premiers buts inscrits de la tête par le petit Flavio, qui faisait une tête de moins que lui et même deux par rapport à ceux qui étaient censés le museler : Bakary Soumaréet Ousmane Berthé.

Sidibé fut remplacé pour les besoins du deuxième match de poule contre l’Algérie par son rival Soumbeyla Diakité. Sans succès puisque celui-ci allait se planter également sur le seul goal de la rencontre, signé par le défenseur Rafik Halliche.

Dans ce match, le sélectionneur des Fennecs, Rabah Saadane, avait choisi de maintenir au but Fawzi Chaouchi qui s’était pourtant troué comme pas permis face au Malawi. D’abord sur un dégagement hasardeux, contré par Russell Mwafulirwa et prolongé dans le but par son compère d’attaque Victor Nyirenda. Ensuite sur la troisième et dernière réalisation adverse, £uvre de Davie Banda sur une sortie aérienne complètement manquée. De quoi plaider en faveur du retour de LounèsGaouaoui, qui s’était distingué tout au long de la campagne qualificative. Mais Saadane resta de marbre, même si Chaouchi donna encore quelques sueurs froides contre le Mali. Sur les interventions aériennes surtout. Gaouaoui, encensé pendant des mois, supporte mal de jouer les utilités. Idem pour Khaled Lemmouchia qui, pour avoir dû se contenter d’une place dans le dug-out durant les deux premiers matches, est déjà retourné au pays.

Ce tour d’horizon des gardiens ne serait assurément pas complet sans évoquer les approximations de deux autres titulaires lors de la première sortie de leurs couleurs:

Le Nigérian Vincent Enyeama a été peu à son affaire sur les tirs de loin face à l’Egypte (£uvre d’Ahmed Hassan et de Mohamed Zidan) après avoir été déjà fautif sur le but égalisateur de Motaeb.

On pointera aussi les errances du n°1 béninois Yoann Djidonou, en retard sur une remise en jeu puis impuissant sur une balle en hauteur face au Mozambique. De quoi expliquer le 2-2 soldant cette partie. Le portier du club français de Libourne-Saint-Seurin fut d’ailleurs remplacé lors du deuxième match de poule, contre le Nigeria, par Rachad Chitou.

Groupe A : la déception malienne

 » Les Verts d’Algérie ont éprouvé du mal à digérer leur nouveau statut lors de leur entrée en matière dans l’épreuve « , observe Samir Lamari, rédacteur en chef du journal Liberté à Alger.  » Il faut les comprendre : en raison de leur absence en phase finale de la CAN tant en 2006 qu’en 08, ils faisaient figure d’outsiders au cours de la campagne actuelle. Pour tout le monde, c’était l’Egypte qui s’imposait comme grandissime favori d’une poule qualificative dont les autres composantes étaient le Rwanda et la Zambie. La victoire obtenue lors du test-match contre l’Egypte ainsi que les prestations de haut vol réalisées au préalable, avec un total de 13 points sur 15 et 9 buts marqués pour 2 concédés à peine ont contribué à une nouvelle dimension pour eux. Si on prend en considération toute l’année 2010, les Fennecs ont glané 7 victoires en 9 matches, complétées par un nul face au Rwanda pour un seul revers, au Caire, face à l’Egypte : 2-0. Avant la CAN, l’Algérie était première nation africaine aux yeux de l’hebdo France Football, qui fait autorité chez nous. Cette consécration, devant les monstres sacrés que sont la Côte d’Ivoire et le Cameroun, explique probablement une mise en jambes très difficile en Angola. L’Algérie n’était plus seulement une bonne surprise, c’était surtout l’équipe en vue du groupe, avec l’Angola. Face au Malawi, les joueurs ont tout simplement succombé à la pression, du gardien Fawzi Chaouchi à l’attaquant Mohamed Ghezzal en passant par Yazid Mansouri. Il n’y avait pas moyen de jouer plus mal.

Heureusement, les gars se sont magnifiquement repris face au Mali. A l’image de Karim Ziani, qui a offert le seul but de la partie à Rafik Halliche. Le médian de Wolfsburg, c’est le baromètre de l’équipe. Quand il est en forme, c’est toute la khadra qui respire la santé. Preuve de son importance : sur l’ensemble de l’année 2010, il a eu un pied dans les 13 buts de l’équipe, soit en marquant, soit en délivrant une passe décisive. C’est lui qui a fait la différence face au Mali. Pourtant, il y avait du beau monde dans l’axe adverse avec Mahamadou Diarra et Seydou Keita. J’avoue que ces deux-là, à l’image de FrédéricKanouté, m’avaient épaté lors du match d’ouverture face à l’Angola. La manière dont ils avaient renversé la vapeur in extremis, en paraphant quatre buts en moins d’un quart d’heure, c’était du grand art. Leur coup d’éclat n’aura toutefois été que feu de paille car contre nous, ils furent tous méconnaissables. Pour moi, la formation malienne aura été la grande déception de la première semaine de la CAN. Et c’est d’autant plus étonnant qu’elle avait réalisé quelques prestations fameuses ces derniers mois. Comme un 2-2 au Ghana notamment.  »

Groupe B : les Ivoiriens premiers qualifiés

 » Je comprends que malgré l’attaque contre le bus du Togo, le comité organisateur de la CAN ait tenu à ce que l’épreuve se déroule normalement « , souligne le Gantois Adekanmi Olufadé, écarté du groupe des Eperviers en raison d’une blessure qui le tient éloigné des terrains depuis le début de cette saison.  » Capituler avant même le début de la compétition aurait été donner raison aux rebelles. Mais il ne faut évidemment pas tenir rigueur à mes compatriotes de s’être retirés. Quand on a vécu la mort de près, il est impossible de jouer. Et ce raisonnement pouvait être étendu aux autres équipes versées dans notre poule. En principe, jamais les Eléphants ivoiriens n’auraient dû éprouver des difficultés à écarter les Etalons burkinabés à l’occasion de leur entrée en lice. La dernière confrontation entre eux s’était d’ailleurs soldée par un score de forfait. Par l’entremise de Baky Koné, les joueurs au maillot orange auraient dû logiquement plier le match. Mais le dernier geste a toujours fait défaut. A croire que les jambes et le c£ur n’y étaient pas. Face au Ghana, il n’y avait déjà plus 36 solutions : il s’agissait de gagner si Didier Drogba et les siens ne voulaient pas que leur aventure angolaise tourne court. Et ils l’ont fait de superbe manière, en empilant trois buts à une formation qui a quand même réussi l’exploit en 2009 d’être la première de son continent à se qualifier pour la Coupe du Monde en Afrique du Sud. Grâce à ce succès, et compte tenu du forfait du Togo, les Ivoiriens auront été les premiers à arracher leur passe-droit pour les quarts. Je pense qu’ils sont définitivement lancés. Pour eux, 2010 sera l’année ou jamais « .

Groupe C : les Egyptiens bien en jambes

« C’eût été un comble pour l’Egypte de ne pas franchir le premier tour « , remarque Inas Mazhar, journaliste au quotidien cairote Al Ahram.  » Les Pharaons ont fait honneur à leurs deux titres consécutifs de Champion d’Afrique malgré les absences conjuguées de Mohamed Abou Treika et Amr Zaki. Mais les autres, à commencer par Ahmed Hassan, se sont tous montrés à la hauteur. Personnellement c’est le Nigeria qui m’a amèrement déçue. Dans le passé, les matches contre les Super Eagles étaient toujours très disputés. Ici, il n’y a pas eu photo, même si les Nigérians sont quand même parvenus à ouvrir la marque avant que les nôtres ne renversent la vapeur. Finalement, on aura eu confirmation à Benguela du déclin de cette formation. D’ailleurs, il y avait déjà eu quelques signes avant-coureurs de cette rentrée dans le rang tout au long de la campagne qualificative car ce n’est que sur le fil que les joueurs de Shaibu Amodu avaient arraché leur billet pour la Coupe du Monde au détriment de la Tunisie.

Autre signe des temps : plus grand monde, de nos jours, ne parvient à citer l’un ou l’autre nom dans cette équipe. Pour la plupart de mes compatriotes, les joueurs nigérians d’aujourd’hui sont d’illustres inconnus. Le contraste est saisissant avec l’époque des Finidi George, Jay-Jay Okocha, Victor Ikpeba et autres Daniel Amokachi en tout cas. Le seul héritier, actuellement, c’est Nwankwo Kanu. Mais il est sur le banc… Si le Nigéria a été une déception, j’ai en revanche beaucoup apprécié les prestations du Bénin. Dommage, qu’il ait été floué par leur propre gardien, Yoann Djidonou face au Mozambique. A 2-0 en sa faveur, il aurait dû avoir cause gagnée. Le remplaçant, Rachad Chitou, a, de son côté, été irréprochable devant le Nigeria. Les Ecureuils auraient d’ailleurs mérité la victoire dans ce match car ils s’étaient révélés de loin les plus entreprenants. Dommage pour eux que deux de leurs envois aient échoué sur la barre. A mes yeux, c’est chez eux qu’auront évolué les deux joueurs les plus en vue du groupe : Stéphane Sessègnon, un régisseur hors pair, ainsi que l’attaquant Razack Omotoyossi. La CAN aura servi de révélateur pour eux.  »

Groupe D : le Cameroun s’est fait peur

 » Le Cameroun comme low starter, c’est une habitude « , dit Jean-Jacques Missé Missé, ex-Lion Indomptable dans les années 90.  » On en avait déjà eu un aperçu lors des matches de qualification avant la phase finale : dans un groupe avec le Togo, le Maroc et le Gabon, la bande à Samuel Eto’o avait débuté avec 1 sur 6, conséquence d’une défaite d’entrée de jeu contre les Togolais et d’un nul au pays face au Maroc. Par la suite, les joueurs avaient enclenché la vitesse supérieure, au point de tout rafler et d’assurer leur qualification pour la Coupe du Monde. Ici, ils ont à nouveau fait honneur à leur fâcheuse réputation en se faisant surprendre par les Gabonais, qu’ils avaient pourtant battus à deux reprises lors des éliminatoires. Il y a deux ans, il n’en était pas allé autrement, mais devant l’Egypte cette fois, victorieuse par 4 à 2. En définitive, ces deux formations s’étaient retrouvées en finale de la CAN et les Pharaons avaient éprouvé nettement plus de difficultés à l’emporter : 1 à 0.

Je ne m’en fais pas trop pour mes compatriotes, qui ne sont jamais aussi performants que lorsqu’ils ont le couteau sur la gorge. Ils se sont bien repris contre la Zambie, battue 3-2, même s’ils ont joué une fois encore avec le feu. Je suis sûr, toutefois, qu’ils se mettront à l’abri contre la Tunisie, pour les besoins du dernier match de poule et qu’ils monteront encore en puissance par la suite. Je ne serais d’ailleurs pas surpris de les voir en finale. De toute façon, les joueurs ont intérêt à se sublimer. Ils n’ont plus remporté l’épreuve depuis leur doublé en 2000-2002. Huit ans sans succès, c’est énorme. D’autant plus que quelques cadres sont en bout de cycle. Je songe à Rigobert Song qui en est à sa huitième phase finale !  »

par bruno govers

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