Exploit en vue

Le Sporting est en train de revenir dans le sillage de ses concurrents directs. Le sauvetage n’est plus seulement un rêve.

La médecine peut parfois accomplir des miracles. Un gros coup de chirurgie et voilà que le patient, déclaré mort il y a encore un mois, revit. Charleroi ne croit pas au miracle mais au travail bien fait. Un peu tardif, certes, mais bien fait quand même. Le mercato est passé par là et voilà que le Sporting moribond se transforme en machine de guerre. 10 points sur 12 et un fossé de huit points réduit à trois. Pourtant, comme tout patient, une rechute est toujours à craindre et le pronostic vital reste réservé. Dans un mois, on saura vraiment si la greffe a pris.

En attendant, on savoure du côté de l’ancien Mambourg. Pour la première fois depuis longtemps, aucun chant réclamant la démission d’ Abbas Bayat n’a résonné dans le stade. En gagnant contre Saint-Trond (1-0), Charleroi a encore repoussé sa mort programmée. Tout doucement, le public se réconcilie avec son club et ses dirigeants. Du moins, le public qui répond présent : même si Charleroi joue sa survie en D1, il n’arrive pas à sonner le rappel des troupes. Seuls 5.900 courageux avaient rallié l’enceinte du stade du pays de Charleroi pour soutenir leurs joueurs. Les autres avaient-ils seulement conscience qu’il s’agissait peut-être d’une des dernières possibilités de voir une équipe de D1 à Charleroi ?  » C’est bien, les supporters nous ont soutenus « , se félicitait cependant le président carolo.

Depuis la reprise, Charleroi a donc engrangé 11 points sur 18. Seuls Genk (16 points), Malines (14 mais en huit matches !), Gand (14) et Bruges (12) ont pris plus de points depuis le début de l’année 2011. Les Zèbres n’ont encaissé que deux buts. Aucune équipe n’a fait mieux. Seul Anderlecht peut se targuer du même bilan. Au passage, les Zèbres ont encaissé moins de buts que Bruges ou Genk (3). Bref, depuis le chamboulement du noyau, le Sporting carbure à une moyenne de PO1. Largement !

Malgré cette série, les Carolos sont toujours derniers. L’espoir est revenu mais la route demeure longue. Certains disent qu’ils disposent du calendrier le plus abordable parmi les menacés mais les bons résultats ont principalement été forgés à domicile (10 points sur 12). A l’extérieur, ils sont beaucoup plus friables (1 point sur 6). Or, les Zèbres doivent se déplacer deux fois (Courtrai et Westerlo) et recevoir un gros calibre (Standard). La foi va-t-elle continuer à soulever des montagnes ? L’espoir est permis. D’autant plus quand on voit le climat au sein du noyau et le jeu développé par les Carolos depuis la reprise.

Hernan Losada, le joyau de la couronne

 » Vous avez vu comment Hernan Losada s’est battu ? Et il est resté sage malgré les fautes commises sur lui. C’est le joueur qui a le mieux maîtrisé le ballon « , a lâché le président Bayat à l’issue de la rencontre de samedi.

Peut-on parler de révélation ? Non. Car, Losada n’a pas attendu la bonne passe actuelle pour montrer son talent. Au premier tour déjà, il surnageait. Or, le mental de l’Argentin n’a jamais constitué sa qualité première. Certains pensaient même qu’il allait couler en même temps que le navire. Dans un environnement peu propice, il restait déjà sur deux échecs (Anderlecht et Heerenveen). Mentalement, il s’est aguerri et à Charleroi, Losada a toujours pris ses responsabilités. Dans certaines rencontres, il portait à lui seul le poids de l’équipe sur ses épaules. Sans succès. Depuis le retour de la victoire, Losada rayonne toujours autant mais ses équipiers arrivent à se hisser à son niveau.

 » C’est un très beau joueur qui sait tout faire avec le ballon « , explique le nouveau buteur israélien, Dudu Biton, épaulé depuis le match au Lierse par un Losada, plus proche de lui.  » Il ne perd jamais un ballon. C’est aussi pour cette raison qu’il s’agit de notre joueur-clé. Je suis certain qu’il pourrait évoluer dans une meilleure équipe.  »

 » Au même titre qu’ Ederson ou Rudy Riou, je lui demande de guider cette équipe vers la victoire. Il dispose d’une mentalité de gagneur et point important : il n’est jamais blessé « , explique l’entraîneur Czaba Laszlo.  » C’est clair que j’attends plus de lui que de Grégory Lazitch ou Jérémy Serwy.  »

A Lokeren, Losada a marqué tous les esprits par une chevauchée fantastique. Contre Saint-Trond, il a étalé sa maestria et sa hargne durant toute la rencontre.  » Quand on voit le mouvement qu’il a réalisé à Lokeren, cela prouve toute sa classe « , résume le capitaine, Riou. Ses qualités ?  » Il a une très bonne vision du jeu et c’est un atout dans notre situation « , continue Riou.

Malgré le peu de points pris au premier tour, Losada, pourtant en prêt et donc destiné à retourner à Anderlecht à la fin de la saison, ne s’est jamais désintéressé du sort de Charleroi.  » Il a toujours montré qu’il était concerné. Je ne sais pas s’il est trop fort pour Charleroi mais pour le moment, il est là et il met toutes ses qualités au service du club « , résume Pietro Perdichizzi.

Un entraîneur qui retrouve du crédit

Le bilan le plus négatif de l’histoire de Charleroi a repris des couleurs. A force d’être de plus en plus montré du doigt, l’entraîneur hongrois commençait à perdre son sang-froid. Le 1er février, 24 heures avant sa première victoire contre le Germinal Beerschot, il avait lancé :  » Je sais qu’il y a 200.000 experts qui critiquent mes choix, mes options et ma tactique. Je réponds Fuck off « . Preuve de sa nervosité. Depuis lors, son bilan plaide en sa faveur, et surtout en celle du président Bayat qui l’a maintenu contre vents et marées.

Laszlo a retrouvé le sourire et se montre toujours aussi disponible pour expliquer ses choix.  » Les deux premières victoires nous ont stabilisés. Aujourd’hui, le team spirit est parfait et tous les joueurs se connaissent mieux. Ils passent du temps ensemble, comme le prouve le karting de la semaine dernière mis sur pied par le capitaine. Je prends l’exemple de Samuel Fabris : il venait de nulle part, il était jeune et il a progressé. Il a tout donné pour cette équipe mais il s’est blessé. A l’équipe de désormais tout donner pour lui. C’est cela la nouvelle image du Sporting.  »

Pourtant, sa tâche n’était pas aisée. Il fallait réussir en peu de temps à façonner une équipe compétitive.  » J’ai d’abord choisi mon nouveau capitaine et j’ai opté pour Riou parce qu’il parlait français, venait d’une grande équipe, Marseille, et avait du caractère. Puis, la dynamique a pris. Et c’est important de la conserver. Pour essayer de se sauver mais également par la suite si on doit disputer les barrages. « 

Reste que le Hongrois demeure dans une mission d’urgence. Sa philosophie n’a pas changé mais ce n’est pas aujourd’hui qu’il va réussir à l’appliquer.  » Je suis convaincu que c’est l’esprit d’équipe qui va nous sauver. Si vous cherchez à voir du beau football et une tactique révolutionnaire à Charleroi, vous vous êtes trompé de stade. Si on se sauve avec de l’ ugly football, pour moi, ce sera OK. Même s’il ne s’agit pas de ma philosophie. On n’est plus au début de saison. Si on était quatrième, on parlerait de beau football, mais on se bat pour ne pas descendre.  » Pour preuve, sa tactique reste prudente : un 4-4-1-1. A peine a-t-il concédé un repositionnement de Losada, plus proche de Biton depuis la défaite au Lierse.

En un mois et demi, il a réussi à créer une osmose entre ses joueurs.  » Huit semaines, c’est le délai minimum pour former une équipe « , explique Riou,  » Aujourd’hui, on dispose de plus de repères et d’automatismes « . Mais, cette forme actuelle ne peut empêcher une certaine amertume. Concernant le premier tour mais également sur les deux premiers matches de 2011.  » Nous sommes revenus en 2011 avec une équipe totalement nouvelle et dès le début, contre Malines, on a vu qu’on avait une bonne équipe « , analyse Laszlo.  » Le match au Lierse est, par contre, venu trop tôt après la trêve. Si on rejouait ce match aujourd’hui, les automatismes seraient bien meilleurs.  » Ce qui a fait réagir le président :  » Oui mais dans cette rencontre-là, l’entraîneur n’a pas osé. Une fois mené, il aurait dû mettre deux ou trois joueurs offensifs supplémentaires, quitte à encaisser un deuxième ou un troisième but. Aujourd’hui, il a plus confiance en ses joueurs. Il les connaît. « 

Charleroi carbure mais doit absolument éviter la panne d’essence. Car, à trop se focaliser sur un sauvetage direct, il risque de manquer de jus en cas de barrages.  » Si on finit à un point du sauvetage, on prendra un coup sur la tête « , prédit Riou.  » Mais on prendra conscience du chemin parcouru. On aura engrangé de la confiance et des certitudes et on attaquera les barrages avec beaucoup d’envie. « 

Dans cette optique, les discours se veulent d’ailleurs prudents.  » Il y a encore beaucoup de chemin à parcourir « , conclut Abbas Bayat.  » Mais je ne m’en fais pas. Cela fait des années qu’on n’a plus vu de mental pareil à Charleroi. « 

Et les jeunes ?

Seul hic dans cette félicité absolue : le retour des jeunes dans l’ombre. En début de saison, le club avait clamé haut et fort qu’il allait miser sur ses jeunes. Après le premier tour catastrophique et l’arrivée de 12 nouveaux joueurs, on craignait le pire pour eux. Certains ont été prêtés, d’autres sont rentrés dans le rang. Plus aucun n’apparaît dans le onze de base mais ils n’ont pas été rayés de la liste.  » On ne peut pas parler de l’échec des jeunes « , se défend Perdichizzi.  » Puisqu’ils sont toujours là ! « 

 » Ce ne sont pas les jeunes qui ont fait les frais de l’arrivée des nouveaux joueurs. Ce ne sont pas eux qui ont été forcés de partir « , ajoute le secrétaire général, Pierre-Yves Hendrickx,  » C’est la preuve qu’on n’a pas changé de vision.  »

Charleroi a opté pour la sagesse dans ce dossier. Lancer des jeunes, c’est bien. Les lancer tous en même temps, c’est périlleux. Dans le contexte actuel, cela devenait évident que le sauvetage ne serait pas assuré par la jeune garde. Il fallait donc apporter de l’expérience et confronter les jeunes à la concurrence.  » L’arrivée de nombreux étrangers expérimentés me permet d’apprendre « , reconnaît Perdichizzi.  » On ne gagnait pas et le président devait prendre une décision pour sauver le club. A partir du moment où le président décide de faire venir des joueurs d’expérience, on sait que ce n’est pas pour les mettre sur le banc. Certes, on a eu une petite frayeur, c’est humain. On se demandait si on comptait sur nous mais très vite, on a senti qu’on nous faisait confiance. A nous de travailler ! « 

L’entraîneur a montré d’emblée que malgré l’arrivée de nombreux renforts, il n’écartait personne. Fabris a reçu sa chance au poste d’arrière droit et il s’est tellement bien débrouillé qu’il a été préféré à Javier Martos, jusqu’à sa blessure. Perdichizzi est monté au jeu contre Saint-Trond et Serwy a marqué contre Zulte Waregem.

PAR STÉPHANE VANDE VELDE – PHOTOS: REPORTERS/ DUBRULE

 » Au Lierse, l’entraîneur n’a pas osé mettre plus d’attaquants. Aujourd’hui, il a davantage confiance en ses joueurs.  » (Abbas Bayat)

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