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Europa League: quand Malines se les gelait à Minsk

Jacques Sys
Jacques Sys Jacques Sys, rédacteur en chef de Sport/Foot Magazine.

Jeudi, le Club Bruges a joué à Kiev dans un froid glacial. Le genre d’aventure déjà vécue naguère par le FC Malines.

Dans le passé, jouer dans le Bloc de l’Est était beaucoup plus pénible qu’actuellement. Le FC Malines, qui en a fait l’expérience durant la saison 1987-1988, peut en témoigner. Sur sa route vers le succès en Coupe des vainqueurs de Coupes, c’est le Dynamo Minsk qui se dresse face à lui en quarts de finale. Le Malinwa remporte le match aller 1-0, sur un but de Pascal De Wilde, à quatre minutes du coup de sifflet final.

La Biélorussie est ensevelie sous un manteau de neige quand Malines y atterrit, en mars 1988, pour le match retour. Le mercure affiche – 15°. Les Malinois comprennent que ce ne sera pas un voyage d’agrément dès leur arrivée à l’aéroport. Passeports et visas sont contrôlés avec une lenteur extrême et la douane inspecte minutieusement les 745 kilos de nourriture (dont 300 litres de boissons) acheminés depuis un restaurant de Hemiksem. Des fonctionnaires zélés coupent même des oranges, afin d’en contrôler le contenu. Le manager Paul Courant, d’un naturel serein, monte dans les tours quand les douaniers, engoncés dans leurs principes, font mine d’ouvrir une boîte de pralines censée être un cadeau. C’est le début d’un voyage étrange, durant lequel tout le monde oscillera entre doute et agitation. Il n’en allait jamais autrement dans ce genre de ville, traumatisée par ses souvenirs de guerre. Minsk avait été dévastée pendant la Seconde Guerre mondiale et s’était reconstruite avec beaucoup de difficultés.

Quelques heures après leur atterrissage, les joueurs de Malines sont stupéfaits en découvrant les installations du Dynamo Minsk. Le terrain est recouvert d’une épaisse couche de glace. Certains cèdent même à la panique, mais c’est dans ce genre de moments qu’on prend la mesure de l’impact de l’entraîneur sur son groupe. Aad de Mos, puisque c’est de lui qu’il s’agit, se tracasse également quant à la qualité du terrain et craint qu’il ne se transforme en patinoire. Pourtant, le Néerlandais reste d’un calme olympien et rassure ses hommes le soir venu. La sérénité qu’il dégage est contagieuse. Jamais il ne donne l’impression de paniquer ne serait-ce qu’un instant. Son langage plein d’assurance semble exclure tout faux-pas. C’est une des qualités majeures de ce coach, certainement envahi par le stress avant le match, mais qui ne le montre jamais.

Le matin suivant, l’équipe s’attelle à une deuxième reconnaissance et s’entraîne sur le terrain dur et verglacé. De Mos pousse un soupir, mais plus tard, durant la conférence de presse accordée dans un hôtel un peu old school, il rappelle que Malines a déjà disputé d’excellents matches sur des pelouses similaires. Il n’y a donc pas lieu de se faire du souci.

Sans surprise, il règne un froid polaire à Minsk au coup d’envoi de la partie, le 16 mars, à cinq jours du printemps. Les nuages annoncent de fortes chutes de neige, la tempête menace et le stade du Dynamo offre des images surréalistes. Les joueurs s’échauffent prudemment sur le terrain glacé pendant que les machines tentent de le rendre le plus praticable possible. Aucun arbitre n’autoriserait la tenue de ce match en Belgique, mais l’arbitre danois Sörensen et le délégué de l’UEFA sont d’un autre avis.

Dès le coup d’envoi, le FC Malines est très concentré. Sa muraille défensive, brillante, ne montre pas le moindre signe de faiblesse. À la demi-heure, l’Israélien Eli Ohana, un joueur trop souvent irrégulier, fonce seul vers le but et ouvre la marque. Malines connaît un moment de flottement après l’égalisation, mais signe néanmoins une nouvelle performance de grande qualité.

Et Aad de Mos? À l’issue de la rencontre, il parle de la victoire comme si elle avait coulé de source. Il analyse tranquillement le match, déclarant que ses joueurs sont satisfaits, sans sombrer dans l’euphorie. Dans ce Minsk envahi par un froid sibérien, Malines regorge d’assurance. Il le prouvera deux mois plus tard à Strasbourg, en enlevant le trophée au détriment de l’Ajax. À ce moment-là, l’épisode biélorusse n’est déjà plus qu’un lointain souvenir.

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