Faim de succès

La saison passée, le médian croate a passé plus de temps sur le banc qu’il ne l’aurait voulu. Sous la direction de Jacky Mathijssen, il semble être une certitude dans l’entrejeu et est bourré de confiance :  » Nous devons terminer au moins deuxièmes « .

Etrange instantané du premier match à domicile du Club Bruges. Celui-ci obtient un coup franc dans les parages du corner droit. Le public scande le nom de Bosko Balaban… Celui-ci n’est plus Brugeois mais le Club a un remplaçant : Ivan Leko, 29 ans. Dorénavant, c’est lui qui va se charger des coups francs. Contre Mons, son tir du gauche n’est pas encore aussi efficace que le droit de son compatriote, cependant.

C’était déjà apparu la veille à l’entraînement. Les mannequins en plastique jaune avaient touché plus de ballons que les gardiens… mais Leko plaide les circonstances atténuantes.  » Je dois m’habituer aux nouveaux ballons Puma. Beaucoup de gens pensent qu’un ballon est un ballon mais rien n’est moins vrai. Il faut retravailler son tir mais aussi ses passes et ses centres. Avant chaque déplacement, nous nous entraînons d’ailleurs avec des ballons de la marque utilisée par notre prochain adversaire « .

Quoi qu’il en soit, votre technique de frappe ne constitue-t-elle pas un de vos atouts ?

Ivan Leko : Si mais le football ne se résume pas à des coups francs, même si je suis dangereux sur ces phases. J’essaie de m’exercer au moins une fois par semaine après l’entraînement. Cela améliore ma technique et accroît ma confiance quand, en match, je me retrouve derrière le ballon.

Vous êtes presque indispensable sur les phases arrêtées, suite au départ de Balaban et à la blessure de Koen Daerden, un autre gaucher. Cela a dû vous rassurer ?

Non. J’ai vraiment passé une mauvaise semaine. Le forfait de Koen a été un coup dur pour tout le groupe. C’est un chouette gars. C’est triste qu’il soit poursuivi par les blessures. Je perds aussi un ami en la personne de Bosko. Même s’il ne joue plus pour le Club, je sais néanmoins que je peux toujours compter sur lui. Les gens qui ne le connaissent pas le croient dur et distant mais il est bien différent. Il est extrêmement positif. A Bruges, nous plaisantions sans arrêt ensemble. Je lui répétais : – Si je n’étais pas venu à Bruges, tu n’aurais jamais atteint ce niveau… ou – C’est moi qui t’ai appris à botter les coups francs et donc à marquer plus de buts. Je ne le pensais évidemment pas, hein ! Mais je sentais mieux Bosko que les autres attaquants. Nous avons souvent joué ensemble, y compris en équipe nationale croate. Je sais exactement quand il va démarrer et quelle sorte de passe il attend.

25.000 pour, 25.000 contre

Vous attendiez-vous à jouer encore à Bruges cette saison ?

Oui. Je suis sous contrat pour une saison encore et j’ai signé de bons matches lors des trois derniers mois du championnat précédent. Evidemment, pendant six mois, on n’a parlé que de mon départ probable. Quand je faisais banquette, j’ai dressé un bilan, j’ai réfléchi. Devais-je partir ou pas ? Puis, la situation a radicalement changé. Je suis redevenu un footballeur important pour le Club et j’ai donc décidé de rester.

Pourtant, vous intéressiez d’autres clubs, dont Hajduk Split, votre ancienne équipe. Etes-vous trop jeune pour retourner au pays ?

Hajduk m’a soumis une offre intéressante. Split veut former une équipe solide. Ma femme avait envie de rentrer en Croatie, après tant d’années à l’étranger mais je ne pouvais quitter Bruges après la saison que nous avons connue. Notre campagne de Coupe a été décisive dans ma décision. J’ai joué de bons matches et jamais je n’oublierai l’ambiance qui régnait pendant la finale. J’en ai disputé d’autres mais toujours en aller-retour. Ici, tout se jouait en un seul match. 25.000 personnes nous encourageaient, 25.000 autres nous conspuaient. C’était fantastique. Pas de problème sur le terrain ni avec les supporters, un match parfait. Le VfL Wolfsburg s’est également manifesté mais il voulait me louer six mois, ce qui ne me convenait pas.

Bruges, lui, avait envie de vous vendre. Il a même réalisé un DVD avec vos meilleurs moments des deux dernières saisons.

Je l’ignorais. J’aimerais le voir.

A quel point étiez-vous frustré quand vous étiez sur le banc ?

Terriblement. J’estimais que l’entraîneur n’avait pas de raisons objectives de m’écarter. J’ai pris part à la Coupe du Monde, signé une bonne première saison mais je suis resté sur le banc. L’équipe ne tournait vraiment pas mais sa composition ne changeait pas. J’ai tenté de comprendre l’entraîneur mais sans succès. En tout cas, cet épisode m’a beaucoup appris. Je n’ai jamais douté de mes qualités. Quand on travaille et qu’on se comporte en professionnel, on finit par obtenir sa chance.

De fait, le doute ne semble pas faire partie de votre nature. Alors que vous étiez Réserve, vous avez déclaré que vous étiez un des meilleurs joueurs de Bruges !

Je ne sais pas si je me suis exprimé ainsi mais tous les joueurs pensent qu’ils méritent de faire partie de l’équipe, non ? J’ai des qualités, de l’expérience et je suis en forme. Donc, je me considère comme un des meilleurs éléments du club.

Vous êtes en forme, en effet. Vous êtes rarement blessé. Avez-vous un secret ?

Je n’ai jamais encore été gravement blessé. Touchons du bois ! Je me soigne bien, je vis en professionnel. J’arrive une demi-heure avant l’entraînement pour faire du stretching. Il faut s’imposer une certaine discipline de vie. L’entraîneur ne peut pas suivre chaque joueur individuellement.

Un bon tandem

Bruges vous a déjà posté au milieu offensif et au défensif. Quelle position préférez-vous ?

Franchement, je préfère être médian offensif. J’aime le contact du ballon, j’essaie de placer les attaquants. Je me considère comme un numéro dix mais Emilio Ferrera me voyait plutôt en médian défensif. C’est ainsi dans le football. Certains entraîneurs vous trouvent meilleurs dans un autre registre. Ferrera n’est d’ailleurs pas le seul de cet avis. En Espagne, j’ai joué pendant quatre ans à ce poste et à Split, c’est au milieu défensif que j’ai sans doute signé la meilleure saison de toute ma carrière. J’étais capitaine et j’ai marqué 13 buts. Nous évoluions avec deux médians défensifs, ce qui m’offrait plus de liberté.

On vous reproche de jouer trop latéralement, de manquer de profondeur. Ces critiques sont-elles justifiées ?

Je pense opérer une bonne sélection entre les passes risquées et les autres. Si l’équipe met la pression, vous ne pouvez pas toujours jouer en profondeur. Je préfère tenter dix longues passes dont cinq aboutissent que vingt essais dont 16 sont voués à l’échec.

Beaucoup de longues passes doivent être adressées à François Sterchele. Quelle impression vous fait-il ?

Nous nous entraînons ensemble depuis trois semaines mais il ne m’a fallu que cinq minutes pour déceler ses qualités. C’est une machine à buts. Il doit maintenant bénéficier de confiance, se sentir important. Les entraînements sont très tactiques. De jour en jour, nous nous trouvons mieux. Je sais déjà comment il court et comment il aime recevoir le ballon. Je suis convaincu que nous allons bientôt former un bon tandem.

L’hymne de la Ligue des Champions

Quels seront les atouts du Club, quand il sera rôdé ? Et pourquoi sera-t-il meilleur cette saison que la précédente ?

Nous sommes plus costauds que l’an dernier, c’est clair. Nous sommes aussi très ambitieux. Tout le monde doit faire ses preuves aux yeux du nouvel entraîneur, comme lui aussi, d’ailleurs. Nous avons plus faim de succès que la saison passée et c’est sans doute l’aspect le plus important. Bosko est parti, Koen est sur la touche pour un moment mais d’autres joueurs doivent reprendre leur rôle. Idéalement, nul ne devrait se rendre compte de leur absence. Même si nous avons un peu de poisse avec les blessures pour le moment et que plusieurs joueurs doivent s’adapter, je sens que chacun, au sein du groupe, est positif. J’attends beaucoup de cette année sur le plan personnel aussi. Je suis plus fort, mentalement et physiquement, que les saisons précédentes. Je sais comment je dois jouer ici, quelle solution est la meilleure dans chaque situation. Je reste sur une excellente préparation, je sens que l’entraîneur me fait confiance. Je le remarque aux entraînements et dans les matches amicaux. Il est très ouvert, il parle beaucoup aux joueurs. Chacun sait ce qu’il attend de lui. Je suis sûr que nous pouvons lutter pour le titre et terminer au moins à la deuxième position.

Dans ce cas, vous retrouveriez la Ligue des Champions. C’était votre principale motivation à l’heure de votre transfert au Club ?

En effet. Je n’y ai participé qu’une seule fois mais c’est mieux que tout. Ce qui rend cette épreuve si spéciale est moins lié à la qualité du plateau qu’à l’ambiance qui l’entoure. L’hymne, l’atmosphère du stade, tout cela rend la Ligue des Champions exceptionnelle. En Espagne, avec Malaga, j’ai joué contre le Real et Barcelone, des formations que j’estime un cran supérieur au Bayern et à la Juventus, nos adversaires il y a deux ans. Le niveau de la Ligue des Champions ne m’était donc pas étranger.

Vous avez dû quitter Malaga, les équipes espagnoles ne pouvant aligner plus de trois étrangers hors CE. Le regrettez-vous ?

Maintenant, je me rends compte que j’ai fait une bonne affaire. Depuis mon départ, Malaga ne cesse de reculer. Il est rétrogradé en D2 et j’ai appris qu’il avait des problèmes financiers. Non, je ne me plaindrai pas de ce règlement. A l’époque, ce ne fut pas facile. Je suis retourné un moment à Split, pour quatre mois. Puis Bruges s’est manifesté et j’ai joué la Coupe du Monde avec la Croatie. Peut-être n’aurais-je pas été repris si j’étais resté à Malaga.

Quelles sont vos ambitions en équipe nationale ? Est-ce un chapitre clos ?

Je n’y pense pas pour l’instant. Je veux d’abord poursuivre en championnat sur la lancée de ma préparation. Si je suis performant, je serai peut-être à nouveau sélectionné. Le nouvel entraîneur, Slaven Bilic, a toujours été franc avec moi. Quand j’étais sur le banc ici, il m’a expliqué qu’il ne me reprendrait pas tant que je ne jouerais pas à Bruges. Nous restons en contact. Slaven est un ami. Comme moi, il est de Split. Pour conclure, je vous dirai que pour le moment, je ne pense qu’au Club Bruges.

par jan-pieter de vlieger/ photos: reporters

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