Faire revivre le 23

Les meilleures pages du livre consacré à feu François Sterchele.

C’était le 8 mai 2008 sur une voie rapide entre Anvers et Knokke. La Porsche de François Sterchele faisait une folle embardée qui allait plonger le foot belge dans le deuil. L’attaquant avait 26 ans, il n’avait encore eu le temps que de terminer une fois meilleur buteur de D1 avec le Germinal Beerschot et de jouer quatre bribes de matches avec les Diables Rouges. Il terminait sa première saison au Club Bruges et était dans le viseur de Monaco. Ce golden-boy au sourire ravageur était en pleine ascension.

Ce mercredi, un an presque jour pour jour après le crash, Marleen Boonen (la mère de François) et Michel Matton (le journaliste qui a notamment écrit Pauwels brise le silence) présentent un livre : François Sterchele – A toi mon fils, mon étoile. Il sera dans les librairies dès demain.

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Préface de Benjamin Deceuninck

 » C’est au Pays Noir que l’on découvre cette nouvelle personnalité. Attachante mais parfois énervante. Il joue avec ça. Il adore ça. Il aime les hourras, mais les  » Hou !  » ne lui déplaisent pas. Adulé par ses propres supporters, de Charleroi à Bruges en passant par Anvers, il est souvent la cible des tribunes adverses. Preuve qu’il avait réussi son coup. Ne pas passer inaperçu. Marquer son territoire. Marquer, encore marquer. Imiter Luca Toni dans ses moments tonitruants (…) Alors non, il n’était pas parfait. Non, il ne montrait pas toujours le bon exemple sur le terrain. Mais c’est pour ce genre de gars que l’on se déplace au stade. Il rendait le match plus coloré. Pas seulement avec ses chaussures.  »

Marleen Boonen attend un enfant pas comme les autres

 » Le jour où j’ai appris que j’étais enceinte de François, je savais que je portais un petit être pas comme les autres. J’étais jeune, trop jeune peut-être pour assumer l’éducation d’un enfant, mais j’ai voulu le garder. Et l’aventure a commencé (…) Je n’ai pas rencontré de problème majeur pour l’élever. Très facile à vivre, il était de nature indépendante et ce, dès son plus jeune âge. Un trait de caractère probablement dû à la séparation d’avec son père. Etant l’aîné de trois enfants, il prit tout naturellement la petite famille sous son aile. Ce qui ne fut pas sans causer parfois quelques petits heurts avec sa jeune s£ur, Marine, et son petit frère, Thibault, mais rien de bien grave (…) A l’annonce de mon cancer, rare et pas évident à guérir, j’ai vu de la frayeur dans leurs yeux. Ne connaissant pas exactement mes chances de survie, j’ai demandé à François de bien prendre soin de sa s£ur et de son petit frère s’il m’arrivait quelque chose de fâcheux. Je l’entends encore me dire :  » Ne nous abandonne pas, maman. Que ferait-on sans toi ? Tu vas guérir, j’en suis certain. « J’ai vaincu la maladie, mais on m’a pris sa vie.  »

Une strip-teaseuse pour lui à Oud-Heverlee Louvain

 » Sterchele se voit invité par son staff à relever un défi inédit pour lui : inscrire trois buts lors d’un même match. A la clé, il y aura une surprise… La venue de Kermt-Hasselt se révèle être bien vite le pigeon idéal pour honorer le challenge proposé. Une fois de plus très en jambes ce dimanche-là, il s’offre les quatre buts de la rencontre. Et Swa Boum Boum d’exiger sa récompense dans les plus brefs délais. Effectivement, une poignée de jours après sa belle prouesse, le vestiaire va être soudainement plongé dans l’obscurité totale, une fois tous les joueurs revenus du terrain d’entraînement. Panne de courant ? Pas du tout. Le temps de rétablir la lumière qu’apparaît comme par enchantement une ravissante strip-teaseuse venue faire étalage dans l’hilarité générale de tous ses charmes sous le regard connaisseur de qui vous savez.  »

Ses deux premiers buts carolos

 » Son maiden goal sous la vareuse zébrée incita tous les médias à se précipiter sur lui dès le coup de sifflet final. Ce ne fut pas spécialement du goût de Jacky Mathijssen passant un petit savon à son attaquant, coupable de ne pas avoir pris sa douche avant de répondre aux sollicitations de la presse… Le samedi suivant, Sterchele allait récidiver mais cette fois, au Boulevard Zoé Drion. Un but qui fera d’ailleurs le tour du monde tant il sortit de l’ordinaire dans sa réalisation. Croyant à tort que le referee avait sifflé un coup franc en sa faveur, Jurgen Sierens, le gardien de Roulers, déposa le ballon quelques mètres devant sa ligne avant de prendre son élan. Il se retrouva grugé en quelques dixièmes de seconde. Tel un diable sorti d’une boîte, François se précipita dans le rectangle à la vitesse de l’éclair et glissa la balle dans la cage vide.  »

Avec le Beerschot, un retour chahuté à Charleroi

 » Si avant le coup d’envoi, les dirigeants du Sporting eurent la courtoisie de le fleurir pour ses débuts internationaux, le fer de lance anversois n’allait pas tarder à recueillir une brassée d’épines blessantes de la part de ses anciens supporters :  » Outre les sifflets, les insultes adressées à ma copine et à ma famille m’ont motivé et m’ont rendu plus fort « , avouera-t-il à la fin du match. (…) Ce soir-là, François allait se rappeler au bon souvenir des Carolos en signant un doublé synonyme de partage. Résultat, il se retrouve sur les talons de Patrick Ogunsoto au classement des buteurs et son président, Jos Verhaegen, de glousser de contentement, clamant à qui veut l’entendre n’avoir jamais eu un aussi bon artificier dans ses rangs :  » Bien meilleur que Wesley Sonck, Moumouni Dagano, Paul Kpaka ou Tosin Dosunmu. Par rapport à tous ceux-là, François est bien plus rapide. Il marque beaucoup plus et de surcroît, il joue mieux au football.  »

Premières rumeurs de transfert à Anderlecht

 » L’agent Jacques Lichtenstein déclare à La Dernière Heure qu’il ne voit pas pourquoi Anderlecht achèterait le meilleur réalisateur belge avec le nombre d’attaquants que recèle déjà le noyau mauve (…) Une déclaration qui vaut ce qu’elle vaut et qui ne va en rien perturber la terreur du Kiel qui, deux jours plus tard, envoie un sms plein d’amour filial à sa maman, Marleen, en proie à quelques soucis de santé, et où il évoque à demi-mots son désir de clarifier sa situation sportive :  » Petite maman chérie, si tu as besoin de quelque chose, n’aie pas peur de me le demander, je préfère ça et ne tracasse pas pour ton nouveau truc détecté, je suis sûr qu’il n’y a rien de grave. Mais de toute manière, tu as mon soutien pour quoi que ce soit et si tout se passe comme je l’ai programmé, dans moins de trois mois, on n’aura jamais plus mal à la tête, tu me comprends ? Bisous à vous trois « , n’oubliant pas sa s£ur et son frère.  »

Il claque la porte au Parc Astrid

 » Les négociations vont s’engager avec le Sporting. On chuchote sous le manteau qu’un contrat de quatre ans et assurant 620.000 euros bruts par saison a été proposé au Liégeois. Le Germinal Beerschot, avec lequel François est encore contractuellement lié pour trois ans, recevrait 3 millions. (…) Des chiffres mirobolants qui n’incitent pourtant pas François à vider son armoire anversoise du jour au lendemain. Au contraire, fin juin, il reprend le chemin des entraînements au Kiel tout en précisant qu’il n’est pas sûr à 100 % de commencer le prochain championnat sous la vareuse anversoise. L’anguille reste sous roche mais une chose est sûre, Sterchele a définitivement tourné le dos au Parc Astrid. Dans une interview accordée à Sport/Foot Magazine, il se lâche :  » J’assume complètement ma décision de ne pas avoir signé le contrat qu’Anderlecht me proposait. Un très bon contrat, je n’en disconviens pas. Mais je voulais réfléchir. Anderlecht avait bien pris son temps pour négocier avec le Beerschot, et moi, je devais me décider en deux heures. Vous me dites que le train d’Anderlecht ne passe qu’une fois ? Moi, je ne monte dans un train que si je m’y sens en confiance. Aujourd’hui, c’est terminé avec ce club.  »

La juste et triste prévision de Mathijssen

 » L’entraîneur limbourgeois se souvient encore parfaitement des paroles utilisées lorsqu’il présenta l’ex-Anversois à ses nouveaux coéquipiers. Avec la sensibilité qui le caractérise quoi qu’on puisse penser de lui, Jacky en saisit hélas toute la portée aujourd’hui :  » Sous le signe de la boutade, j’ai dit aux joueurs que partout où François passait, il ne restait pas plus d’un an. Une réflexion qui, avec le recul, me restera pour toujours en travers de la gorge, car François n’est effectivement resté qu’un an à Bruges. « 

Son dernier match : Anderlecht-Bruges

 » Ironie du sort, c’est au Parc Astrid que François disputera le dernier match de sa vie. Le 3 mai 2008. Une soirée pas du tout facile à vivre pour lui car, rancunier à l’extrême, le public anderlechtois lui réserve un concert ininterrompu de quolibets et de railleries auquel Jelle Van Damme s’associe volontiers en célébrant son goal à la manière de Luca Toni (…) Le lendemain, un soleil généreux brille sur Momalle. A sa demande, c’est autour d’un barbecue familial organisé par sa maman qu’il a tenu à se ressourcer :  » J’ai envie que tous mes amis soient là.  » Et ils sont là. Comme son agent Juri Selak avec qui il évoque déjà son futur exercice à Bruges. Comme Fabio Farina avec qui il est surtout question de vacances. La destination est choisie. Ce sera au Club Med’ à Kemer. Il reste à arrêter les dates en fonction des congés de ses amis :  » Mercredi, on réserve « , insiste François. Autre sujet de conversation et non des moindres, le Pavé 23, un restaurant que l’attaquant brugeois s’apprête à ouvrir à Ans. Un de ses potes sera aux fourneaux(…)

Retour à Knokke en fin de journée pour François qui envoie un sms à Marleen après l’avoir eue au bout du fil :  » Je t’aime très fort Maman. On ne le disait jamais assez, tu es la seule vraie femme de ma vie.  » Ce sera là son dernier témoignage d’affection pour celle qui lui donna la vie. « 

Petit matin du 8 mai :  » François Sterchele est mort « 

 » 8 mai. La Belgique s’est réveillée sous le choc. François Sterchele a trouvé la mort au volant de sa voiture après avoir passé une soirée comme il les appréciait. A Anvers, où il avait gardé le contact avec bon nombre de connaissances (…) Dès les premières heures de la matinée, le Jan Breydelstadion et ses abords se sont transformés en mortuaire à deux jours d’une dernière rencontre contre Westerlo qui s’apparente plus à un déchirant adieu à François qu’à un véritable match. (…) Jérôme Efong Nzolo, ne savait pas en recevant sa convocation le mardi précédent qu’il aurait à gérer 90 minutes pas comme les autres. En arrivant à l’hôtel Pannenhuis, lieu traditionnel de ralliement des arbitres avant chaque rencontre, le referee hennuyer découvre une ville à l’atmosphère funèbre :  » Ce qui m’a frappé, ce sont tous ces gens portant le maillot de Sterchele et qui déambulaient dans les rues avant de prendre le chemin du stade. A part le bruit de la circulation, Bruges ressemblait à une ville morte  » (…) Jérôme Efong Nzolo ne sifflera que 15 fautes, se conformant le plus souvent aux élans de reconnaissance posthume manifestés par les anciens coéquipiers de François.

Témoignages

Michel D’Hooghe :  » Je ne suis jamais parvenu à me fâcher contre François et à lui faire le moindre reproche concernant ses petites incartades. Il suffisait qu’il m’adresse un sourire et du coup, mon intention de le rappeler à l’ordre disparaissait (…) Le championnat n’était pas encore arrivé à son terme qu’il se projetait déjà dans le suivant. Je le sentais très motivé à telle enseigne qu’il m’avait dit peu de temps avant qu’il ne nous quitte : – Je vais faire de vous un président champion !  » (…) GéraldForschelet (ancien coéquipier à Charleroi) :  » Il m’avait dit : -Le jour où j’aurai le sentiment d’avoir réussi, tu me verras au volant d’une Porsche. Quelques semaines, avant l’accident, il m’avait pourtant confié son intention de changer de voiture et que la suivante serait plus familiale.  » (…)

Stijn Stijnen :  » Parmi les souvenirs qui me reviennent constamment à l’esprit, il y en a plusieurs comme cette chanson de Claude Barzotti,  » Madame « , comme une rengaine de ralliement que nous fredonnions sans cesse. Ou encore cette mémorable troisième mi-temps qui a suivi le match contre Roulers quelques semaines seulement avant sa mort. Nous n’étions plus que deux dans la salle des joueurs et nous avions refait le monde autour d’une bouteille de vin blanc. Il ne devait pas être loin de quatre heures du matin quand nous nous sommes sentis le ventre creux et nous avons alors enfourché une bicyclette pour rejoindre une friterie proche du stade. La dernière après-midi de sa vie est elle aussi gravée à tout jamais dans ma mémoire. Une séance d’autographes avec les jeunes avait été organisée. Nous avons dédicacé des dizaines de photos mais certains d’entre nous se sont éclipsés bien avant la fin. Voyant cela, François m’a dit : -Ils ont facile ceux-là. De toute façon, ils ne seront plus à Bruges la saison prochaine. Aujourd’hui, sa réflexion ne cesse de me fendre le c£ur car lui aussi n’est plus là. Ce mercredi-là, nous nous sommes dit au revoir au stade mais le hasard a voulu que quelques minutes plus tard l’on se retrouve chacun à notre volant à un feu rouge du centre-ville. C’est la dernière fois que j’ai vu François vivant. (…) Vincenzo Verhoeven (ancien coéquipier au G. Beerschot) :  » Peu après les présentations d’usage, nous nous sommes retrouvés sur le terrain pour la photo des nouveaux venus. Nous avons commencé à échanger quelques mots en français car parler le néerlandais n’était pas chose évidente pour lui. Je me rappelle sa première phrase : -Et toi, tu viens de quel club ? Je lui ai bredouillé : -Je viens de jeunesse ici. Ce à quoi il me répondit : -Aaaah toi jeune, moi ton papa alors ! C’est ainsi que notre amitié est née.  »

compilé par pierre danvoye – photos: belga

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