Faim de Lou

Très discret en France sur la fin, le Diable Rouge peut-il apporter un plus au RSCA ?

Meilleur buteur de notre championnat avec l’Excelsior Mouscron, en 2003-04, le punch de Luigi Pieroni s’est, depuis lors, sensiblement étiolé à la faveur de ses diverses expériences françaises, à l’AJ Auxerre d’abord, puis au FC Nantes (qui détient toujours ses droits) et, enfin, au RC Lens. Lou vient de signer pour six mois à Bruxelles, mais où en est-il ? Huit avis autorisés.

Guy Roux (ex-coach)  » Un fer de Lens « 

 » Après avoir eu Luigi sous mes ordres à Auxerre, ma préoccupation, l’été passé, avait été de le récupérer chez mon ex-employeur lensois. Je n’avais eu qu’à me louer de ses services et je me faisais fort qu’il poursuivrait le même cheminement auprès des Sang et Or. A mes yeux, Lou pouvait se muer, pardonnez-moi le jeu de mots, en un authentique fer de Lens, à l’instar d’ Aruna Dindane. Ma propre expérience dans le Nord, de bien courte durée, hélas, en aura décidé autrement. Dommage, car je reste convaincu qu’avec moi, ce garçon aurait fait son trou à Bollaert également.

Personnellement, j’étais tombé sous son charme à l’époque de Mouscron. Techniquement, Lou n’était pas un monstre mais il possédait le sens du but. J’ai d’ailleurs dit d’emblée à son manager, Eric Depireux, que c’étaient ces 20 %-là qui m’intéressaient chez lui. Les 80 % restants étaient affaire de travail, afin qu’il gomme les imperfections de son jeu. Au même titre qu’ Eric Deflandre, un peu fruste aussi au moment d’aboutir à Lyon, Lou a énormément progressé sur le plan technique. Au départ, il ne faisait pas le poids lors d’un toro et se retrouvait souvent au milieu pour chasser un ballon que se passaient et se repassaient ses partenaires. A la longue, toutefois, il a fini lui aussi par jouer juste et vite. Je ne sais trop ce qui l’attend à Anderlecht mais une chose est sûre : il va y inscrire des goals car il appartient à la race des buteurs. Et ceux-là font parler la poudre dans n’importe quel contexte « .

Patrick Dessault (L’Equipe)  » Une erreur de casting « 

 » Ses six mois à Nantes n’ont pas été marqués du sceau de la réussite. Mais il a droit à des circonstances atténuantes, dans la mesure où il est tombé dans un club en pleine déliquescence, qui a d’ailleurs fait la culbute en fin de saison. Au demeurant, les initiés des Canaris n’ont jamais compris ce qui avait bien pu pousser la direction du club à jeter son dévolu sur lui. Car Pieroni est, avant tout, un renard des surfaces. A Auxerre, il attendait toujours sagement dans les 16 mètres que l’un ou l’autre ballon lui parvienne des flancs afin d’en faire bon usage. Cette approche-là n’a jamais été le label de la Beaujoire. Chez les Jaune et Vert, on a toujours cultivé l’art pour l’art, avec un jeu très méthodique et académique impliquant pour ainsi dire à chaque mouvement toutes les composantes de l’équipe. Lou n’était manifestement pas à l’aise dans ce système où on lui demandait de décrocher souvent afin d’offrir sans cesse une solution au porteur du ballon. Ce n’était pas son truc de domestiquer le cuir.

Sa venue en Loire-Atlantique aura été une énorme erreur de casting. Au lieu de privilégier la mobilité, les responsables sportifs du club ont opté pour le statisme, ce qui en dit long sur leur désarroi. Hormis un but contre l’OGC Nice, votre compatriote n’a guère affolé le marquoir. A sa décharge, il a rarement été alimenté de maîtresse façon. C’était chacun pour soi à Nantes la saison passée et, dans ce contexte, Lou pouvait difficilement tirer son épingle du jeu. Anderlecht, c’est une tout autre dimension. Si ce club cherche une tour pour convertir les centres, il est indéniablement à bonne adresse « .

Benoît Dequevauviller (Nord Eclair)  » Trop léger pour la L1 « 

 » Je ne suis pas surpris que le Racing Lens ait voulu écourter son séjour à Bollaert. Pieroni a fait illusion tant que Guy Roux était aux commandes. Mais après son départ, Lou a été réduit à la portion congrue avec Jean-Pierre Papin d’abord, puis avec Daniel Leclercq. Il est vrai que la philosophie de l’ancien coach de l’AJ Auxerre différait sensiblement de la conception du football des deux autres. Le Bourguignon avait à c£ur d’opérer avec un pivot, une fonction pour laquelle votre compatriote est taillé sur mesure, alors que ses successeurs se prononçaient plutôt pour un système avec deux pointes rapides, du type Aruna Dindane et OlivierMonterrubio et, plus tard, Toifilou Maoulida. Pieroni ne cadrait pas dans cette approche. Non pas qu’il soit lent, mais ce n’est pas à proprement parler un TGV non plus. Il n’a pas vraiment laissé un souvenir impérissable.

Lou est un joueur honnête, sans plus. Quantitativement, sa présence ne se discute peut-être pas dans l’effectif d’un club moyen comme les Sang et Or. Parce qu’il y a des fins de matches où la présence d’un bélier s’impose pour faire la différence. Mais qualitativement, c’est limite. L’ancien Mouscronnois était trop léger pour s’imposer en Ligue 1. D’ailleurs, ses statistiques l’attestent « .

Daniel Leclercq (directeur

technique à Lens)  » Je n’ai pas vraiment pu le juger « 

 » Je n’ai travaillé avec lui qu’une quinzaine de jours et je ne peux donc vous donner un avis très tranché sur le joueur. En tout cas je n’ai rien à dire sur sa mentalité et sur son application à l’entraînement. Je l’ai vu jouer quelques fois à Nantes et à Lens où il n’a guère été performant mais aussi parce que ses équipiers ne l’étaient pas non plus. Si ceux-ci avaient évolué à un autre niveau, ils l’auraient probablement aidé à se mettre en évidence. Ce fut d’ailleurs le cas quand je l’ai aligné contre Valenciennes. Je ne me permettrais pas de critiquer un joueur sur une seule prestation. Je ne dirai pas qu’il était trop court pour la L1 mais une chose est sûre, le jeu belge lui est plus adapté. Et le match de championnat d’Anderlecht contre Dender a confirmé cette impression « .

Aimé Anthuenis (ex-sélectionneur)  » Un cadreur exceptionnel « 

 » Anderlecht a tapé en plein dans le mille avec lui. A l’image de Nicolas Frutos, voilà un garçon qui pèse de tout son poids sur une arrière-garde, tout en faisant montre d’un sens du but aiguisé. Pour l’avoir eu sous mes ordres chez les Diables Rouges, j’ai toujours été frappé par la richesse de sa palette : pied gauche, pied droit, jeu de tête, Lou maîtrise les trois armes traditionnelles du buteur. Je ne sais trop pourquoi, mais il a rarement été estimé à sa juste valeur. Pourtant, en plus de ses qualités fondamentales, il en possède selon moi une autre encore, qui n’est pas réservée au premier venu : il tire quasi toujours entre les poteaux. C’est franchement un cadreur exceptionnel. Un peu comme Erwin Vandenbergh autrefois, à cette différence près que le père de Kevin avait un flair nettement plus prononcé, d’ailleurs jamais égalé, depuis lors, à Anderlecht.

Luigi est un attaquant polyvalent : il peut débrouiller dans un 4-4-2 ou un 4-3-3. La condition sine qua non pour qu’il soit performant, c’est qu’il occupe la position la plus avancée sur le terrain. Je l’imagine fort bien en pointe avec un feu follet gravitant autour de lui. Le Sporting a le choix en la matière, puisque des garçons comme Mbark Boussoufa, Serhat Akin ou même Ahmed Hassan répondent à ce profil. D’autres combinaisons sont évidemment possibles aussi avec Stanislav Vlcek, que je connais moins, ou Mbo Mpenza, son ex-complice à l’Excelsior. Avec l’adjonction de ses nouveaux transfuges offensifs, les Mauves vont vers une fameuse réhabilitation au deuxième tour « .

Eric Depireux (manager du joueur)  » Il est avide de revanche « 

 » Même s’il n’a pas fait figure d’incontournable au sein des différents clubs par lesquels il est passé dans l’Hexagone, Lou n’a pas perdu son temps. Il a composé avec un championnat plus relevé que le belge et a dû faire front aussi dans l’adversité. Par rapport à son passé chez nous, il a progressé sur le plan technique et s’est également aguerri au niveau mental. Compte tenu de ce double apport, je crois qu’il est fin prêt pour casser la baraque. Il est avide de revanche et, pour cette raison, n’importe quel club acquéreur était donc susceptible de faire une bonne affaire avec lui actuellement. Le hasard a voulu qu’il s’agisse d’Anderlecht mais mon protégé aurait fort bien pu rebondir en Suisse ou aux Pays-Bas. Il en veut et a à c£ur de prouver qu’il est meilleur – car plus complet – qu’à l’époque où il affolait encore le marquoir au Canonnier.

Je suis heureux de la tournure des événements pour lui. Je n’ai qu’un seul regret : avoir opté pour le FC Nantes il y a un an. Lou et moi aurions été beaucoup plus inspirés d’aboutir à l’époque à Valenciennes où l’entraîneur, Antoine Kombouaré, désirait absolument l’associer à SteeveSavidan. S’il en avait été ainsi, il serait toujours actif en Ligue 1. Reste qu’avec le RSCA, il n’a évidemment pas perdu au change, loin s’en faut « .

Stéphane Pauwels (consultant et scout de Monaco)  » Est-il affûté ? »

 » La dernière fois que j’ai vu Luigi live, c’était à l’occasion du récent derby du Nord contre Valenciennes. Ce jour-là, il m’avait paru peu tonique. A cet égard, je me souviens d’une réflexion de Roux qui avait affirmé jadis qu’il avait dû dégrossir le joueur, dans toutes les acceptions du terme, lors de ses premiers mois en Bourgogne. Avant de carburer à plein régime à l’AJA, Lou avait perdu huit kilos. Je ne prétends pas qu’il traîne un excédent de poids, à présent, mais il me semble quand même manquer de jus. Au maximum de ses capacités, il peut s’avérer très utile. Mais la question que je me pose, c’est de savoir si le club bruxellois avait réellement besoin d’un élément de son profil. Pour moi, ce qui fait cruellement défaut au Sporting, ce n’est pas tant un pivot qu’un attaquant qui cherche constamment la profondeur, à l’image d’un Mémé Tchité ou d’un Dieumerci Mbokani. Il faut être réaliste : ce n’est pas l’absence de Nicolas Frutos qui pose des problèmes de finition mais plutôt celle de ses ex-compères africains. A ce niveau-là, les Mauves n’ont toujours pas remédié à cette situation car Stanislav Vlcek n’est pas non plus un de ces gars qui font le ménage dans la verticalité.

Ceci dit, pour peu que Lou soit bien alimenté depuis les flancs, il doit être capable de claquer des buts. Et ce ne sont pas les bons centreurs qui manquent au Parc Astrid, à cette nuance près qu’ils se situent tous du côté droit : Thomas Chatelle, Guillaume Gillet, Jonathan Legear. A gauche, par contre, c’est la misère. Dans ce couloir-là, il y a des carences. A moins, évidemment, de titulariser l’ancien Genkois à gauche comme ce fut le cas contre Dender. Mais était-ce l’intention de la direction au moment d’acquérir les services du joueur ? ».

Werner Deraeve (recruteur RSCA)  » Aucun rapport de scouting « 

 » A priori, Luigi Pieroni ne faisait pas vraiment partie de nos priorités. Son statut hybride mi-nantais, mi-lensois ne nous avait pas incités à approfondir la question et, de surcroît, l’aspect financier jouait un rôle puisque le joueur était payé rubis sur ongle en France. Finalement, grâce à l’intervention de son homme de confiance, tout s’est éclairci sur le double plan administratif et pécuniaire. Aussi, je dois avouer que l’intéressé n’a pas fait l’objet, ces derniers mois, de rapports approfondis en club. C’est essentiellement par le biais de l’équipe nationale qu’il a été suivi. En sélection, précisément, il a toujours eu sa part de mérite. En tant qu’élément le plus avancé sur le terrain, j’estime que son concours nous sera précieux dans les 16 mètres. Avec Serhat Akin et Mbark Boussoufa, alignés au début du deuxième tour, nous manquions de gabarit dans la surface de réparation adverse. Avec ses 187 centimètres, Lou va combler cette lacune. Grâce à son apport, nous disposerons à la fois d’un guerrier en zone de vérité et d’une fine gâchette aussi car il n’a pas besoin de 36 occasions pour faire mouche. Et chacun a pu se rendre compte que c’est là que le bât blesse au RSCA depuis le début de la saison « .

par bruno govers

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