F1 FRAGILES

Les blessures sont très souvent les pires ennemies des meilleures mondiales.

Normalement, à l’heure où vous lisez ces lignes, Venus Williams aurait dû être en train de batailler ferme pour quitter dimanche la métropole anversoise dans les mêmes conditions qu’ Ivan Lendl il y a quelques années : avec une raquette de diamants sous le bras. Comme feu l’ECC, le Proximus Diamond Games d’Anvers a en effet promis ce trophée prestigieux à la joueuse qui parviendra à s’y imposer trois fois en l’espace de cinq ans. Lauréate en 2002 et 2003, l’aînée des s£urs Williams était donc idéalement placée pour garnir sa cheminée de cet objet de luxe. Au soir de son succès 2003, elle avouait d’ailleurs espérer revenir très vite.  » Le prix qui est proposé ici est réellement fantastique. Mais, il y a un hic car, l’an prochain, soit en 2004, Serena sera peut-être de la partie et ce sera plus compliqué pour moi de gagner. Ou alors, je pourrais lui demander de ne pas venir… pour avoir plus de chances de m’imposer et de repartir avec ce magnifique bijou « .

Venus n’a pas eu besoin de demander à sa petite s£ur de ne pas s’inscrire à Anvers. Pire : elle-même a dû déclarer forfait pour cette édition. En cause, des blessures récurrentes qui ont éloigné les deux Américaines du circuit. Serena, pour rappel, n’a plus disputé la moindre compétition depuis sa victoire 2003 à Wimbledon. Quant à Venus, elle a fait une brève apparition à l’Australian Open après une très longue absence et s’est à nouveau blessée à Tokyo, il y a deux semaines. D’où son absence à Anvers cette semaine.

Le circuit féminin est d’ailleurs particulièrement touché en cette période. Outre Serena, Anvers déplore le renoncement de Jennifer Capriati, blessée dans sa chair, d’ Amélie Mauresmo, blessée chronique et de Ai Sugyama. Pour peu, Kim Clijsters aurait également rejoint l’hôpital de la WTA tant sa cheville est faible.

N°1 : une vraie malédiction

On faisait déjà remarquer il y a peu que les blessures avaient touché très rapidement les dernières numéros 1 mondiales et que ces mêmes blessures seraient probablement les rivales principales de Justine Henin, actuelle leader mondiale. Si on se penche sur l’historique du classement féminin, on doit affirmer que si le leadership mondial est excellent pour le compte en banque, il l’est nettement moins pour la santé. Jugez plutôt :

Martina Hingis, numéro 1 mondiale de 1997 à 2000, a dû mettre fin à sa carrière à… 22 ans en raison d’une blessure récurrente à la cheville et au pied droits. Elle a aussi très régulièrement souffert de la hanche.

Lindsay Davenport, numéro 1 pour la première fois en 1998 et pour la dernière en 2001, collectionne les blessures depuis 2000, ce qui lui a valu de longs arrêts répétitifs. Depuis son retour, elle ne parvient quasiment plus à affiler plus de deux tournois sans arrêter.

Jennifer Capriati, numéro 1 quelques semaines en 2002 et 2003. L’ex-teenager dont on disait qu’elle serait la nouvelle Chris Evert, a été régulièrement blessée à l’épaule depuis le milieu de l’année dernière. Aujourd’hui, elle est absente des courts en raison d’un excédent de poids dont n’est sans doute pas étrangère sa blessure répétitive.

Venus Williams, numéro 1 en 2002, a été absente des terrains de juillet à la fin 2003 en raison d’une déchirure abdominale. Son retour en 2004 a, déjà, été perturbé par d’autres soucis physiques.

Serena Williams, dernière numéro 1 avant les Belges, n’a tout simplement plus joué depuis son succès à Wimbledon face à sa s£ur l’an dernier. Elle, c’est son genou gauche qui la handicape.

Le diagnostic est tout sauf enthousiasmant. Car, si de telles championnes ont û toutes û été victimes de blessures de manière relativement rapide (seule Davenport avait plus de 25 ans quand ses ennuis ont commencé), il n’y a pas de raison objective de croire que Justine et Kim y échapperont. On sait d’ailleurs que la Limbourgeoise présente une réelle fragilité.

Le diagnostic du jeu physique

Si on doit en arriver à considérer ces blessures comme normales, Steffi Graf, Martina Navratilova ou Chris Evert û soit les trois joueuses qui, dans cet ordre, sont restées le plus de semaines à la première position mondiale û n’ont pas connu d’aussi graves tourments et ont eu une carrière particulièrement longue.

Mais il est indispensable de dissocier les périodes du tennis féminin. Evert et Navratilova ont été les meilleures lorsque le tennis en jupes n’était pas encore fait de puissance et de jeu agressif. Ce qui avait un double avantage :

-Un : le jeu lui-même n’était pas trop traumatisant puisque basé sur un beau toucher de balle et des prises de balle devant le corps (ce qui permet d’éviter les chocs au niveau de l’épaule).

-Deux : forcément les envois des rivales n’étaient pas épuisants physiquement, les joueuses pouvant donc aller au bout d’un tournoi sans puiser excessivement dans leurs réserves musculaires. Graf a quant elle fait la jonction entre cette période de douceur relative et l’actuelle, où les joueuses ont pour la plupart des gabarits supérieurs. Mais Graf disposait d’un atout majeur car elle prenait la balle très tôt et jouait son revers le plus souvent slicé (coupé) ce qui est moins nocif que les frappes û liftées ou non û à deux mains.

Il y a cependant des raisons de ne pas trop craindre pour Justine, à commencer par le fait que la première joueuse mondiale est dotée de la meilleure technique du circuit féminin. Seule Evert lui était û peut-être û supérieure à ce niveau. Ce qui veut dire que Justine prend elle aussi la balle très tôt et est de ce fait moins soumise aux vibrations musculaires. De plus, Henin anticipe parfaitement les coups adverses. Souvent, elle parvient à les contrer avant qu’ils ne soient destructifs physiquement alors que la plupart des autres joueuses subissent le choc trop tard (derrière le corps), ce dernier est donc assimilé au niveau musculaire, les fibres étant sévèrement mises à l’épreuve. Enfin, Justine joue son revers à une main, et sait le frapper plat, lifté et slicé, elle s’économise donc régulièrement quand d’autres cognent sur toutes les balles, ce qui à la longue est également traumatisant.

Le cas de Kim est nettement plus préoccupant. Non seulement son panel de coups est relativement limité mais, en plus, elle prend régulièrement la balle sur la ligne de l’épaule et pas devant cette dernière. Ce qui veut dire que, d’une part, elle  » prend  » les coups plutôt qu’elle ne les évite et que, d’autre part, elle  » arrache  » pour répliquer plutôt que de jouer de manière fluide. Voilà pour les bras. Pire sans doute est cette spécialité qui est devenue sienne et qui la voit régulièrement faire un grand écart pour frapper une balle lointaine. Si ce coup est spectaculaire, il est surtout dangereux car les tendons sont mis sous tension extrême. Et à la longue, ils se fragilisent.

Les voyages et l’hygiène de vie

La répétitivité est d’ailleurs le principal ennemi des joueurs et joueuses de tennis qui, dès leur plus jeune âge, sollicitent les mêmes muscles. A noter d’ailleurs qu’il n’y a pas si longtemps que cela que les jeunes commencent à pratiquer ce sport vers 4 ou 5 ans. On ne dispose donc pas encore d’études réelles quant aux dangers que génère la pratique du tennis dès cet âge tendre. Il est cependant évident qu’une joueuse comme Martina Hingis a payé à 22 ans les erreurs commises lorsqu’elle était encore une bambine ou une jeune adolescente.

S’il y a répétitivité en matière de frappes de balles, les conditions même du circuit ne sont pas optimales. Le tennis est en effet un des rares sports dont la saison s’étale sur onze mois. Il est aussi l’un des rares qui voit les compétiteurs passer d’un continent à l’autre très régulièrement. Ce qui contribue évidemment à affaiblir le voyageur contraint, sans réel repos nécessaire après un changement de fuseau horaire, de remonter dare-dare sur le court. De plus, les tournois se jouent sur différentes surfaces, le pied et les muscles devant passer de la terre battue û pas trop sévère û au rebound ace et ciment très agressifs.

Maintenant, si l’ensemble du jeu tennis est perturbant, il faut aussi ajouter que nombre de joueuses ne se soignent pas suffisamment : beaucoup d’entre elles présentent un surpoids, ce qui a pour effet d’augmenter la pression sur les articulations des membres inférieurs. Cinq kilos de trop génèrent une surcharge qui peut nuire à court terme. Là aussi, Henin est plus à l’abri que Clijsters.

Attention cependant de ne pas croire que… Mais l’ex-Rochefortoise, de taille et de gabarit réduits, a été terriblement exigeante avec son corps au cours des deux dernières années. Ses séjours répétés à Saddelbrook chez Pat Etcheberry présentent un pôle positif (Justine a fait de son corps une machine susceptible de supporter le travail incessant qu’elle lui impose) et un négatif (car si on peut améliorer la qualité musculaire, c’est impossible avec les os et les tendons même si on peut travailler leur souplesse).

La joueuse de tennis actuelle est une formule 1. Sa pilote gagne beaucoup d’argent mais sait que sa voiture peut, à tout moment, la lâcher. Le tout est de faire en sorte que l’accident ou la panne se produise le plus tard possible…

Bernard Ashed

 » JUSTINE EST PLUS à L’ABRI des blessures que Kim « 

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