« Faites que l’on perde! »

L’ex-Hurlu se plaît à Utrecht mais ne digère pas sa mise à l’écart.

A 29 ans, Stefaan Tanghe est professionnellement comblé: il a un lucratif contrat de quatre ans dans un club néerlandais de D1, et sa technique comme sa mentalité lui valent l’appréciation générale. Las, l’ancien international de Mouscron n’est plus titulaire à Utrecht : « J’ai joué mon dernier match en novembre, à Roda. J’ai reçu un coup direct à la hanche : deux semaines de repos. Il restait cinq matches jusqu’à la trêve et l’entraîneur avait besoin de points. Il a modifié son système, jouant en 4-4-2 avec deux médians défensifs. Les résultats lui ont donné raison, avec cinq victoires de suite. Je pensais revenir après la trêve mais je n’ai pas encore rejoué. En décembre, j’ai eu une sérieuse discussion avec l’entraîneur. D’autres ont suivi. C’est toujours la même chose: il n’a rien à me reprocher mais je ne m’insère pas dans sa tactique ».

S’il a changé de système, c’est peut-être parce que vous n’apportiez pas assez?

Stefaan Tanghe : Après dix matches, nous étions treizièmes ou quatorzièmes. Peut-être n’ai-je pas répondu à l’attente mais c’est le cas de toute l’équipe. Nous jouions mal, en procédant par longs ballons, sans parvenir à exploiter nos occasions. Ça ne tournait pas. Maintenant, je pourrais tirer profit de la qualité du jeu si je jouais. On m’a enrôlé comme numéro dix dans une tactique à trois avants. Ce n’est pas tout à fait comme à Mouscron. Ici, le numéro dix doit soutenir de près les attaquants. Faute de véritables ailiers, nous avons modifié le système.

Je dois me fixer sur le médian droit, car Robbenmond est en fin de contrat. L’entraîneur me voit mieux à ce poste, bien que mes qualités me prédisposent à un rôle central et offensif. Mais l’essentiel est de jouer. J’ai coûté 40 millions, ce qui fait de moi le transfert le plus coûteux du club. On n’emploie pas un joueur aussi cher à une place qui ne lui convient pas. Han Berger, le directeur technique, avoue avoir peut-être réalisé un mauvais transfert sur le plan technique: il aurait dû acheter un deuxième avant. Dans le système actuel, le FC Utrecht n’a pas besoin de meneur.

Contre Vitesse, Utrecht a évolué avec un numéro dix en deuxième période. Ce n’était pas vous.

L’entraîneur m’a expliqué que le match était très physique. Je n’ai pas très bien compris. Le seul qui puisse évoluer à ma place est Ruud Berger, le fils de Han. Il a vingt ans, est international Espoir. Contre Vitesse, il était le deuxième attaquant. J’aurais pu évoluer à cette place aussi.

Hugo Broos avait prétendu que vous commettiez une erreur. Lui donnez-vous raison?

Pour le moment, oui. C’est un club qui joue sur son caractère mais ne pratique pas un football léché. Il fait des efforts en ce sens mais tout reste basé sur l’effort physique. Nous nous entraînons beaucoup et dur. Le temps libre est consacré au repos. Si j’avais joué une saison de plus à Mouscron, je serais sans doute resté international. L’année prochaine est cruciale, avec la Coupe du Monde. L’avenir nous dira si je reste à Utrecht ou pas. Je n’avais jamais vu de match d’Utrecht. Je pensais que les Bataves produisaient un football plus raffiné mais tout est basé sur les tackles, les fautes.

D’un autre côté, ce championnat accorde plus de latitude à un numéro dix qu’en Belgique.

En théorie…

Si vous êtes vraiment bon, l’entraîneur ne peut vous dédaigner.

C’est ce que je pensais après la trêve, mais je passe nonante minutes sur le banc. C’est mortel. A la fin du compte, vous espérez que l’équipe joue mal ou perde. C’est malsain, évidemment. D’ici un mois, je vais prendre une décision: rester ou aller voir ailleurs. Mon manager a discuté avec Utrecht. Il accepte de négocier si j’intéresse quelqu’un. Mon manager s’est déjà mis en route mais je ne veux pas partir à tout prix: j’ai signé pour quatre ans et hormis ce problème, je me plais ici.

Pourquoi pensez-vous pouvoir réussir ailleurs?

Je ne le pense ni ne le dis. En football, tout dépend de tas de facteurs.

Et du joueur lui-même.

Naturellement, mais chaque transfert est une aventure, bien que je ne regrette pas celle-ci.

Si l’entraîneur écartait Stijn Vreven, il aurait des problèmes.

C’est un fait. A chacun son caractère.

N’est-il pas temps de vous débarrasser de votre image d’enfant de choeur?

( Il rit) Oh, avant, j’allais à l’église pour faire mon boulot et vendre des cierges. Je suis catholique mais je n’ai plus été à la messe depuis mon mariage. J’aimais ce travail. Je trouvais des gens qui avaient des choses passionnantes à raconter et qui étaient heureux de voir quelqu’un. J’étais toujours reçu avec un café. Je suis gentil mais pas autant qu’on le croit. Je sais exprimer mon opinion et je ne suis pas si facile que ça à vivre.

Vous avez déjà eu des disputes?

Il y a déjà eu des discussions vives mais aux Pays-Bas, c’est normal. J’ai déjà quitté le bureau de l’entraîneur en claquant la porte, ce qui est impensable en Belgique. Deux jours après, c’était oublié. A l’entraînement aussi, il y a sans cesse des discussions mais elles ont un effet positif. On en ressort plus fort.

Ça n’était pas évident pour vous.

En effet, mais je me suis endurci. J’ose donner mon avis plus haut. Avant, j’aurais longuement réfléchi. Il faut être solide sous peine d’être anéanti. Ça ne peut que m’être utile pour l’avenir. Toutefois, j’ai fait de grands yeux les premières semaines. Tout était si différent de Mouscron… Nous avons commencé la saison avec 28 joueurs, qui briguaient tous une place. Donc, chaque entraînement était un match: tackles, bagarres même. A Mouscron, c’était exceptionnel. Ici pas mais après l’entraînement, on l’oublie. Dans le pire des cas, on ne se parle pas pendant quelques jours.

Je m’y suis mis, pour qu’on ne me marche pas sur les pieds. Dès janvier, j’ai mis le pied durement, à l’entraînement. Ce n’est pas mon style mais c’est indispensable, surtout quand on n’est pas titulaire. J’ai fait des tackles que je n’avais encore jamais osés dans ma vie! J’évolue physiquement et mentalement. Nous travaillons beaucoup en musculation. Je suis devenu plus puissant mais ce qui compte, c’est de jouer.

Les Bataves parlent beaucoup.

Oui, après les matches, le lundi. Parfois trois quarts d’heure avant l’entraînement. On ferait mieux de parler moins et de commencer la séance tout de suite. On peut discuter de chaque phase car après tout, il y a toujours une faute à l’origine d’un but. Le coupable le sait. Mais les gens sont plus directs, ici. Ils disent tout ce qu’ils ont sur l’estomac alors que les Belges le gardent pour eux. A Utrecht, ils sont plutôt cyniques. Leur propos sont parfois blessants. Ils sont d’ailleurs connus pour ça dans le pays.

Est-il difficile de s’y adapter?

Je ne sais pas. Ils vivent dans leur monde. ( il rit). Je ne veux pas devenir comme eux. Et puis, au club, il n’y a pas tant de gens originaires d’Utrecht: deux joueurs et le kiné. Le reste vient des alentours.

Restez-vous supportable à la maison?

Je ne ramène pas mes problèmes chez moi. L’après-match est pénible. Je rentre immédiatement. Je ne vais pas boire un verre au foyer des joueurs comme à Mouscron.

Ne vous excluez-vous pas vous-même?

Ce n’est pas systématique. Seulement lorsque j’ai l’impression que j’aurais pu être utile à l’équipe. Alors, je suis trop déçu pour m’attarder.

Et les journalistes retournent le couteau dans la plaie?

( Il rit) Personne ne s’intéresse à vous quand vous êtes sur le banc. Mais Stijn Vreven réalise une très bonne saison et personne ne l’interviewe…

Vous avez été international, vous n’êtes plus titulaire à Utrecht et on parle de vous au Club Brugeois. Les gens veulent savoir ce qui se passe.

Le rapport ne doit pas être négatif. Le groupe est solide. Il est d’ailleurs bien classé. Au début, les entraîneurs étaient trop distants. Ils ont changé. L’entraîneur en était à sa première saison, il ne savait pas trop comment se comporter vis-à-vis du groupe. Depuis janvier, nous avons un préparateur mental qui a ressoudé le staff et les joueurs. Simplement, j’estime mériter davantage de confiance et de respect.

Raoul De Groote

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