Exister à 20 ans

Il commente son vécu et la difficile période des Zèbres.

Aller à Anderlecht, c’est toujours le genre de déplacement qui excite les Carolos. Cette saison, ils avaient déjà gagné à Genk et pris un point à Sclessin. Mais samedi, ils ont connu un méchant soir sans. On a vu un gardien en rose et des petits bonhommes en vert fluo se faire balader par un Anderlecht moyen. Charleroi n’a pas mal commencé, puis il y a eu le premier but des Mauves et c’était terminé. Retour raté, donc, pour les trois anciens Mauves du Sporting noir et blanc : Cyril Théréau, Hervé Kage et Geoffrey Mujangi Bia.

Chute libre

Bilan des Zèbres lors des quatre derniers matches (Malines, Lokeren, Courtrai, Anderlecht) : un point sur 12. Un Top 6 qui s’éloigne cruellement et un avant-dernier de classe (Mouscron) qui se rapproche dangereusement à deux points.

 » Nous étions pourtant allés à Anderlecht pour faire un truc « , dit Mujangi Bia.  » Stéphane Demol nous a fait jouer en 4-3-3 et les objectifs étaient clairs : mettre la pression sur l’adversaire, le faire douter dès les premières minutes. En début de match, tout s’est passé comme nous le voulions : c’était équilibré, nous étions même les meilleurs par moments. Puis, il y a eu cette frappe de Lucas Biglia : c’était 1-0 et tout s’est écroulé. Anderlecht a pris un avantage psychologique qu’il n’a plus lâché. Nous avons tous vu que le but de l’Argentin tombait de nulle part, c’était un tir improbable. Malheureusement, il suffit d’une phase pareille pour installer le doute dans notre équipe. La situation devient difficile, il est urgent de se ressaisir très vite, sans quoi ça va être chaud. Avec tout mon respect, ce n’est pas normal de ne pas gagner contre Courtrai ou Lokeren. Ces équipes sont à notre portée, c’est clair. Mais si on leur offre des buts sur un plateau, il ne faut plus espérer grand-chose. Comme le championnat est très serré, il suffit d’une bonne série de six ou sept points sur neuf pour remonter directement de quelques places. C’est dommage de ne pas y avoir pensé quand nous avons enchaîné des matches contres des équipes qui n’avaient rien de plus que nous.  »

Un temps de jeu minimum

A Anderlecht, Mujangi Bia n’a fêté que sa deuxième titularisation cette saison.  » Le fait qu’elle soit venue contre le club qui m’a en partie formé ne m’a rien fait de spécial. Je comprends qu’un joueur comme Théréau soit particulièrement motivé quand il affronte cette équipe car il y a joué en Première. Moi, jamais. J’ai quitté Anderlecht bien longtemps avant de devenir pro. C’est un match spécial pour moi parce que c’est un des grands clubs de Belgique, mais pas parce que j’y ai joué dans le passé. D’ailleurs, je ne connais plus personne là-bas. « 

Son petit temps de jeu s’explique par une blessure au péroné qui l’a freiné pendant l’été.  » Un sale truc. Aujourd’hui, je ne suis toujours pas à 100 %. Je me sens mieux de semaine en semaine mais il me reste du chemin.  » L’homme revit, en tout cas. Il ne fait plus la tête comme après le match à Genk, quand il avait été cynique dans ses réactions, suite à son but.  » J’ai dit que j’avais l’impression de ne plus exister. Normal : l’équipe tournait et plus personne ne parlait de moi. Même quand on évoquait les absents, on ne citait pas mon nom. Comme si j’avais complètement disparu. Je l’ai mal vécu. Je n’ai pas manifesté ma joie après ce but important : c’était ma façon de dire : -Du calme, on ne s’emballe pas, la victoire est simplement signée par un gars qui n’existait plus.  »

Théréau joue la tête du classement des buteurs. Joli, mais au niveau des satisfactions individuelles à Charleroi, c’est à peu près tout. Aucun autre joueur ne casse vraiment la baraque sur la durée depuis le début de la saison.

 » C’est clair que Théréau est l’unique éclaircie « , avoue Mujangi Bia.  » Beaucoup de joueurs enchaînent les hauts et les bas. On ressent fort le départ de plusieurs valeurs sûres pendant l’été, de leaders qui tiraient l’équipe quand elle souffrait. Il y a encore Badou Kéré et Majid Oulmers, des gars expérimentés qui prennent leurs responsabilités. Sébastien Chabbert le fait aussi et il pouvait se permettre d’entrer dans la peau d’un meneur car il a un gros vécu en France. Mais tous les jeunes hésitent. Devenir responsable d’un groupe n’est pas facile, ça ne s’apprend pas du jour au lendemain. Je me sens capable de le faire mais il faudra d’abord que je sois plus régulier, dans mes apparitions et dans mes prestations. En attendant, heureusement que nous avons un duo fort pour donner le rythme : Demol et Michel De Wolf ont la particularité de ne pas y aller par quatre chemins. Ils disent toujours les choses en face, même quand ça ne plaît pas. Quand ils parlent, tout le monde se tait.  »

Les Espoirs pour respirer

Geoffrey a brièvement goûté aux Diables Rouges en début d’été, quand les forfaits se sont multipliés à l’approche de la Kirin Cup.  » Je n’ai pas compris toutes ces défections. Je ne vois pas cela en France, en Espagne ou dans les autres grands pays de foot. J’étais évidemment conscient que je devais ma convocation à tous ces joueurs qui ont refusé d’aller au Japon. Il y en a qui auraient mal pris d’être considérés comme une roue de secours. Moi, j’ai mordu dans ce fruit à pleines dents. J’ai appris énormément en quelques entraînements : au niveau du positionnement, des déplacements sur le terrain, de la rapidité d’exécution, etc. Et j’ai eu la confirmation que je pouvais être plus fort à partir du moment où j’étais entouré de meilleurs joueurs. « 

Il a entre-temps été rétrogradé au rang d’Espoir et il vient de disputer les deux gros matches contre l’Ukraine et la France. Bilan : deux points.  » Contre nos adversaires directs dans la course à la qualification pour l’EURO. Le nul en Ukraine me laisse sur ma faim parce que nous avions tout en mains pour gagner. Nous menons 0-1, la fin du match approche mais les Ukrainiens finissent par égaliser. Avec un peu plus de réalisme, nous aurions fait la toute bonne opération là-bas. Contre la France, par contre, nous ne pouvions rien viser de plus que le nul. Les Français ont dominé la soirée, nous ne les avons pas beaucoup mis en difficulté. Techniquement, c’était du costaud. J’espère rester dans l’équipe qui vise la qualification pour l’EURO mais j’ai aussi un autre rêve : retrouver les Diables Rouges. Dick Advocaat s’est rendu compte en Estonie qu’il y avait encore pas mal de choses à changer et il a dit qu’il était prêt à prendre des nouveaux joueurs. Pourquoi pas moi si je crève l’écran avec Charleroi ? »

Mujangi Bia n’a pas connu le même dilemme que Mehdi Carcela. Lui aussi était tiraillé entre deux pays : le Congo et la Belgique. Mais son choix fut vite fait.  » Le Congo m’a appelé il y a un peu plus d’un an mais j’ai directement refusé. Déjà, je n’avais pas la tête à ça : c’était une période où j’envisageais de quitter Charleroi et on parlait beaucoup de moi sur le marché des transferts. Je n’avais pas envie de me disperser encore plus avec un match en équipe du Congo. Je n’étais pas du tout motivé. Dès que j’ai reçu la lettre, je l’ai classée sans suite. Et de toute façon, je ne me sens pas congolais : je suis né à Bruxelles et je n’ai jamais mis un pied dans ce pays. Ce serait différent si j’avais des souvenirs là-bas. Le seul lien que j’ai avec le Congo, c’est une partie de ma famille qui y est restée. La situation de Carcela est tout à fait différente. Il m’a déjà souvent parlé du Maroc, il adore y aller. Je ne suis donc pas étonné qu’il ait traîné avant de dire qu’il privilégiait les Diables Rouges.  »

Et ces envies de départ ?

On a beaucoup parlé d’un départ de Mujangi Bia pendant les étés 2008 (Valenciennes proposa 3,5 millions) et 2009. Il est toujours à Charleroi : pourquoi ?

 » C’est clair que je me voyais ailleurs. Avant le début de cette saison, surtout, je voulais vraiment m’en aller. Je ressentais une terrible frustration. J’avais l’impression d’avoir toujours fait ce que John Collins me demandait de faire quand je montais au jeu, mais ça n’a jamais suffi pour le convaincre. Quand je lui posais des questions, il tournait autour du pot. Déjà, il me considérait comme attaquant alors que je me vois comme médian. Il me faisait jouer devant, ok, je faisais des bonnes choses, mais après les matches, il me reprochait de ne pas avoir travaillé défensivement. Je ne comprenais plus rien. J’avais l’impression de ne plus avancer à Charleroi, de perdre mon temps. Et donc, j’ai dit clairement que je voulais partir. Avec le recul, je me rends compte que j’ai dit des conneries à l’époque. J’ai par exemple déclaré que je n’avais plus rien à apprendre ici : j’allais un peu vite en besogne, c’est vrai. (Il rigole). Entre-temps, tout s’est arrangé. Mes ambitions ne s’arrêtent pas à Charleroi mais je suis moins pressé. Peut-être qu’à l’avenir, je dirai encore que j’ai fait le tour de la question dans ce club, mais ce ne sera que le jour où je serai décisif dans la plupart des matches. J’en suis encore loin !  »

par pierre danvoye – photos: reporters

Avec Collins, je ne comprenais plus rien.

Je ne comprends pas tous les joueurs qui snobent les matches amicaux de l’équipe nationale.

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