» Faire de leurs forces des faiblesses « 

Avant Mircea Rednic (Gand), Franky Dury (Zulte Waregem), Felice Mazzu (Charleroi), Ronny Van Geneugden (ex-OHL) et Peter Maes (Lokeren) sont les quatre coaches qui ont posé des soucis au Standard, cette saison. Ils analysent comment arrêter l’armada rouge et blanc.

Le jeu du Standard n’a pas jeté de la poudre aux yeux depuis le début de la saison. Et pour cause, depuis août le schéma de jeu utilisé par GuyLuzon n’a pas évolué d’un cheveu ou presque.  » Seul le rôle de leurs ailiers a été modifié, ils participent plus au jeu « , explique PeterMaes.  » Pour le reste, je n’ai jamais vu leur coach s’adapter çà et là selon les circonstances, même lorsqu’il effectuait sa rotation. Puis, regardons la vérité en face, le collectif s’est mis au service des deux avants, ce qui tourne plutôt bien.  »

Parfois qualifié de stéréotypé, le jeu de Luzon n’a pas fait que des adeptes. Le manque de frivolité, les éternels buts sur phases arrêtées et sur reconversions rapides, tout cela n’est pas du goût des observateurs adeptes de football-champagne mais il faut bien avouer une chose : cela fonctionne.  » Son groupe n’est pourtant pas meilleur qualitativement que celui de Mircea Rednic la saison dernière « , poursuit Maes.

 » À la différence du Roumain, Luzon leur a insufflé un sens de l’organisation. Ils jouent tous pour le collectif et connaissent leur rôle sur le bout des doigts. Les consignes sont claires et appliquées.  » À quelques reprises, le coach israélien fut toutefois surpris par l’équipe qu’il avait en face de lui. Et à chaque fois, le coach adverse avait bien préparé son coup pour contrer les assauts liégeois.

Bloquer les flèches

Le premier danger évoqué par tous les coaches qui ont affronté le Standard se nomme l’attaque. Depuis le début du nouvel exercice, MichyBatshuayi et ImohEzekiel sont intenables, surtout lorsqu’on leur laisse de l’espace.  » Il ne faut surtout pas jouer trop haut en se projetant la fleur au fusil vers l’avant « , lâche RonnyVanGeneugden.  » Si les joueurs ne restent pas groupés derrière et que des espaces sont laissés dans le dos des défenseurs centraux, ils sont trop rapides pour être rattrapés.  »

 » Leur pénétration par l’axe via Batshuayi et Ezekiel est remarquable « , enchérit FeliceMazzu.  » Pour les bloquer, il y a deux solutions, être beaucoup plus conquérants qu’eux et ne leur laisser aucune chance, ce qui est compliqué au vu de leurs joueurs, ou s’adapter tactiquement.  » Ce que tous les entraîneurs voulant déstabiliser les Rouches ont fait.

 » Le Standard ne mène pas la danse et cela à son importance « , complète Maes.  » Il ne faut pas rentrer dans leur jeu et foncer vers l’avant, sinon tu es mort! Rester groupés derrière est la meilleure des méthodes.  »

À l’image de ce qu’a déclaré Van Geneugden, il faut savoir comment défendre. Voir une arrière-garde jouer vers l’avant est impensable car les deux défenseurs axiaux doivent toujours penser aux déplacements et aux accélérations des flèches liégeoises.  » Le milieu défensif ne doit pas se replier vers la ligne arrière « , expose Maes.  » Son rôle est de couper les lignes de passes. Il évite ainsi que les avants soient abreuvés de ballons.  »

Tous l’avaient fait : l’OHL avec KennyVanGoethem, Charleroi avec Ederson et Zulte-Waregem avec SvenKums. Avec cette sentinelle ils empêchaient les frappes à distance et la distribution via WilliamVainqueur et JuliendeSart.  » J’ai voulu anticiper leurs passes, bloquer la construction de leurs médians et facilité la prise en charge par mes défenseurs centraux « , explique Van Geneugden.

Etre en supériorité numérique

Mazzu, lui, a été encore plus loin dans le raisonnement en cas de forcing axial. Par deux fois, en plus d’un milieu défensif bas, il a aligné un trio de défenseurs axiaux.  » Je n’ai pas la prétention de dire que cette solution est la panacée pour battre les Rouches mais elle était relevante selon mon analyse. Avec ce trio, nous étions en permanence en supériorité numérique. Si l’un était mis dans le vent, un autre assurait la couverture. Vu la difficulté, les ballons arrivaient moins chez leur attaquants qui faisaient des pieds et des mains pour ne plus être sevrés de ballons.  »

La méthode du Standard est simple et efficace. Son but? Planter le 1-0 le plus rapidement possible pour ensuite se replier, faire bloc et relancer via des contres mortels qui expliquent certains résultats impressionnants. Les Rouches n’ont été rejoints au score qu’à une seule et unique reprise cette saison et pour cause leur forteresse est imprenable et il faut toujours tenir compte de leurs atouts offensifs.

 » Face à eux, tu dois toujours avoir un équilibre parfait en possession de balle « , confie Van Geneugden.  » Jamais, tu ne peux avoir moins de cinq joueurs de champ derrière le ballon car tu ne sais jamais à quel moment ils frapperont. Je considérais d’ailleurs Logan Bailly comme mon libéro. Sa tâche était d’anticiper leurs ballons en profondeur, au cas où.  »

FranckyDury l’a d’ailleurs appris à ses dépens lors du match retour. La scène du 2-0 illustrant parfaitement la force du Standard en contre.  » On y était préparé « , avait-il déclaré après la rencontre  » Mais nous avons fait une erreur dans la reconversion. Un léger décalage et c’est la punition.  »

Le jeu direct prôné par Luzon lorsque son équipe mène au score convient parfaitement aux profils qu’il aligne. Encore une fois, ce sont principalement les passages par l’axe qui sont sollicités.  » C’est leur second atout majeur et souvent, c’est de cette manière que la différence s’est faite, qu’ils ont tué la rencontre « , enchaîne Mazzu.

Empêcher les longs ballons

 » Pour empêcher les reconversions, il faut certes bloquer leurs médians défensifs mais également leurs défenseurs centraux. Les premiers relanceurs ne se nomment pas Vainqueur et de Sart mais bien LaurentCiman et DinoArslanagic. Leur qualité dans les longs ballons est notable, c’est pourquoi, lors de la manche retour, j’ai choisi d’aligner deux soutiens d’attaque, afin de bloquer leurs sorties de défense.  »

S’ils utilisent moins souvent les flancs et que les centres sont moins coutumiers que les combinaisons via l’axe, les percées de JelleVanDamme et de son homologue droitier, qu’il se nomme DanielOparé ou RonStam, font très mal aux défenses adverses. Évoluant sans réels ailiers, les Rouches considèrent leurs défenseurs excentrés comme étant leurs seuls joueurs de flancs. Un problème se pose dès lors, qui peut prendre à son compte des joueurs lancés à pleine vitesse ?

Mazzu possède une solution qui lui a permis de les contenir quelque peu et de prendre les flancs à son compte.  » Avec mes deux numéros 10, je pouvais me permettre d’en faire dézoner un afin qu’il aille presser le latéral adverse et l’empêche de monter. Si cela ne suffit pas, notre latéral s’en occupe. En dernier recours, je demande à mes défenseurs centraux de coulisser vers le flanc. Cela engendre une dernière couverture et un passage de mon latéral opposé, ne s’occupant pas de l’action, vers l’axe afin de recréer une ligne défensive complète, à quatre derrière, en glissant simplement d’une position à une autre.  »

Peter Maes avait également bien senti le coup venir. Voyant Van Damme et ses homologues percuter, il a posté ses ailiers plus bas qu’à l’habitude.  » Afin de venir soutenir mes défenseurs excentrés « , concède-t-il.  » Van Damme est le symbole du Standard de Guy Luzon. Il n’est pas le plus grand talent mais joue avec le coeur. Dans le onze, il est la clé, l’élément important. Il donne la direction au jeu et en l’occurrence, c’est recht door.  »

Eviter les replis dans l’axe

Van Geneugden avait fait légèrement moins attention aux latéraux, préférant se concentrer sur le jeu assez spécifique de leurs ailiers. Rares sont leurs débordements car, que ce soit GeoffreyMujangi Bia, PaulJoséMpoku, MehdiCarcela ou FrédéricBulot, les médians excentrés de Sclessin aiment rentrer dans le jeu et créer le surnombre dans l’axe, à l’image, toutes proportions gardées, de ce que font ArjenRobben et FrankRibéry lorsqu’ils sont alignés de concert au Bayern Munich et sur leur pied contraire.

Une seule solution : faire bouger ses joueurs selon les mouvements des feux follets liégeois. Leur laisser de l’espace leur permettrait d’armer une frappe, leur atout majeur avec leur technique balle au pied.  » Voilà pourquoi j’avais mis trois médians défensifs axiaux « , clame Van Geneugden.  » Je demandais toujours à l’un d’eux de sortir de sa position pour aller chercher son opposant en se déplaçant latéralement.  »

Mazzu, lui, ne faisait pas bouger son numéro 6 et préférait laisser la tâche à son défenseur latéral.  » Mais s’il est dépassé, ce qui arrive souvent, Mpoku, Mujangi Bia et les autres étant très techniques et mobiles, le défenseur central peut sortir de sa fonction et aller chasser son opposant. Mais, en même temps, le travail doit se faire en parallèle sur l’aile opposée car mon latéral doit rejoindre l’axe de la défense pour compenser la perte d’un défenseur central. Sinon, Batshuayi et Ezekiel se retrouvent en situation d’homme contre homme.  »

Mpoku l’a encore prouvé face à Zulte-Waregem, une bonne partie des réalisations liégeoises passe via les phases arrêtées. Après le match contre les Flandriens, les quotidiens s’étaient adonnés à quelques statistiques et plus de 40 % de leurs buts provenaient alors de ce type de phases.  » Je l’ai appris à mes dépens « , concède Maes.  » Il gagne 0-1 à Daknam à cause d’une simple erreur. Deux de leurs joueurs ont bougé, les miens ont suivi, l’espace s’est créé et c’était dedans.  »

Limiter les coups francs

La solution pour éviter de se faire surprendre est simple : éviter les coups francs autour des seize mètres car si Anderlecht manque de grand frappeur, le Standard en possède une pléthore.  » Pour les coups francs de manière indirecte, il faut jouer en zone « , appuie Mazzu.  » Cela semble fou mais, je suis certain de mon fait. En homme contre homme, tous les duels seront perdus.  »  » Van Damme est impressionnant dans les airs et Ciman possède un timing de qualité « , enchérit Van Geneugden.  » Puis, ils possèdent cette capacité à libérer l’espace.  »

Pour marquer, il faut faire des pieds et des mains. S’il mène au score, le Standard est infranchissable. Les espaces qui existent dans le premier quart d’heure, lors duquel les Rouches ont l’habitude de prendre leur adversaire à froid, disparaissent au moment où ils prennent l’avantage au marquoir. Tous les coaches sont formels quant à la seule solution pour déranger l’arrière-garde du Standard : jouer entre la ligne arrière et le dos des médians axiaux. Pour le reste, chacun possède ses variations et ses idées.  » Il faut analyser et parvenir à trouver les zones libres sur le terrain « , lâche Van Geneugden.

 » Pour moi, les centres sont caducs, il faut combiner dans le rectangle pour marquer « , expose Peter Maes. Mazzu possède une autre vision de la chose :  » En postant des joueurs entre les lignes, j’engendrais un problème dans leur marquage. En plongeant dans le dos des médians défensifs, trois adversaires peuvent suivre mon extérieur. Ils hésiteront donc à savoir qui doit venir gêner mon joueur. Au match retour, Stam suivait souvent Ghilas ce qui laissait un boulevard à Tainmont. Il faut profiter de leurs forces et en faire des faiblesses. Plonger dans le dos des latéraux est une solution tout comme profiter de la lenteur de la défense centrale, et surtout d’Arslanagic, pour passer en vitesse. Mais pour que tout cela se produise, il faut les laisser mener le jeu, afin d’étirer leurs lignes et engendrer des espaces.  »

Même s’ils sont parvenus à faire douter Luzon et ses inamovibles principes, leur bilan face aux Rouches reste négatif ou à l’équilibre pour Zulte-Waregem. Preuve que, même chatouillé, le Standard n’est jamais réellement dérangé.  » Aucun de nous ne possède la recette miracle même si elle existe certainement « , conclut Mazzu.  » Nous avons humblement tenté de trouver des solutions mais sans pour autant en tirer un succès probant. La raison en est simple : l’effectif du Standard est d’une qualité incroyable.  » ?

PAR ROMAIN VAN DER PLUYM- PHOTOS: IMAGEGLOBE

 » Pour contrer le duo Batshuayi-Ezekiel, il vaut mieux un demi coupant les lignes de passes qu’un renfort axial en défense.  » Peter Maes

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