Euro-vision

Pierre Bilic

Daniel Van Buyten a assisté à la visite des Buffalos à Sclessin en pensant à la Coupe de l’UEFA qui se rapproche.

L’acteur le plus spectaculaire de Standard-Gand ne fut autre que le public de Sclessin redevenu cet enfer d’autrefois où les tribunes crachaient de l’ambition en fusion. Ces hauts fourneaux ont toujours donné une autre dimension aux Rouches. L’usine est relancée et la Meuse a longuement frémi à 21h45, au moment du coup de sifflet final. Explosion de joie : Sclessin va probablement redevenir un port européen. Il ne reste plus que deux matches au programme. Le GBA navigue à cinq points, La Gantoise a un point de plus dans la vue. Rien n’est mathématiquement fait et les gars de Michel Preud’homme doivent prendre deux unités sur six pour se mettre à l’abri d’un ultime coup de rein des gars du Kiel.

Daniel Van Buyten était ému au moment du coup d’envoi. Sans ce maudit pied cassé, il aurait pris part à la fête. Toujours ausssi superstitieux, Michel Preud’homme lui avait demandé de vivre le match avec le groupe et Big Dan installa ses béquilles près du petit banc : « J’aurais voulu être sur le terrain avec mes copains. Sur la touche, c’est très dur mais je dois être patient. Je serai déplâtré dans trois semaines. Je rate la fin de saison mais le principal, c’est bien sûr l’Europe. L’enjeu était immense contre Gand ».

Les deux clubs avaient leurs problèmes à résoudre. La Gantoise devait se passer d’ Ahmed Hossam, de Nasredine Kraouche et de Gaby Mudingayi, tous trois retenus pour les besoins de leur équipe nationale. Le Standard avait sa collection de gros soucis avec des blessés (Daniel Van Buyten, Ivica Dragutinovic) et des suspendus ( Laurent Wuillot, Harald Meyssen) sans oublier que Joseph Yobo était retenu par l’équipe nationale du Nigéria.

« Il me semble que le Standard était nettement plus déforcé que Gand », affirme la tour de Sclessin. Michel Preud’homme a bien négocié ses grands chocs cette saison. A Bruges, il avait surpris en plaçant Michaël Goossens sur le flanc gauche. A Anderlecht, le Standard s’exprima en misant via un gros pressing et surtout des contres rapides. La découverte des compositions révéla que l’entraîneur liégeois préparait un vrai coup de Jarnac. Sa botte secrète, c’était surtout la présence de Robert Prosinecki et de Michaël Goossens sur le banc des réservistes. Un peu étonnant? Ou carrément surprenant? Un peu des deux. Il faut savoir que le Standard alignait une ligne arrière tout à fait inédite avec de droite à gauche : David Brocken, Petr Vlcek, Liviu Ciobotariu et Tibor Selymes. Alors, il est probable que Michel Preud’homme chercha à ne pas laisser Didier Ernst seul devant un quatuor défensif qui allait peut-être chercher ses marques. Le petit Georges Blay parcourt plus de kilomètres que Robert Prosinecki.

La gestion du groupe a été intéressante au niveau de la ligne médiane et en défense. Michel Preud’homme avait surtout varié les coups à l’attaque jusqu’à présent, mais sa philosophie de groupe est désormais visible dans tous les secteurs même si l’option choisie contre Gand, gagnante à l’heure des comptes, eut pour effet de révéler des carences à la construction. Didier Ernst et George Blay ne sont pas des penseurs, ce sont des porteurs d’eau, des lieutenants et les Buffalos firent, par moments, étalage de bien plus de richesse technique que leur adversaire. L’ambition du Standard de Michel Preud’homme était d’atteindre au plus vite Ivica Mornar et le Viking, Ole-Martin Aarst. Globalement, le Standard est et reste une équipe de contres.

« Il y a eu l’une ou l’autre petite hésitation mais j’ai très vite été rassuré par notre division défensive », raconte Daniel Van Buyten. « Il ne faut pas oublier que ce sont quatre joueurs de qualité avec beaucoup d’expérience sur le plan international. Ils connaissent leur métier et en ont vu d’autres. David Brocken a une remarquable lecture du jeu. Il le prouve régulièrement. A gauche, Selymes est un vieux roublard. Quand on a un tel passé, on ne panique jamais. Tybor, c’est du solide. Le problème était un peu plus délicat au centre de la défense. Petr Vlcek a été international en Tchéquie. Liviu Ciobotariu est régulièrement repris dans l’équipe réprésentative de son pays. Mais dans l’axe, il y a des tas de petits mécanismes de couverture, des coulissements, des décrochages, de la présence dans les airs, etc. Je suppose que tout cela a été préparé avec attention en semaine. S’il y avait un léger doute, par manque d’automatismes, il fut en tout cas vite effacé. Liviu et Petr ont été très à l’aise de la première à la dernière minute de jeu. A cette époque de la saison, c’est finalement le banc du Standard qui fait la différence. Il faut un groupe étoffé pour réaliser ses ambitions en championat. On n’y arrive plus à douze car le football est de plus en plus exigeant. Il faut sans cesse tenir compte des absents, que ce soient des blessés ou des suspendus. Sans ce groupe élargi, je me demande comment Michel Preud’homme s’y serait pris pour coucher une équipe sur papier ».

L’entrejeu éprouva parfois de la peine à poser un peu son jeu. « Après le passage de la demi-heure de jeu, je me suis soudain inquiété », note Daniel Van Buyten. « J’ai même eu un peu peur car cela ne rentrait pas. Gand était plus souvent à la manoeuvre que nous. Le volume de jeu des Buffalos était alors un peu plus net que le nôtre. Il n’en aurait évidement pas été ainsi si Ali Lukunku avait eu un peu de chance lors de ses coups de canon en début de match. La Gantoise a laissé passer l’orage et prouva ensuite qu’elle méritait de lutter pour l’Europe. Je ne crois pas que Gand nous aurait posé plus de problèmes avec Kraouche et Hossam. Si nous avons un peu souffert à la demi-heure, il faut aussi en chercher la raison dans notre surconcentration. Il y avait l’importance de ce débat menant à l’Europe mais aussi notre évidente nervosité à domicile. Avant de nous mesurer à Gand, nous avions perdu 14 points sur les 45 mis en jeu chez nous. Deux de plus que Bruges et surtout dix de plus qu’Anderlecht. A mon avis, c’est trop et cela joue un peu dans les têtes. Le public a bien compris qu’il devait être derrière nous et il a totalement assumé son rôle de douzième homme lors des quelques moments de doute ».

Big Dan n’a évidemment pas assisté aux réglages tactiques de Michel Preud’homme au repos. Tout le monde s’attendait à la montée au jeu de Robert Prosinecki ou de Michaël Goossens pour aider l’entrejeu à la construction. Le coach liégeois les maintint sur le banc.

« Un entraîneur vit avec son groupe durant toute la semaine », dit Daniel Van Buyten. « Il radiographie tout et connaît l’état de forme de tout le monde. Qui a levé le pied? Qui a été légèrement souffrant? Qui peut résoudre un problème d’équilibre sur le terrain? Le Standard trouve désormais des réponses à tout cela alors que ce n’était pas le cas en début de saison. Si le championnat commençait maintenant, nous serions dans le sillage d’Anderlecht et de Bruges. Au repos, le coach est toujours très précis. Tout ce qu’il dit est immédiatement compréhensible. C’est simple. Si on ne comprend pas, je crois qu’il vaut mieux arrêter le football. En gardant Mika et Robert près de lui, Preud’homme a peut-être voulu impressionner l’autre banc. Quand on attend avant de lancer deux atouts de cette qualité sur la pelouse malgré de nombreuses absences, cela veut dire que le degré de confiance est très grand. En semaine, Michel Preud’homme avait dit plusieurs fois que la défense ne prendrait pas de but. Ce discours fut complété par plusieurs petites touches tactiques. Pour le coach, le Standard gagnerait s’il parvenait à ouvrir la marque : c’est ce qui s’est passé ».

Il y a une leçon à tirer de l’unique but du match. Il résulta d’un mouvement sur l’aile gauche. Vinicius lança l’excellent Ivica Mornar en profondeur. Débordement du divin chauve sur la gauche, bon centre et but signé par Ole-Martin Aarst: 1-0, résultat final. On repasse au ralenti. Evasion sur l’aile, la vérité norvégienne à la percussion. Le Standard n’a-t-il pas souvent joué contre-nature cette saison? Les rôles d’Ivica Mornar et de son drakkar ont-ils toujours été définis avec attention? Pas évident car ils se sont parfois marché sur les pieds. Or, c’est clair : Aarst est un finisseur et Mornar un remarquable ailier de débordement. Il reste à se pencher sur l’aile droite. Ali Lukunku y réussit souvent de bons matches mais il reste malgré tout un puncheur et pas encore un vrai centreur. Le Standard pratique un système hybride entre le 4-4-2 et le 4-3-3. Pour que Aarst redevienne un grand renard des rectangles, il faudra accentuer les mécanismes d’un bon 4-3-3.

« C’est en tout cas via un tel système qu’Ole-Martin Aarst avait cassé la baraque à La Gantoise », rappelle Daniel Van Byten. « Il était sans cesse fourni en ballons de finition par les ailes ».

Une leçon à retenir. A 1-0, le coach de Sclessin prouva qu’il était déjà un fin stratège qui tire un grand profit des événements du match et des atouts de son groupe. Il sait que son effectif n’est pas capable de dompter un match durant une heure et demi. La preuve en fut donnée contre le Lierse et surtout à Genk où le Standard mena 0-2 après cinq minutes de jeu. Cette fois, Preud’hommme a fait monter Robert Prosinecki à un quart d’heure de la fin. Robert prit la place de Vinicius et Blay fut décalé sur la gauche. Le jeu des Liégeois fut nettement plus fluide. Prosinecki distilla d’autant plus facilement ses assists que Gand était fatiqué et touché au moral par le but d’Aarst. George Blay et Ali Lukunku eurent l’occasion de doubler la marque. Michaël Goossens ajouta un peu de mordant à cinq minutes de la fin mais Preud’homme étonna une fois de plus en faisant descendre Mornar plutôt que Lukunku.

« Sur l’ensemble du match, je ne crois pas que le succès du Standard puisse se discuter », affirme Daniel Van Buyten. « Nous avons eu le plus d’occasions de but et cela a finalement fait la différence. Il n’en reste pas moins que la messe n’est pas encore dite. Nous devons ajouter la cerise sur le gâteau de la saison. L’Europe ne peut plus nous échapper mais je ne veux pas vendre la peau de l’ours… »

Même si la Coupe Intertoto est bel et bien une épreuve européenne à part entière, la Coupe de l’UEFA et la Ligue des Champions ont un autre impact. Il y six ans que les Rouches n’ont plus pris part à une grande coupe d’Europe. Cela date de l’époque de Robert Waseige. Le 26 septembre 1995, les Rouches quittèrent la Coupe de l’UEFA chez eux après un nul blanc contre les Portugais de Vitoria Guimaraes (3-1 à l’aller) en alignant l’équipe suivante : Bodart (46′ Hubart); Genaux, Léonard, Dinga, Rednic; de Condé (68′ Ernst), Hellers, Bettagno, Foguenne; Goossens, Malbasa. Didier Ernst est le seul à avoir tout digéré depuis lors : Goossens est revenu au bercail après avoir vécu à Gênes et à Schalke 04. Six ans, c’est une éternité.

« C’est pour cela qu’il faut être prudent », conclut Daniel Van Buyten. « Nous devons encore aller à Mouscron et recevoir Lokeren. En général, l’Excelsior nous réussit bien mais je me méfie. Les Hurlus n’ont plus rien à gagner ou à perdre et c’est là que réside le piège. Pour eux, ce sera un match de gala et des joueurs en partance voudront à tout prix se mettre en évidence pour attirer le regard d’un manager ou d’un club : ce ne sera pas facile. J’espère que nous gagnerons là-bas et l’affaire serait enfin entendue. Je n’aimerais pas que tout se joue lors de notre dernier match de la saison contre Lokeren. Si une équipe nous pose souvent de sérieux problèmes, c’est bien celle-là. Lokeren nous a sorti en Coupe de Belgique et est une des bêtes noires du Standard depuis des années. Les Waeslandiens de Georges Leekens ont réussi un bon championnat et en ont profité afin de lancer une armade d’excellents joueurs venus de plusieurs pays africains. Lokeren a des filons là-bas. Ils ont mis la main sur quelques sprinters qui ne demandent jamais la permission de piquer des sprints qui, à la longue, mettent une défense sur les genoux. La ligne d’arrivée est en vue mais nous ne l’avons pas encore franchie ».

Dias 1 et 2

Pierre Bilic

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