Etude de comportement

Quatrième victoire d’affilée pour le Racing. Le capitaine des Limbourgeois, qui accueillent Anderlecht vendredi, diagnostique la bonne forme de son équipe.

Battu à Bruges lors de l’ouverture des PO1 alors qu’il méritait mieux, le Racing Genk vient de remporter sa quatrième victoire d’affilée. Menés 0-2 au repos par le Standard, les Limbourgeois sont parvenus à l’emporter 3-2. Le champion de Belgique en titre semble avoir mangé son pain noir et a retrouvé la forme au bon moment.

Qu’y a-t-il de changé à Genk depuis le début des play-offs ?

JeroenSimaeys : Il n’y a pas qu’une seule explication. La raison principale de notre belle série réside dans le retour des blessés et le fait que nous ayons pu jouer plusieurs semaines d’affilée avec la même équipe. A partir de là, les automatismes sont de plus en plus présents. En outre, Kevin De Bruyne est actuellement au sommet de sa forme. Forcément, cela aide.

Et l’absence de stress ?

C’est peut-être aussi un élément : pendant la phase classique, on a dû lutter jusqu’à la dernière journée pour obtenir la qualification pour les PO1, qui était l’exigence minimale. Lorsqu’elle a été acquise, il y a eu un énorme soulagement. Et aujourd’hui, on évolue de façon plus libérée.

Une semaine avec Vercauteren

Ce fut une saison très mouvementée…

Nous avons connu beaucoup de hauts et de bas. Après un titre, un club comme le nôtre connaît souvent une saison difficile. Les joueurs sont très courtisés, sans parler de l’entraîneur. Le départ de Frankie Vercauteren a sans doute perturbé bon nombre de joueurs et les blessures n’ont rien arrangé. Il a fallu reconstruire avec de nouveaux joueurs et un nouvel entraîneur.

En quoi l’approche de Mario Been est-elle différente ?

J’ai trop peu connu l’entraîneur précédent pour parler en connaissance de cause : une semaine, pas plus. C’était assez bizarre : Vercauteren m’avait contacté pour me demander si un passage à Genk m’intéressait. J’ai répondu par l’affirmative. Et une semaine plus tard, il n’était plus là.

Cela vous a fait un choc ?

Cela arrive souvent, malheureusement.

Aujourd’hui, le système Been semble avoir été assimilé…

On ne s’est jamais départi de notre 4-4-2. Genk évoluait déjà dans le même dispositif d’après ce que j’en sais. La différence, selon ce que mes coéquipiers m’ont expliqué, est que Vercauteren laissait plus d’espace entre les lignes et misait sur les contres, tandis que Been demande de jouer sur la possession du ballon et de prendre le contrôle des opérations.

Vous avez connu deux entraîneurs néerlandais dans deux clubs différents. En quoi peut-on comparer Been à Adrie Koster ?

Il y a des différences. Ils préconisent tous les deux un football offensif, mais Been est plus réaliste. Croire que tous les Néerlandais sont pareils est une hérésie. Tous les Belges sont-ils pareils ?

La bonne formule semble avoir été trouvée sur le plan offensif, avec un trio Benteke-Vossen-De Bruyne très performant…

Christian et Jelle commencent à se trouver les yeux fermés, en effet. C’est vrai qu’ils avaient déjà joué ensemble en Espoirs, mais on ne peut pas comparer cela à un match de D1.

Vous jouez désormais comme défenseur central. On vous connaissait davantage comme milieu de terrain…

A Genk, j’ai toujours joué comme défenseur central, mais c’est une position que j’avais déjà occupée. J’ai souvent alterné les deux. A Bruges, j’ai joué 60 % des matches comme défenseur et 40 % comme médian. L’adaptation n’a donc pas été très difficile. Je peux même dire qu’aujourd’hui, je préfère jouer en défense.

De la ligne arrière de l’équipe championne, il ne reste plus grand-chose…

Uniquement Ngongca Anele. Torben Joneleit a été blessé durant toute la saison. Nadson est de retour, mais s’est aussi retrouvé sur la touche à un moment donné. Et à gauche, Daniel Pudil a été remplacé durant le mercato hivernal par Derrick Tshimanga. Il a fallu retrouver une complémentarité. Aujourd’hui, nous y sommes parvenus. La défense n’est certainement pas le point faible. Je m’entends très bien avec Nadson. Qui est le plus offensif de nous deux ? Moi, je pense. J’essaie de monter lorsque l’occasion se présente. En particulier sur phases arrêtées, mais pas uniquement. Et j’ai déjà inscrit trois buts.

Ni titre, ni coupe

Vous avez hérité du brassard de capitaine. En quoi cela vous confère-t-il plus de responsabilités ?

C’est une belle marque de reconnaissance, mais je n’y accorde pas trop d’importance. Il faut, réglementairement, qu’un des 11 joueurs sur le terrain porte le brassard et j’ai été désigné. L’entraîneur opte généralement pour un joueur qui a le jeu devant lui, qui peut guider les autres, mais cela ne va pas au-delà. Du moins, pas à mes yeux.

Vous êtes considéré comme un garçon intelligent, qui a fait de hautes études de psychologie jusqu’à 24 ans : est-ce aussi l’une des raisons de votre capitanat ?

Je ne sais pas. Faut-il vraiment y voir un lien ? J’essaie de beaucoup parler sur le terrain, c’est un fait. Et je pense que mes remarques sont acceptées. Je suis partisan du dialogue : j’estime qu’on peut résoudre beaucoup de problèmes par une bonne discussion. Si je suis un leader ? C’est quoi, un leader ? J’ai deux principes : j’essaie d’abord de livrer moi-même une bonne prestation, puis j’essaie de mieux faire jouer les autres.

Qui sont les vrais leaders de Genk ?

J’en citerai surtout un : David Hubert. Mais il est de nouveau sur la touche en raison d’une blessure. Il nous a manqué. Je trouve toutefois que, ces dernières semaines, Khaleem Hyland se débrouille très bien dans ce rôle. Et il a trouvé une belle entente avec De Bruyne en milieu de terrain. Kevin, lors des quatre ou cinq derniers matches, a atteint un niveau international dans cette position centrale. Il apporte certainement une valeur ajoutée.

Votre carrière peut se résumer en quatre étapes : OHL, Saint-Trond, Bruges et Genk…

Je n’avais encore que 18 ou 19 ans lorsque j’ai atteint l’équipe Première de Louvain. C’était en D3. De cette époque-là, il ne reste plus que Björn Ruytinx. On est monté en D2 via le tour final, puis je suis parti à 20 ans à Saint-Trond. Deux bonnes saisons au Stayen m’ont offert la chance de signer un beau contrat au stade Jan Breydel. J’y ai passé quatre belles saisons où j’ai presque toujours été titulaire. Beaucoup de places d’honneur. Aucun trophée, malheureusement. Ni titre, ni coupe. Et une fin difficile.

Comment avez-vous appris que vous deviez quitter Bruges ?

La direction m’a annoncé que de nouveaux joueurs allaient être achetés et qu’ils auraient la priorité. Cela ne m’a pas empêché de dormir. J’ai su que je devrais me mettre à la recherche d’une autre belle équipe et que je la trouverais. J’avais même reçu l’autorisation de rester chez moi, durant le dernier mois, mais j’ai pris moi-même la décision de m’entraîner avec le noyau B, deux fois par jour. D’autres trouvent cela humiliant, moi pas.

Il paraît que vous auriez été courtisé par Anderlecht, durant votre période brugeoise ?

Pas à ma connaissance. J’ai eu des contacts avec d’autres clubs, mais pas avec le Sporting.

Vous vous êtes bâti, à Bruges, la réputation d’un joueur qui jouait parfois à la limite…

A la limite de quoi ? Du tolérable ? Je n’ai jamais eu cette impression. Des provocations verbales ? Je ne parle jamais à un adversaire durant un match. Parfois avec l’arbitre, mais jamais de façon agressive. Un jeu viril ? Je n’ai jamais reçu de carton rouge direct.

Mbokani, le meilleur

Après Bruges, Genk. Quelle est la différence entre les deux clubs ?

Elle est minime. Ce sont deux grands clubs. Bruges a sans doute une plus longue tradition, mais depuis une vingtaine d’années, Genk s’est aussi bâti une belle réputation. La pression n’est pas moindre que chez les Flandriens. J’ai signé un contrat de trois ans. Il y a, selon moi, un beau projet à réaliser ici.

Vous avez découvert la Ligue des Champions avec Genk…

Et j’ai failli offrir la victoire, à la fin du premier match, contre Valence. Le gardien s’est brillamment interposé. Dommage. Mais tout cela est déjà loin. La Ligue des Champions reste un très bon souvenir… d’autant que je n’étais pas présent lors du 7-0 au match retour, car je m’étais fracturé un orteil. Et je n’étais pas davantage lors du 5-0 à Chelsea. Avec Bruges, je n’avais joué que l’Europa League.

Avez-vous encore des contacts avec vos anciens coéquipiers ?

Très peu. J’ai parfois encore Geert De Vlieger au téléphone, mais il a arrêté. Et, de temps en temps, Carl Hoefkens. Quelques SMS. Avec le temps, les contacts s’estompent. On est heureux lorsqu’on se retrouve à l’occasion d’un match, mais sinon, chacun se concentre sur son job.

Il est donc difficile de nouer de vrais liens d’amitié dans le monde du football ?

Mes vrais amis remontent à mon adolescence. Des garçons que j’ai connus durant mes humanités, notamment.

Quelles sont les meilleurs joueurs que vous avez côtoyés ?

J’en citerai trois : De Bruyne, Ivan Perisic et Vadis Odjidja. Ils ont juste quelque chose en plus que les autres, individuellement parlant.

Et l’attaquant le plus imprévisible que vous ayez affronté ?

Dieumerci Mbokani. Il est tout simplement le meilleur attaquant du championnat.

Et sur le plan européen : Roberto Soldado ou Didier Drogba ?

On ne peut pas comparer la Ligue des Champions avec le championnat de Belgique. Lorsqu’on affronte Anderlecht, on peut encore traiter d’égal à égal avec lui. Lorsqu’on affronte Valence ou Chelsea, on essaie de bien défendre. Parce qu’on n’a pas d’autre choix : on n’a jamais le ballon. Mais d’un autre côté, ce n’est pas simple pour des attaquants comme Soldado ou Drogba de jouer contre Genk. Parce qu’on reste derrière et qu’ils se cassent les dents sur notre défense… du moins, lors de nos matches à domicile. En revanche, lorsqu’on affronte une équipe du championnat de Belgique, même Anderlecht, on prend nous aussi l’initiative à certains moments et on laisse des espaces.

Quel objectif aimeriez-vous encore atteindre durant votre carrière ?

Je ne pense pas avoir déjà atteint mon sommet. Je pense que j’atteindrai ma plénitude à 30 ans. Physiquement et au niveau de l’expérience.

Psychologue par hasard

Parlez-nous de vos études de psychologue…

En fait, j’ai commencé ces études lorsque j’étais en D3. Je n’envisageais pas encore une carrière de footballeur pro. Le choix de la psychologie est venu un peu par hasard. Je n’avais pas encore une idée précise de ce que je voulais faire et j’ai demandé quelles étaient les options les plus généralistes. On m’a conseillé, soit politique et sciences sociales, soit psychologie. J’ai pris la deuxième option. Pourquoi ai-je étudié aussi longtemps ? Lorsque je suis arrivé en D2, j’avais déjà réussi mes premières années universitaires et j’aurais trouvé dommage d’abandonner en si bon chemin. J’ai tenu le même raisonnement lorsque je suis parti à Bruges, à 22 ans : le but final était trop proche pour tout laisser tomber. Ces études de psychologie nécessitent cinq ans, je les ai réussies en six. Oui, combiner sports et études supérieures dans un club comme Bruges est possible. Il faut dire que je n’allais quasiment jamais aux cours. J’étudiais chez moi, à travers les bouquins. Je n’ai fréquenté le campus universitaire que lors de ma première année, parce que j’avais peur de la réaction de mes parents si je n’allais pas aux cours. Après tout, ils avaient payé mes études. Etudier n’est qu’une question de volonté. Généralement, un footballeur rentre chez lui en tout début d’après-midi. Plutôt que regarder la télé ou jouer à la Playstation, pourquoi ne pas se plonger dans les bouquins ?

Vous êtes une exception dans le milieu du football professionnel. Vous y sentez-vous à l’aise ?

Parfaitement. Pourquoi ne le serais-je pas ? Chacun a le droit de choisir sa voie. Je n’ai jamais prétendu que celle que j’ai choisie était la meilleure. Je n’ai jamais fait la leçon à d’autres joueurs qui n’ont pas fait d’études. Et je n’ai pas l’impression que mes coéquipiers, ou mes adversaires, me dévisagent d’un autre £il.

Le fait d’être diplômé en psychologie vous a-t-il déjà été utile sur un terrain de football, pour comprendre les comportements de certains joueurs ou entraîneurs ?

Peut-être à certains détails, oui. Mais il ne faut pas exagérer dans ce sens non plus. Sur le terrain, je ne m’amuse pas à analyser le comportement des gens, j’ai d’autres choses à faire. En priorité, me concentrer sur le jeu. Ce diplôme m’a surtout conféré une plus grande expérience de la vie. C’est agréable d’en connaître un peu plus que les limites d’un rectangle, mais je ne vais pas en faire tout un plat.

Votre objectif est-il de devenir psychologue plus tard ?

Il est trop tôt pour en parler. Je n’ai encore que 26 ans, j’espère avoir encore une dizaine d’années comme footballeur devant moi. Ce diplôme me confère une certaine sécurité : j’ai une autre corde à mon arc en cas de pépin. Rien de plus.

PAR DANIEL DEVOS

 » On peut résoudre beaucoup de problèmes par une bonne discussion. « 

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire