Exit le chien fou

A 30 ans, l’attaquant est plus docile et voit encore mieux le jeu qu’avant. Tout bénef pour Bruges et les Diables.

Deux buts contre Charleroi la semaine dernière, un face à Anderlecht le week-end passé : Wesley Sonck a le vent en poupe. Après une entame de saison mitigée, le citoyen de Ninove, auteur de 6 goals en 12 rencontres, carbure à une jolie moyenne… qu’il compte respecter également ce mercredi, lors du déplacement des Diables Rouges à Luxembourg. Histoire de rejoindre voire même de devancer Marc Degryse, son modèle, sur les tablettes des meilleurs marqueurs en sélection ?

Vous êtes l’un des hommes en forme du Club depuis le début de la saison. L’année passée, à la même époque, vous deviez vous contenter d’un rôle de doublure !

Wesley Sonck : J’avais signé à Bruges le 23 août et même si je m’étais maintenu en condition, je manquais de rythme. Ce retard, je ne suis jamais parvenu à le résorber totalement. Même lors du deuxième tour. Cette fois, je n’ai plus été contraint à cette course-poursuite et mes sensations sont revenues. Surtout ces dernières semaines, après avoir retrouvé l’instinct du buteur, car au départ c’est surtout Joseph Akpala qui faisait la différence. Je n’y étais sans doute pas étranger, dans la mesure où je me suis quelquefois effacé volontairement pour lui. Jadis, dans une situation similaire, je me serais probablement empressé de la jouer solo. J’étais obnubilé par l’idée de scorer mais j’ai appris à devenir plus collectif. Et ce n’est pas plus mal car cet altruisme me sert. Comme à Charleroi où un service judicieux de ma part à destination du Nigérian a finalement résulté en un coup de réparation… que j’ai converti. Face à Zulte Waregem et Courtrai, je me suis mis en tête de servir mon partenaire alors que l’occasion m’était donnée de tenter ma chance au but. A certains moments je devrais quand même me montrer plus égoïste.

Vous êtes vous assagi au fil des ans ? A Genk, on se souvient de prises de bec mémorables avec vos partenaires. A présent, on vous voit régulièrement applaudir ou lever le pouce après un service mal calibré d’un équipier… a fortiori d’Akpala.

Difficile de se fâcher sur lui car il rit tout le temps. La première chose qui frappe ce sont ses dents blanches ( il rit). Mais vous avez probablement raison : je me suis calmé avec l’âge. J’ai parfaitement compris qu’un compliment valait mieux qu’une engueulade. Avec le recul, je regrette de m’être parfois emporté. J’étais un peu un chien fou et je suis devenu plus docile.

 » Akpala n’est ni Dagano ni Dembélé « 

Votre association avec Akpala est-elle comparable à celle que vous formiez avec le Burkinabé Moumouni Dagano à Genk ?

Leurs profils ne sont pas comparables. Joseph cherche constamment la profondeur alors que Moumou, aux qualités techniques plus affirmées, servait souvent de point d’ancrage. Il était quasiment impossible de le déposséder du cuir. J’ai profité de bon nombre d’assists de sa part en plongeant à bon escient. Mais lui aussi s’engouffrait toujours à qui mieux-mieux dans les brèches que je créais : nous étions on ne peut plus complémentaires. Il avait pour lui sa couverture de balle et sa taille tandis que j’apportais vivacité et opportunisme. Même si Moumou avait indéniablement le sens du but aussi, puisqu’en 2001-02, l’année où j’avais pris 30 goals à mon compte, il en avait marqué lui-même une vingtaine. Nous étions épaulés dans le milieu du jeu par des joueurs tous capables de délivrer une bonne passe : Bernd Thijs, Koen Daerden, voire Mirsad Beslija ou Thomas Chatelle. Sans oublier le plus fort de tous, Josip Skoko. C’était une ligne médiane polyvalente où chacun était à la fois capable de défendre et d’attaquer. A Bruges, on a plutôt des créateurs excentrés et des récupérateurs au milieu, même si Ivan Leko s’apparente aussi à un habile passeur, doté d’une bonne frappe sur les phases arrêtées.

Dagano à Genk, Akpala à Bruges et Moussa Dembélé avec les Diables Rouges : la présence d’un  » Africain  » à vos côtés vous sublimerait-elle ?

Mous, c’est quand même différent : il évolue rarement sur la même ligne que moi. Il a toujours tendance à venir quémander la balle, même dans son propre camp, en lieu et place de l’attendre, comme moi. Pour remonter le cuir, il n’y a pas meilleur que lui. Il n’a pas son pareil pour déposer n’importe qui sur place. Aux entraînements de l’équipe nationale, je l’ai déjà vu se débarrasser le plus simplement du monde de rocs comme Marouane Fellaini voire Vincent Kompany. Et quelle aisance dans la conduite du ballon ainsi que dans les dribbles ! Le but qu’il a inscrit avec l’AZ contre Willem II et qui a fait le tour du monde via YouTube en est la parfaite illustration. Je ne cesse d’ailleurs de lui répéter qu’il serait plus productif encore s’il entreprenait ses actions plus près du goal adverse. Vu ses qualités, son compteur personnel devrait être nettement mieux fourni : il pourrait aisément valoir 10 à 15 buts chaque saison. Mais il doit s’en convaincre maintenant. Après, il sera trop tard.

 » Avec Vandereycken, je n’ai fait qu’avancer dans le jeu « 

Au Club, vous opérez légèrement en retrait par rapport à Akpala. En sélection, par contre, vous occupez la position la plus avancée. Une préférence ?

Non, car je parviens toujours à tirer mon épingle du jeu. Avec la Belgique, j’en suis à 22 buts en 46 matches. Avec Bruges, j’en comptabilise 5 en 12 rencontres, dans un registre différent. L’écart n’est pas bien énorme. Je ne suis d’ailleurs pas mécontent d’avoir mis les points sur les i à propos de ma prétendue meilleure place. Compte tenu de mon âge, 30 ans, certains ont dit un peu vite que je n’étais plus taillé pour un rôle en pointe. Je crois avoir prouvé en sélection, dans un contexte autrement plus difficile, que je ne détonais pas dans ce rôle. A partir du moment où on m’approvisionne en bons ballons, je suis sûr d’en mettre l’un ou l’autre au fond. Et c’est le cas en équipe nationale. Mes statistiques le prouvent : en un an, j’ai inscrit 7 goals en 9 matches. Il est vrai que les pourvoyeurs y sont légion, tant sur les flancs que dans l’axe avec Fellaini et Jan Vertonghen. Au Club, en revanche, ceux qui occupent le centre de la ligne médiane, comme Philippe Clement ou Karel Geraerts, ont des qualités défensives.

A la faveur du premier match de Vandereycken, le 1er mars 2006, à Luxembourg, vous aviez occupé une position en retrait par rapport au duo de pointe, Luigi Pieroni et Kevin Vandenbergh.

Le sélectionneur aura été le premier à songer à moi comme milieu offensif. Il voulait tenter l’essai, convaincu que j’occuperais une place en retrait dans la suite de ma carrière. Finalement, j’ai effectué le chemin inverse avec lui ( il rit). Sur le fond, je ne lui donne pas tort car le jour arrivera où je n’aurai plus le dash pour évoluer en pointe. A ce moment-là, il faudra que je recule. Mais ce n’est pas demain la veille. Au contraire, j’ai le sentiment que le meilleur est encore à venir. Je me donne encore deux ou trois ans à l’attaque avant de descendre d’un cran.

Indépendamment de vos derniers 7 buts en 9 matches, vous en avez aussi inscrit 10 en 13 matches entre juin 2002 et septembre 2003. Y a-t-il des similitudes entre ces périodes ?

Les années 2002 et 2003 auront été celles où j’ai été le plus prolifique puisque j’avais marqué respectivement 30 et 23 buts pour le Racing Genk. J’ai peut-être plus de mérite maintenant : je suis toujours aussi productif même si je suis utilisé dans un rôle différent au Club. Je constate que mon coup de patte reste décisif, indépendamment des circonstances. C’est ce qui me pousse à dire que si je suis servi judicieusement dans les 16 mètres, je serai toujours décisif. Le flair, ça ne se désapprend pas.

Vous êtes le meilleur buteur en activité chez les Diables avec 22 buts. Un total qui vous situe à 8 longueurs des recordmen belges Paul Van Himst et Bernard Voorhoof. Vous songez les détrôner ?

Ces deux-là, pour prestigieux qu’ils soient, m’interpellent un peu moins que Jan Ceulemans et Marc Degryse, qui me devancent d’une petite unité. Je me dis : – Wesley, c’est pas mal. Ceulemans, je le connais simplement de nom, mais Marc a été mon coéquipier au Germinal Beerschot et a toujours fait figure de modèle. J’ai appris énormément à ses côtés. Et il m’a toujours eu à la bonne. Le rejoindre et, qui sait, le devancer dans ce classement, me ferait quelque chose. Peut-être mercredi déjà, au Grand-Duché ( il rit) ?

 » Les Diables Rouges sont lancés pour de bon « 

Que vous inspirent ces deux années et demie passées sous Vandereycken ?

Je suis content que les événements lui aient donné raison. Au départ, beaucoup n’ont pas cerné où il voulait en venir et c’est vrai qu’il a ratissé large pendant pas mal de temps. Mais il a dégagé un groupe qui tient la route. Pas mal de gens auraient bien sûr aimé qu’il arrive à pareil résultat plus tôt. Après avoir loupé l’EURO 2004 et le Mondial 2006, ceux-là avaient hâte que la Belgique réponde présente en 2008. C’est oublier la différence fondamentale entre une formation de club et une équipe nationale. La première travaille au quotidien alors que la deuxième se rencontre 5 ou 6 fois par an. Il est beaucoup plus difficile d’arriver à une unité dans ces conditions. Mais à présent, j’ai le sentiment que nous sommes lancés pour de bon.

Vos remarques concernant les prestations de nos Olympiens à Pékin n’avaient pas plu. Plus loin dans ce numéro, Kevin Mirallas affirme que le dossier est définitivement classé mais que vos explications n’étaient pas fort convaincantes…

Honnêtement, je voulais que l’équipe olympique se distingue là-bas et ramène une médaille. Jeroen Simaeys, à qui j’ai téléphoné plusieurs fois durant son séjour en Chine, peut d’ailleurs aisément confirmer tout le bien que je pensais de l’équipe. Mais les Jeux ne sont pas comparables à une Coupe du Monde. C’est ça que j’ai voulu dire, tout simplement. Mais très loin de moi l’idée de dénigrer ou de minimiser les exploits de nos Olympiens…

par bruno govers

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