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Fabuleux, mystérieux et fascinant

L’avantage d’une chronique, c’est qu’elle ne doit pas forcément coller à l’actualité. L’essentiel, c’est qu’elle colle à la peau. Elle peut être intemporelle, donc on peut niquer le chrono fou de l’info. Prendre le temps. De la réflexion… parfois. De l’émotion… toujours. Et là, j’ai une petite remontée d’un bonheur qui m’a inondé de plaisir le soir du 21 août. Le FC Séville a réveillé en moi un émerveillement d’enfance. La pureté d’un amour perdu. Il m’a rendu mon foot. Celui que j’ai aimé, pratiqué, jamais quitté, mais hélas, dû apprendre à partager avec de mauvaises personnes.

Dans la dernière chronique, on évoquait le déclin du foot espagnol en Ligue des Champions. Dépassé par le niveau. Mais un niveau plus bas, en Europa League, Séville a dépassé tout le monde. Par la gauche, par la droite, par Navas, par Reguilón, mais d’abord, et surtout par une âme commune, une fierté bien placée. En un mot, un collectif qui colle à merveille avec l’excellence qui mène à la performance. Comme le Bayern, d’ailleurs.

La leçon de ces deux formidables campagnes européennes, c’est que ce sont de vrais clubs qui gagnent à la fin. De ces clubs au-dessus de tout et de tous. Plus forts que le virus, que les virus footballistiques. Ces deux clubs, c’est de la noblesse dans la bassesse du foot business. L’essentiel, c’est le sportif.

Séville et le Bayern, ça achète juste. Et quand, comme Séville, on a moins de moyens, on loue. On loue des joueurs qui deviennent en quelques semaines des tauliers impliqués dans leur club de passage. Comme s’ils devaient y rester toute leur vie. C’est fabuleux, mystérieux et fascinant à la fois.

L’été passé, quinze joueurs sont arrivés et quatorze sont partis d’Andalousie. Contre Manchester United, en demi-finale, seuls deux joueurs étaient déjà là la saison précédente. Du dernier titre en Europa League de 2016 ne restait que Banega. Sublime, alors qu’il a déjà signé ailleurs. Et puis Navas est revenu dans son berceau. Lui qui avait déjà gagné le premier des six sacres européens il y a quatorze ans de cela. Avec deux tauliers de cette classe, intelligence et dévotion à l’institution qu’est le club, on peut battre des équipes au budget quatre fois supérieur. Ce fut le cas dès les quarts de finale. Savoir acheter, mais aussi savoir revendre. À Séville, quand t’as pas  » l’esprit club  » on te dégage directement.

Séville est tout un symbole. Hors du temps, hors système.

L’esprit club, c’est aussi Pepe Casto, qui, avant de devenir président, a été abonné pendant quatorze ans dans la tribune nord. Celle des socios en écharpes. Pas en cols blancs. Celle qui chante, hurle, pleure de joie et de tristesse. Celle des supporters, quoi.

Sur les murs des bureaux administratifs pendent les photos des employés et de tous les membres de la direction en pleine action, du temps où ils n’étaient que  » supporters « .

Ils le sont toujours et le sont redevenus dans sa plus pure expression, lors de cette campagne  » covidienne « . Des stades vides des corps de socios, mais pleins de l’âme du club. On a pu s’en rendre compte en demie et en finale.

Les trente personnes du club autorisées dans le stade, que ce soient les dirigeants, le staff technique, médical, hurlaient depuis les tribunes. Ça encourageait, ça chantait l’hymne du club. Dans un stade vide, ça met le frisson et l’ambition à ceux qui sont sur le terrain. D’autant plus que les réservistes, supposés frustrés, étaient les premiers à s’époumoner.  » The Suplentes Supporter Club «  est né.

Cette équipe est tout un symbole. Hors du temps, hors système. Elle fut la première à enfreindre les règles sanitaires imposées par la Liga. Interdiction avait été donnée de célébrer collectivement les buts. Rien à foutre. Lors du derby, Séville marque en fin de match. Cinq secondes plus tard, un amas de  » camas  » fêtent le but. Impossible de contenir le bonheur. L’amour du maillot plus fort que tout.

Même Diego Maradona, il y a quasi trente ans, s’est laissé enivrer par cet amour. Lui, l’un des très rares joueurs à avoir fait du foot un sport individuel pour le plus grand bonheur du collectif, a joué pour Séville. 29 matches. Largement le temps de cette anecdote, racontée par le directeur sportif Monchi :  » Un jour, Diego regarde mon poignet. Il me dit que j’ai une sacrée belle montre. Je lui dis que c’est une fausse. Le lendemain, il vient dans mon bureau avec le même modèle, mais en vrai. Une Rolex authentique. Il me dit : Mes amis doivent avoir le meilleur.  »

Et le meilleur, les joueurs du FC Séville le donnent à chaque match. Ils jouent tous leurs matches comme si c’était le dernier. Pendant que leurs adversaires jouent un match de plus. C’est pour ça, qu’en Europa League, ils finissent les premiers.

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