EUROVISION

Au Festival de Montreux, le nouvel orchestre belge a découvert les partitions de ses prochains concerts.

 » JE SUIS OPTIMISTE : NOS CHANCES DE QUALIFICATION SONT RÉELLES  » (RENÉ VANDEREYCKEN)

 » DES NOUVELLES DE NENAD JESTROVIC ? BIEN SÛR, IL VA BIEN  » (ILIJA PETKOVIC)

L’UEFA ne pouvait pas rêver d’un moment plus prestigieux afin d’ouvrir le grand concert de l’EURO 2008 : le 27 janvier, il y avait exactement 250 ans que naissait, à Salzbourg, en Autriche, le Ronaldinho de la musique, Wolfgang Amadeus Mozart. Ce prodige devait être un attaquant car il vit le jour au numéro 9 de la Getreidegasse, au troisième étage de la maison d’un riche marchand. Il y avait donc de la musique dans l’air à Montreux où 50 pays avaient leur carnet de bal (balles) sous le bras. Même si les regards sont tournés vers la Star Ac’ du Mondial allemand, où la Belgique brillera par son absence, l’EURO est devenu un immense événement.

Un milliard de téléspectateurs ont suivi la loterie de Montreux sur les petits écrans lumineux. On imagine difficilement à quel point l’EURO a changé. En 1972, la phase finale s’était déroulée en Belgique en présence de quatre pays seulement : l’Allemagne, la défunte Union soviétique, la Hongrie et les Diables Rouges. Ce fut un succès populaire qui n’a cependant rien de commun avec les fêtes actuelles. Au Portugal, en 2004, la dimension fut exceptionnelle avec non moins de… 28.000 heures de retransmissions télévisées et, à la clef, 8 milliards de téléspectateurs répartis principalement en Europe, c’est logique, mais aussi dans le monde entier. C’est tout simplement impressionnant. Cela fait même rêver les organisateurs du Super Bowl américain.

Comme le disent les organisateurs, la Suisse et l’Autriche n’ont jamais connu d’événement sportif d’une telle importance. En 2004, l’EURO avait acquis, dans nombre de pays européens, des parts de marché supérieures aux… Jeux Olympiques. La progression était de l’ordre de 20 % par rapport à l’EURO 2000. Où s’arrêtera cette courbe ascendante ? Elle intéresse les télés belges. Pour le moment, RTL-TVI et VTM détiennent les droits pour l’équipe nationale et la Coupe de Belgique. Ce contrat s’achève en juin prochain. Le couple actuel a l’intention de prolonger cette union. La RTBF rêve de se glisser dans ce lit mais a-t-elle les moyens de réaliser ce phantasme ? RTL-TVI consacre quand même 3 millions d’euros par an à l’Union Belge. Et du côté de l’Avenue Ariane, tout comme dans le giron de VTM, on a les moyens de faire un petit effort afin de garder les Diables Rouges.

Qui aux côtés de René Vandereycken ?

Pour le moment, Belgacom TV garde une position d’attente. Cette chaîne ne peut pas répondre à tous les points du cahier des charges : couvrir 90 % du territoire, retransmettre en clair, etc. Mais, prudente, Belgacom TV doit certainement préparer des plans comme ce fut le cas pour la retransmission, le dimanche à 18 heures, d’un match de D1 sur la RTBF et la VRT : c’est un succès sur toute la ligne. Cet accord ne court que sur an et demi. Après, il serait logique que Belgacom TV reprenne le contrôle de tous les directs de la D1. Mais, vu la réussite de la formule, la nouvelle chaîne ne pourrait-elle pas s’emparer de l’équipe nationale et en diffuser les matches via la RTBF et la VRT ? Ce serait en quelque sorte une tribune ayant forcément des liens avec la D1. A l’ Union Belge, cette donne serait la bienvenue car elle pimenterait la surenchère. On n’y est pas encore. Mais tout cela donne une idée de l’importance des équipes nationales. En 2008, le chiffre d’affaires s’élèvera à 351 millions d’euros en Suisse. L’Autriche créera plus de 8.500 emplois pour cet événement, etc.

La presse suit tout cela avec attention et, côté belge, elle était bien représentée à Montreux. La délégation de l’Union Belge avait de l’allure avec Jan Peeters, Jean-Paul Houben, Michel Sablon, Michel Preud’homme, René Vandereycken et Jean-François de Sart. Pour Michel Preud’homme, président de la Commission technique, donc patron des Diables Rouges, et René Vandereycken, nouveau coach fédéral, c’était une première mais pas un saut dans l’inconnu. En tant que joueurs, ils se sont intéressés à pas mal de tirages au sort. De plus, Michel Preud’homme a assisté à ce genre d’événements en tant que dirigeant pour le compte de Benfica et du Standard.

La veille du tirage au sort de Montreux, les journalistes attendaient ce duo à l’aéroport de Genève. Leur calme sautait aux yeux. Ils ont pas mal de dossiers sur le feu et le choix du staff technique de René Vandereycken n’est pas le moindre. En principe, la décision tombera lors de la réunion de la Commission technique de la mi-février. Il serait étonnant qu’ Eddy Snelders et Jacky Munaron prennent place sur le banc lors du premier match amical de l’ère Vandereycken, le 1er mars au Grand-Duché de Luxembourg. La rumeur a déjà cité un nom pour le poste d’adjoint : Jean-François de Sart. Le Liégeois est heureux et très à l’aise dans son rôle de coach des Espoirs. Pour le moment, cela convient parfaitement au citoyen de Fexhe-le-Haut Clocher. D’autres pistes mèneraient vers un adjoint actuellement en place en D1. Pour le moment, cela ne l’intéresse pas et son intention est de rester au service de son club. René Vandereycken avait déjà songé à cet ancien coéquipier quand il s’empara du gouvernail au Racing de Genk.

Ce tirage est-il une catastrophe financière ?

Il y aura une solution avant le 1er mars. On n’imagine pas que René Vandereycken puisse se rendre au Grand-Duché avec le staff de son amiAimé Anthuenis même si le contrat d’Eddy Snelders et de Jacky Munaron ne se terminera qu’en fin de saison. Après la première rencontre avec la presse, la délégation prit ses quartiers dans cette belle ville de Montreux lovée sur les rives du Lac Léman comme un amant l’est dans les bras de sa maîtresse. Qu’allait donc nous réserver ce magnifique endroit ? Le tirage au sort nous précipiterait-il vers la France, les Pays-Bas, la Grèce ou l’Angleterre ? Les caméras se braquèrent vers les entraîneurs les plus connus. René Vandereycken croisa de vieilles connaissances avant le grand moment :  » Oui, j’ai notamment revu Claudio Gentile. En 1977-1978, avec Bruges, en demi-finale de la Coupe d’Europe des Clubs Champions, j’avais marqué un but contre la Juventus de Gentile « . René n’aura pas lancé cela par hasard. Cette année-là, Bruges se présenta en finale de la CE 1 face à Liverpool. A Londres, Vandereycken et ses camarades ne furent battus que 1-0, but de Kenny Dalglish. Le coach fédéral entendait prouver que rien n’est impossible sur un terrain de football. Il serra aussi la main de Roy Hodgson, le coach de la Finlande, qui fut l’invité de la première session de la Pro License (cours pour les entraîneurs) organisée par l’Union Belge.

Le vin fut rapidement tiré à Montreux : il ne reste plus qu’à le boire avant de dire si le cru 2008 sera excellent ou aura le goût de piquette du Château Anthuenis. Le sort nous a réservé le Portugal, la Pologne, la Serbie & Monténégro, la Finlande, l’Arménie, l’Azerbaïdjan et le Kazakhstan. Le Groupe A est le seul comptant huit candidats à la qualification. Les six autres poules départageront chacune sept équipes nationales. Les deux premiers de chaque mini-championnat rejoindront la Suisse et l’Autriche en phase finale de l’EURO 2008. La Belgique n’a pas à se plaindre. Elle a échappé aux cadors du Vieux Continent. Mais il faudra se méfier car ce sentiment apaisant sévissait aussi dans le camp belge après le tirage au sort de la Coupe du Monde 2006 : on connaît la suite. Jan Peeters, le président de l’Union Belge, faisait grise mine : aucun de nos futurs adversaires ne fait recette même si le Portugal, finaliste de l’EURO 2004, a retrouvé sa superbe d’antan.  » Si on ne s’intéresse qu’à l’aspect financier, c’est une catastrophe « , a avancé Jan Peeters. L’EURO 2008, ce sera l’Eurovision, pas la loterie Euro Millions.

L’agencement des matches sera fixé à Bruxelles

Michel Preud’homme a marqué des points en Suisse. Il a utilisé son charisme et son prestige d’ancien meilleur gardien de but du monde afin que les discussions pour fixer le calendrier du Groupe A se déroulent à Bruxelles.  » Les distances qui séparent les différents pays de notre groupe sont considérables « , avance-t-il.  » Dès lors, il s’est vite avéré que Bruxelles, la capitale de l’Union Européenne, occupait une position centrale. Tout le monde viendra chez nous le 10 février. C’est plus facile « . Chacun aura ses priorités, ses plans, ses préférences. Connaissant René Vandereycken, il cherchera à entamer cette campagne sur nos terres, face à un petit du groupe. Dans le temps, les Belges brillaient régulièrement dans ce genre de négociations. Tout se concluait souvent devant une bonne table au Cygne, prestigieux restaurant de la Grand Place de Bruxelles. Il y a des recettes du passé qui ont du bon.

 » Je suis optimiste « , certifiait René Vandereycken.  » C’est un groupe ouvert, chacun a des atouts. Nos chances de qualification sont réelles. Les styles de nos opposants sont très différents. Le Portugal peut s’adjuger le titre de favori. Ce pays a été finaliste de l’épreuve en 2004 et on connaît toutes les richesses techniques de son football. Michel Preud’homme en connaît un bon bout sur la question grâce entre autres à ses exploits à Benfica. En général, c’est un adversaire qui nous convient bien. La Pologne a un jeu organisé, sérieux, athlétique. Mais, bon, c’est un excellent tirage car à la place de la Pologne, nous aurions pu nous mesurer à d’autres gros morceaux. Je regrette un peu la présence de la Serbie & Monténégro dans notre groupe. Ce pays avait, d’après moi, sa place dans le chapeau 2 du tirage au sort et compte beaucoup de joueurs de très haut vol. Nous aurons l’occasion de suivre le Portugal, la Pologne et la Serbie & Monténégro lors de la phase finale de la Coupe du Monde. Cette collecte de renseignements sera intéressante mais nous savons aussi que les choses changent vite après de tels rendez-vous. Des sélections remplacent leur coach national, procèdent à un rajeunissement des cadres, etc. En ce qui concerne la Finlande, la collecte de renseignements ne devrait pas poser trop de problèmes mais il en sera autrement, je suppose, pour les pays de l’ancienne Union Soviétique. Durant mes humanités, la géographie n’était pas mon point fort « .

Attention à l’Azerbaïdjan

René Vandereycken sourit mais est dubitatif à propos de l’Arménie, de l’Azerbaïdjan et du Kazakhstan qui, il y a quelques années, faisait encore partie de la confédération asiatique. Par quel miracle politique Alma Alta, située à 10.680 kilomètres de Bruxelles, aux portes de la Chine, a-t-elle obtenu un statut européen ? Est-ce dû au fait que cet immense pays faisait partie de l’ancien empire russe ? Ses sous-sols contiennent-ils des richesses qui intéressent l’Europe ? Si la géopolitique permet de comprendre le monde moderne, la football politique a désormais de plus en plus de poids. En prenant part à des grands tournois de football, la Kazakhstan indique ses préférences européennes. De son côté, l’UEFA étend son influence, atteint d’autres publics, de nouveaux marchés pour les télés, etc.

Anderlecht s’était rendu à Bakou, en Azerbaïdjan, sur la route de la Ligue des Champions. Une guerre larvée y oppose l’Azerbaïdjan et l’Arménie pour le contrôle du Nagornyï-Karabakh, une région du Petit Caucase. Le Nagornyï-Karabakh appartient à l’Azerbaïdjan mais une partie de ses habitants en réclame le rattachement à l’Arménie. On imagine facilement que les matches entre ces deux pays seront très spéciaux. Le football les rapprochera-t-il sur le chemin de l’entente ? Football et business, football et politique, disions-nous… La tentation est grande de grouper les déplacements vers des régions aussi lointaines. René Vandereycken n’y est pas favorable. Le coach fédéral se souvient des conséquences de la désastreuse expédition en Grèce et en Albanie le 19 décembre et le 22 décembre 1984. La Belgique arracha le nul à Athènes (0-0) avant de sombrer à Tirana : 2-0. Ce furent des moments éprouvants.

 » Ces deux matches ont suivi de près une lourde défaite d’Anderlecht au Real Madrid « , égrène René Vandereycken.  » Je m’étais blessé en Espagne. Un match n’est pas l’autre. Il faut tenir compte de tout : réalités du classement, saison où les voyages se déroulent (été ou hiver), décalages horaires. Les réalités sont forcément différentes d’un match à l’autre et on ne peut pas nécessairement les enchaîner « . A propos de l’Azerbaïdjan, René Vandereycken aura certainement noté la remarque d’ Ilija Petkovic, l’amusant sélectionneur de la Serbie & Monténégro :  » Ce pays nous a bloqués sur la route du dernier EURO. Nous avons pris un point sur six et, à la fin du compte, cela nous coûta la qualification. Je suis heureux de retrouver la Belgique. J’en garde de bons souvenirs. Nous nous sommes bien amusés. Ce sera un groupe très difficile. Avec 14 matches au programme, tout le monde aura du pain sur la planche. Ce groupe est un marathon. La qualité sera présente avec, notamment, trois pays qualifiés pour la prochaine Coupe du Monde. Ce n’est pas rien. Je ne sais pas si je serai encore en place. Est-ce que je serai encore vivant ? Je n’ai pas de contrat, ce n’est pas nécessaire. Des nouvelles de Nenad Jestrovic ? Bien sûr, nous le suivons avec attention : il va bien « .

Une nouvelle parabole pour René Vandereycken ?

Felipe Scolari, le coach du Portugal, était moins speedé qu’Ilija Petkovic :  » Il est trop tôt pour étudier nos adversaires. Les forces me semblent équilibrées et le plus difficile sera d’organiser les voyages vers les pays lointains de ce groupe. Ce ne sera pas rien « . Roy Hodgson, le coach de la Finlande, abondait dans ce sens :  » J’entretiens de réels espoirs de qualification même si je sais que ce sera long et très difficile « . La Finlande a raté le rendez-vous allemand, comme la Belgique. Pavel Janas, le sélectionneur polonais, était prudent :  » Je ne sous-estime personne. Ce sera difficile pour tout le monde « . L’Arménie est coachée par Henk Wisman et l’Azerbaïdjan par Shakhin Dinijev. Si les vedettes, les problèmes et les atouts du Portugal ( Figo, Pauleta, Cristiano Ronaldo, bientôt une relève de la garde et peu de chances de retrouver Conceiçao), de la Serbie & Monténégro ( Stankovic, Kezman, Djordjevic), de la Pologne ( Smolarek, Bak, les frères Zewlakow), de la Finlande ( Tihinen, Litmanen qui devrait se retirer bientôt) sont connus, cela se corse pour l’Arménie, l’Azerbaïdjan et le Kazakhstan.

Il ne reste plus qu’une solution à René Vandereycken avant de collectionner les visas : commander une nouvelle parabole afin de suivre les championnats de ces pays. Il a souri en notant cette idée avant de dire :  » Tiens, c’est une bonne idée « . Pour lui, l’EURO 2008 a d’ores et déjà commencé.

PIERRE BILIC

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