Faillite de l’Union, fin des clubs de papa

13 octobre 1976 : les Jaune et Bleu du Parc Duden sont emportés par une banqueroute. Cette première émeut tout le foot belge.

Mais comment est-ce possible ? Pourquoi la glorieuse Union Saint-Gilloise, riche de ses 11 titres de champion de Belgique, de ses 2 Coupes de Belgique et de sa légendaire série de 60 matches sans défaite entre 1933 et 1935 est-elle déclarée en faillite ? Les belles années ne sont plus qu’un lointain souvenir, l’Union a définitivement quitté la D1 en 1973, mais quand même. Maître Henri Linon est désigné curateur d’une faillite qui oblige les journalistes sportifs à fréquenter les prétoires du Palais de Justice de Bruxelles. Ce sont des moments historiques car jamais un club belge n’a été déclaré en faillite.

Deux jours après le verdict du 13 octobre 1976, Maître Linon songe aux 300 jeunes du club et offre un sursis d’un mois aux Unionistes. Les fidèles du stade Joseph Mariën s’accrochent, récoltent des fonds, signent une bonne saison en D2 et échappent à la liquidation. Mais ils maudissent Ghislain Bayet, acteur en vue dans le secteur immobilier, qui leur avait promis monts et merveilles. En cours de saison 1974-1975, cet anonyme du conseil d’administration entrait en action…

D’abord, il vire des dirigeants, remplace le coach par Georges Heylens (avec Jean Plaskie comme T2) mais il est trop tard : dernière, l’Union descend en D3. Bayet n’en a cure, épate et en met plein la vue à tout le monde. Il rafraîchit le stade et supprime hélas la piste d’athlétisme, l’anneau mythique cher à tant de champions dont Gaston Reiff. Ne dit-on pas que cet homme d’affaires au style de golden boy, qui est soutenu, affirme-t-on, par un holding étranger, est riche comme Crésus ? Cet éternel optimiste le prouve en mettant sur pied une équipe digne du top de la D1.

Sa confiance inébranlable fait la une de la presse. Il recrute des stars à Anderlecht : Jan Verheyen (qui sera international tout en jouant en D3 !), Leen Barth, André Denul, Edy De Bolle. D’autres talents comme Harald Nickel, Jacques Van Welle ou Francis Pomini, sont intéressés par de bons contrats (fixe de 2.500 euros, 125 le point). En 1975-1976, malgré un allumage difficile, l’Union survole la D3 et évolue souvent devant 10.000 spectateurs.

En fin de saison, les premiers feux rouges s’allument : les principaux joueurs n’ont pas été payés depuis trois mois. Mégalomane, prétentieux, naïf ou imprudent, (comme Rudy Ecrepont l’écrit dans le livre consacré au Centenaire de l’USG ; 1897-1997 : Unioniste un jour, Unioniste toujours), Bayet ne suit plus. Tout s’écroule comme un château de cartes. En D2, avant le prononcé de la faillite, l’Union est obligée de vendre ses meilleurs joueurs pour boucher des trous dans la caisse. Bayet doit rendre des comptes à la justice et disparaît de la circulation. Bernard Tapie de troisième zone, ou escroc selon certains, il a coulé l’Union en commettant le péché d’orgueil. Heureusement, Maître Linon (nommé curateur par hasard) aime le sport, se passionne pour une Union qu’il sauve.

Hélas, en juin 1977, après un match amical en province, il rentre à Bruxelles en précédant l’autocar des joueurs.  » A un moment, sa voiture zigzagua et quitta la route « , se souvient Heylens.  » Nous nous sommes arrêtés. L’automobile gisait sur le flanc. Maître Linon avait été emporté par une crise cardiaque.  » Maître Linon aurait mérité une statue au Parc Duden.

Une chose est sûre : la faillite de l’Union a bel et bien signifié la fin des clubs de papa, du football de Bossemans et Coppenolle. L’Union s’est heureusement remise tant bien que mal de cette  » première  » mais d’autres Bayet ont frappé à gauche et à droite. Certains n’ont rien retenu.

PAR PIERRE BILIC

Mégalomane, prétentieux ou naïf, Bayet a coulé les Jaune et Bleu

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