Facteur de puissance

Cinq témoignages sur l’impavide stopper de la RAAL.

Dans le microcosme du football belge, Georges Arts constitue assurément un cas, lui qui opta, la trentaine fraîchement sonnée, de mettre en veilleuse son emploi à la poste, qu’il combinait avec les joies de l’amateurisme au Standaard Wetteren, pour embrasser la carrière de footballeur professionnel, à Alost d’abord (1999-2002) puis à La Louvière depuis le début de la saison. Le solide Flandrien aurait-il accompli une trajectoire plus prestigieuse s’il avait fait d’emblée du ballon rond son métier? Il est permis de le penser à la lumière des témoignages de l’un ou l’autre de ceux qui l’ont côtoyé ou qui doivent encore composer sur le terrain avec lui, aujourd’hui.

Sadio Ba (Standaard Wetteren 1993-96): « Il survolait les débats »

« Quand je suis arrivé au Standaard Wetteren en provenance de Lokeren, où j’avais débuté au plus haut niveau en 1992-93, je me suis immédiatement demandé ce qu’un joueur de qualité, comme lui, faisait à ce niveau. Il avait 23 ans à cette époque et faisait office de régisseur de cette équipe, qui militait en Division 3. Compte tenu de mon propre vécu parmi l’élite, je me disais que tôt ou tard, un élément comme lui, qui survolait les débats, allait être appelé lui aussi à s’exprimer un beau jour en D1. Curieusement, nous avons en définitive joué trois années ensemble avant que je rejoigne le Vigor Wuitens Hamme, tandis que Georges, de son côté, imitait le même exemple, l’année suivante, mais à destination du Racing Gand-Zeehaven. J’ai cru comprendre qu’il n’avait jamais voulu troquer la proie pour l’ombre pendant tout ce temps, vu qu’il comptait déjà plusieurs années d’ancienneté à la poste. Seul un appel du pied de la part d’un grand club eût été susceptible de le faire reconsidérer sa position, mais il s’était fait désespérément attendre à cette lointaine époque. Il est vrai que Georges était peut-être un tantinet trop lent pour occuper un rôle de régisseur au plus haut échelon. Aussi, la combinaison entre son emploi, dans le civil, et le football au troisième rang national, suffisait-elle à son bonheur. Mais que se serait-il donc passé si Georges avait reculé plus tôt dans le jeu et qu’il s’était illustré au demi défensif ou au stopper à un stade plus précoce de sa carrière? Dans ce cas, je suis persuadé qu’il aurait tapé non pas dans l’oeil des recruteurs du Racing mais de celui de leurs voisins de La Gantoise. Je ne dis pas qu’il aurait fait l’affaire chez l’un des ténors du football belge. Mais chez les Buffalos ou à Westerlo, où j’évolue actuellement, il aurait fait son trou, c’est sûr ».

Manu Ferrera (Eendracht Alost 2001-02):  » Sous-estimé en D1″

« Mon prédécesseur chez les Noir et Blanc, Wim De Coninck, avait dit pis que pendre à son propos, l’accusant même d’avoir balancé un match contre Malines avec Sammy Van den Bossche, Kris Temmerman et David Van Hoyweghen. Moi-même, je n’ai jamais eu qu’à me louer d’eux et, en particulier, de la paire formée par ce dernier et Georges Arts au sein de la défense. Grâce à la solidité de cette charnière, l’équipe avait d’ailleurs pris un départ sur les chapeaux de roue, cette saison-là, en totalisant ni plus ni moins le maximum des points après cinq journées. Pas mal pour une phalange qui, pour beaucoup, était encore considérée comme un oiseau pour le chat quelques semaines plus tôt. Par après, la situation sportive épousa malheureusement la même courbe que la santé financière du club, avec la faillite finale que l’on sait. S’il n’y avait eu ce fâcheux contretemps, je reste persuadé que l’Eendracht Alost se serait sauvé. Car le 11 de base ne manquait pas de talent avec le duo Patrick Dimbala et Damir Stojak à l’avant et, comme dit, un tandem de choix dans l’axe central de l’arrière-garde. D’ailleurs, ma toute première préoccupation, lorsque tout portait encore à croire que je relayerais mon frère Emilio, au RWDM, fut de m’assurer les services de Georges Arts à Molenbeek. C’est assez dire si je le tenais, et si je le tiens d’ailleurs toujours en haute estime aujourd’hui. Pour moi, il fait partie des joueurs les plus sous-estimés de D1. Car quel stopper de l’élite peut se gausser d’être à la fois intransigeant sur l’homme, souverain à la relance et doté d’une technique supérieure à la moyenne, surtout du pied droit? Honnêtement, je n’en vois pas 36. Même l’Anderlechtois Hannu Tihinen n’excipe pas d’autant de qualités. Il est toutefois regrettable que Georges ait perdu tant de temps précieux, dans sa carrière, en évoluant à un étage qui n’était nullement en adéquation avec ses immenses qualités. Pour moi, c’est un mystère qu’il n’ait pas effectué le grand saut plus tôt. Il a peut-être manqué tout simplement de chance au bon moment ».

Thierry Siquet (La Louvière): « J’envie sa facilité de geste »

« En tant que défenseurs, nous sommes tous les deux coulés dans le même moule, au plan physique, puisque nous faisons de concert 185 centimètres sous la toise pour un poids de 82 kilos. Des chiffres qui nous confèrent bien évidemment un répondant certain face aux attaquants adverses . Là s’arrêtent toutefois les similitudes entre lui et moi, car autant je suis expansif, sur le terrain comme dans la vie de tous les jours, autant Georges est un garçon taiseux et réservé. Au plan purement footballistique, je relève des différences aussi, dans la mesure où je possède un bagage relativement uniforme comme arrière central, alors que la palette de mon alter ego est plus fournie, surtout en ce qui concerne le registre technique. Dans ce domaine-là, j’envie franchement cette facilité de geste qui lui permet, de manière tout à fait naturelle, d’effacer un opposant direct avant de distiller un ballon précis à destination d’un partenaire. Pour le voir régulièrement à l’oeuvre depuis le début de la saison, je ne suis pas surpris, compte tenu de ces qualités, qu’il ait évolué autrefois dans une position plus avancée sur le terrain. D’ailleurs, quand il s’agit d’étoffer la ligne médiane chez nous, ce n’est sûrement pas par hasard si le coach, Ariel Jacobs, songe toujours à lui en priorité. A raison, car Georges s’en tire invariablement comme un grand dans ces circonstances. Personnellement, j’ai été amené à collaborer avec lui de deux manières ces derniers mois: comme stopper avec Domenico Olivieri dans le rôle couvreur et en alternance dans la charnière centrale, sans libero. Dans les deux cas, il n’y a jamais eu le moindre problème entre nous. Même quand nous avons joué l’individuelle en zone, lui et moi savions automatiquement à quoi nous en tenir, sans long discours. En réalité, il me paraît réellement difficile de ne pas s’entendre avec un joueur qui sent le football, comme lui ».

Ariel Jacobs (La Louvière): « Il doit s’ériger davantage en patron »

« Je m’en suis quelque peu voulu, au printemps 2002, en apprenant que Georges Arts avait trouvé un terrain d’entente avec le RWDM alors que j’étais moi-même un fervent partisan de sa venue au Tivoli. Suite aux problèmes rencontrés par les Bruxellois, et qui débouchèrent finalement sur la mise en liquidation du club, il n’était plus question de tergiverser une deuxième fois et c’est la raison pour laquelle la direction des Loups s’est empressée de mettre sous contrat ce joueur qui, à l’époque où il défendait les couleurs de l’Eendracht Alost, ne m’avait déjà jamais laissé indifférent. Au départ, Georges a eu quelques difficultés d’expression, chez nous, dues à divers bobos: une déchirure aux ischio-jambiers d’abord, suivie d’une rechute, puis une luxation à l’épaule. Mais dès l’instant où il eut recouvré tous ses moyens physiques, il est devenu une pièce-maîtresse du bastion défensif. C’est un joueur à la fois tout en puissance mais doté aussi d’une aisance et d’une finesse, balle au pied, plutôt surprenantes dans le chef d’un défenseur. Cette faculté le pousse volontiers à chercher une solution footballistique pour se tirer d’affaire, même lorsqu’il doit parer au plus pressé. Contrairement à d’autres, il ne se résoudra pour ainsi dire jamais à expédier un ballon dans la tribune mais cherchera, en revanche, à alerter un partenaire. Ce culte du beau geste le pousse parfois à prendre des risques superflus et c’est pourquoi, en cours de saison, je l’ai invité à dépouiller plus son jeu. En prévision de la campagne prochaine, j’aimerais aussi qu’il s’érige davantage en patron, d’autant plus que nous perdrons un leader, à l’intersaison, en la personne de Domenico Olivieri, qui a décidé de mettre un terme à sa carrière. Avec ses qualités et son expérience, Georges présente le profil requis pour ce rôle. Il doit simplement veiller à s’extérioriser et à donner un peu plus de la voix. A terme, il y parviendra, j’en suis sûr ».

Ole-Martin Aarst (Standard): « Il faut éviter le combat physique »

« Mes sentiments sont quelque peu mitigés quand je songe aux matches que j’ai joués contre La Louvière et Georges Arts en particulier, cette saison. D’un côté, j’avais eu la chance d’inscrire deux buts, naguère, à l’occasion du match qui nous avait opposés au Tivoli en championnat. Deux goals qui s’ajoutaient à trois autres que j’avais paraphés lors du match aller des quarts de finale de la Coupe de Belgique qui nous avait mis aux prises, à Sclessin. En revanche, pour les besoins du retour, j’étais passé à côté de la plaque, à l’instar de l’équipe d’ailleurs, ce qui nous avait malheureusement valu d’être éliminés. Si j’ai retenu une leçon face à cet adversaire, c’est qu’il faut éviter le combat physique avec lui. Car il est bien campé sur ses jambes et souverain dans le trafic aérien. Pour espérer le prendre en défaut, il convient de bondir à bon escient car son gabarit ne le favorise pas dans les premiers mètres. C’est d’ailleurs en jaillissant avec à propos sur des centres, tant dans nos installations que dans celles de la RAAL, que j’étais parvenu à le prendre en défaut. Mais ce n’est pas un client, c’est sûr ».

Bruno Govers

« Il a horreur de dégager dans la tribune » (Ariel Jacobs)

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire