FACE AU DESTIN

Victime de six commotions cérébrales en six ans, l’avant saura le 12 septembre s’il peut poursuivre sa carrière.

Le destin de Cédric Roussel a-t-il basculé le 4 août ? Verdict le 12 septembre. Après une longue période de repos, une fois tous les examens analysés, la neurologue de l’attaquant lui soumettra son diagnostic et ses recommandations. Dans le pire des cas, il devra mettre fin à sa carrière, afin de ne pas compromettre sa santé. Roussel :  » Il n’y aura peut-être rien ou on aura décelé la présence d’une lésion ou d’un caillot de sang. Dès lors, la prochaine commotion pourrait endommager un nerf, par exemple. Je serai placé devant mes responsabilités mais je préférerais que le médecin tranche lui-même « .

Flash-back. Le 4 août, Zulte Waregem affronte le Brussels. A cinq minutes de la fin, Sydney Kargbo charge Roussel dans le dos. Celui-ci s’effondre, il perd connaissance et a cinq spasmes musculaires. Il ne se souvient de rien. Après les premiers soins, il est hospitalisé et soumis à des tests neurologiques approfondis.

Cédric Roussel : J’ai reçu le ballon. Je me souviens d’un bruit dans la tête. J’ai aussi senti comme une décharge d’électricité puis c’est le trou noir, comme si un camion m’était rentré dedans. On m’a hospitalisé pendant 24 heures. A mon réveil, je me suis plaint d’une douleur à la cheville. J’étais retombé de tout mon poids dessus. J’avais vraiment mal. J’ai insisté et les médecins l’ont alors examinée et ils ont diagnostiqué une double entorse.

Qu’avez-vous ressenti après cette commotion ?

Des vertiges et des migraines pendant deux ou trois jours, des oublis, mais surtout une fatigue extrême, doublée de l’impossibilité de me concentrer plus d’une ou deux minutes. Cette fatigue a duré une semaine. Je ne pouvais pas lire, je me sentais incapable de regarder la télévision ou internet. Pendant deux ou trois jours, j’ai tout ignoré des circonstances de l’accident et je me demandais pourquoi ma cheville était foulée. J’ai retrouvé mes esprits en visionnant les images. Si j’avais pris un coup pareil dans la tempe, là où les os sont plus fragiles, c’était fini…

Comment se sont produites vos cinq commotions précédentes ?

Chaque fois dans des duels : coup de tête, coup de coude. Dans deux cas, j’ai perdu connaissance. La première fois, cela n’a duré qu’une vingtaine de secondes. A deux reprises, j’ai achevé le match. J’ai une commotion cérébrale par an. (Il sourit) La saison prochaine, je peux donc m’attendre à en avoir une nouvelle !

Le jeu de tête est votre maître atout. Savez-vous qu’il est dangereux, médicalement parlant ?

Je relativise. Je reste moi-même. Je suis plutôt étonné du tapage provoqué par cet accident. Mon médecin a demandé des examens complémentaires, dont une résonance magnétique nucléaire, par prudence, pour me rassurer. Pendant 24 heures, j’ai aussi dû porter un casque assorti de tas de fils pour réaliser un encéphalogramme approfondi, qui n’a rien révélé. Je n’ai pas osé sortir de chez moi : j’avais l’air d’un Martien. C’était aussi très gênant pour dormir. Jusqu’à présent, je n’ai jamais souffert de séquelles mais les spasmes ont incité les médecins à redoubler de prudence. J’ai recommencé à courir et je vais de mieux en mieux. Je relativise. J’adore mon métier mais j’ai une fille de dix mois. Je dois penser à elle. Je dois aussi reprendre progressivement. Dans la mesure où je joue beaucoup de la tête, que je dispute beaucoup de duels, il ne faut pas que j’aie des réticences sur le terrain. D’un autre côté, il suffit de marquer un beau but de la tête pour retrouver sa confiance.

L’avis du spécialiste

Le Dr Georges Bauherz, neurologue aux hôpitaux Iris Sud de Bruxelles, est fréquemment confronté à des traumatismes crâniens. Il a accepté de nous aider à mieux comprendre ce qu’est une commotion cérébrale, sans s’immiscer dans le cas de Cédric Roussel, qu’il ne connaît d’ailleurs pas.

Quelle est la définition d’une commotion cérébrale ?

Georges Bauherz : C’est un traumatisme crânien avec perte de connaissance. Si le patient garde conscience, on parle seulement de traumatisme crânien. Les conséquences ne sont pas mécaniquement liées. Des gens prennent une balle dans la tête sans perdre connaissance mais se retrouvent tétraplégiques. Lorsqu’on perd connaissance, il y a amnésie. La durée de celle-ci dépasse celle de la perte de conscience. On parle d’amnésie rétrograde. Elle commence au moment du choc ou même des minutes qui l’ont précédé et sa durée est variable, de quelques secondes à des heures, des jours, voire des mois. Le patient peut se réveiller une première fois, parler, puis il se rendort et à son réveil suivant, il ne se rappelle pas avoir déjà repris connaissance. Il n’y a pas de relation entre la perte ou non de connaissance et les séquelles, de même qu’une fracture du crâne, auparavant considérée comme quelque chose de dramatique, est devenue secondaire.

Que se passe-t-il dans la tête ?

Le cerveau est bousculé contre la boîte crânienne. C’est pour cela que, si le coup est fort mais que la tête ne bouge pas, il ne se passe pas grand-chose.

On recherche la présence d’un £dème ou d’un hématome. Pourquoi ?

On peut trouver un hématome en-dehors des méninges, dedans ou dans le cerveau lui-même. Dans ce dernier cas, c’est comme un bleu : il faut attendre qu’il se résorbe, ce qui prend du temps. Parfois, il y a des saignements multiples, à peine visibles mais ennuyeux. Un hématome situé en-dehors des méninges peut être sous dural, c’est-à-dire situé entre les méninges et le cerveau, ou extra dural, entre les méninges et les os. Un hématome sous dural se développe au fil des heures. On peut l’opérer et le vider. L’extra dural a une croissance plus rapide, il est aussi plus grave car c’est l’artère qui saigne. Il faut absolument opérer car il comprime le cerveau.

Nous sommes souvent confrontés au cas suivant : les traumatismes sportifs de la cour de récréation, qui touchent surtout les garçons. Un gamin subit un choc. Une heure après, il souffre de maux de tête et d’une somnolence telle qu’il est à peine réveillable. Cela dure quelques heures et le soir, c’est terminé. C’est dû à une intoxication à l’eau, à un £dème qui se forme dans le cerveau. Il gonfle puis se résorbe et disparaît de lui-même. D’où cela vient-il ? Le corps est composé de liquides à 90 %. Le traumatisme empêche les cellules de les éliminer correctement.

Quelles peuvent être les séquelles d’une commotion ?

Les symptômes les plus fréquents sont d’ordre cognitif, comme le mal de tête. Les migraines assorties de phénomènes visuels sont classiques chez le footballeur. Dans l’immédiat, on relève des nausées, de l’intolérance au bruit et à la lumière, des difficultés de concentration. L’âge est un facteur de risque : à coup égal, un enfant conservera moins de séquelles qu’un adulte. Les séquelles à long terme sont la persistance des symptômes, parfois assorties de phénomènes psychologiques. Une commotion peut entraîner la rupture de connexions de neurones, la nécrose de neurones et des morts neuronales différenciées.

Le repos de Roussel est indispensable

Cédric Roussel a été victime de spasmes et a eu l’impression de recevoir une décharge électrique. De quoi s’agit-il exactement ?

Il a eu cette impression dans la tête et non le cerveau car celui-ci, alors qu’il est le récepteur des nerfs, est lui-même insensible. Il peut avoir eu des spasmes musculaires ou avoir souffert d’épilepsie post-traumatique.

Il a été placé au repos pendant près de six semaines. Que recommandez-vous aux personnes victimes d’une commotion ?

Du repos, en effet. L’expérience m’a enseigné son utilité. Elle doit être physique et intellectuelle, même si certaines personnes reprennent immédiatement leur activité. En sport, beaucoup de joueurs achèvent leur match.

Le joueur avoue qu’il préférerait que son médecin prenne à sa place, le cas échéant, la décision de mettre fin à sa carrière…

Il s’agit d’une discussion négociée. Nous n’avons pas le droit d’empêcher les gens de prendre des risques et c’est heureux. Je suis médecin mais je réagis aussi en tant que citoyen : nous ne pouvons priver les gens de leur libre arbitre, de leur liberté. Il n’y a qu’une exception : si une fédération sportive, mettons de plongée, demande un certificat médical et que les examens de la personne sont mauvais, je ne le délivrerai pas. Elle n’obtiendra pas de licence et ne sera pas assurée. Néanmoins, rien ne l’empêchera d’acheter son équipement et de plonger de manière indépendante. Nous sommes là pour aider les patients à obtenir des informations, pas pour prendre les décisions à leur place.

PASCALE PIÉRARD

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