ETUDE de caractère

Dès avant la saison, l’avant portugais a beaucoup fait parler de lui en bien et en mal.

Mi-mai circulait sur internet une photo de Sergio Conceiçao qui avait rendu une visite au CHU de Liège à un enfant souffrant d’une maladie grave. Supporter du Standard, le jeune Lucas rêvait de rencontrer le Portugais, son joueur préféré.

Sergio Conceiçao :  » Je ne l’ai pas fait pour que l’on dise que je suis sympathique ou un type bien. J’ai déjà rendu visite à des tas d’enfants, tant au Portugal qu’en Italie, sans jamais avertir les journalistes. Aujourd’hui, puisque la nouvelle est parue dans certains journaux, je peux dévoiler que je suis parrain d’un orphelinat à Coimbra où sont regroupés 70 ou 80 enfants. Je suis un ami de la religieuse qui le dirige et il y a même une rue à mon nom. Dans le cas de Lucas, c’est lui qui a insisté pour pouvoir diffuser la photo. Je n’étais pas d’accord mais je ne pouvais quand même me fâcher sur lui. Restons sérieux, le geste que j’ai posé n’est rien par rapport aux efforts que fournit cet enfant pour lutter contre la mort. Je pense d’ailleurs qu’un club comme le Standard se doit d’en faire plus dans ce domaine. J’ai des idées à ce propos et j’en ferai part à la direction. Comme toutes les personnes qui ont la chance de vivre sans grand handicap, les footballeurs doivent se sentir parmi les plus concernés. Car tu as beau mener une vie unique où l’on te permet de te sentir important, quand tu te retrouves devant un garçon comme celui-là, tu te sens tout petit. Il faut se rappeler qu’il y a des personnes qui n’ont pas beaucoup de chance et qu’elles n’y sont pour rien. Ceci dit, ce qui m’a encore fait le plus plaisir c’est que le garçon m’a demandé d’inscrire un but pour lui et que la chance a voulu que j’aie pu le contenter dans les jours qui ont suivi…  »

Deux semaines plus tard, à deux jours d’intervalle, Sergio Conceiçao est le protagoniste de deux épisodes moins courtois. Ses cheveux ras et sa barbe bien noire, lui confèrent un aspect sévère sinon menaçant et certaines personnes s’interrogent déjà. Le Portugais est-il la meilleure réincarnation actuelle de Docteur Jekyl et Mister Hyde en D1 ?

~Avec votre nouveau look, vous ressemblez aux photos des Britanniques recherchés suite aux attentats de Londres !

Ah bon, mais ce n’est pas moi qui ai placé les bombes ! (il sourit) Enfin, ce qui se passe à Londres et ailleurs dans le monde est vraiment grave. J’ai l’habitude de me raser la tête tous les deux ans parce qu’il paraît que cela renforce le cheveu. Le reste, c’est comme je le sens. J’ai souvent changé de style de coiffure, rien ne dit que dans quelques temps, je n’aurai pas les cheveux hérissés. En revanche, c’est la première fois que je me laisse pousser la barbe de cette façon…

 » Je sais ce que je représente et ce que j’ai en moi  »

~On a beaucoup parlé de la gifle que vous avez donnée à Marc Delire, le journaliste de télévision à la présentation de presse du club…

C’est un simple épisode de la vie. Je n’aime pas que l’on juge quelqu’un, moi dans ce cas-ci, sur le plan moral.

~L’interview de la Gazette des Sports que vous lui reprochiez est parue le 1er juin et la présentation de l’équipe a eu lieu près de deux mois plus tard. Il y avait le temps de mettre les choses au point autrement si vous n’étiez pas d’accord, non ?

C’est la première fois que je le rencontrais.

~Heureusement que vous ne vous êtes pas retrouvés au-dessus d’un pont.

Faut pas exagérer, je n’ai jamais eu l’intention de le blesser et mon geste n’était pas de nature à le faire.

~Le soir même, un collègue romain m’a téléphoné interloqué. Pour lui, il était impensable de voir un joueur comme vous mêlé à un tel épisode lorsque vous étiez à la Lazio. Il y avait certainement autre chose à faire pour mettre les choses au point.

Sans doute mais bon, cet épisode a pris une telle ampleur que je préfère ne plus en parler.

~Et s’il porte plainte devant le tribunal ?

Ce serait autre chose. Mais je ne peux admettre que l’on fasse un amalgame avec mon comportement et le drame du Heysel. Prétendre que mon attitude sur le terrain est de nature à provoquer des choses aussi graves, c’est un manque de respect total. D’abord pour les personnes qui y ont perdu un être cher ou qui en portent toujours des séquelles. A mon égard ensuite. Peu m’importe qu’il ne me place pas dans son équipe type. Je ne peux pas faire l’unanimité. Et puis, je n’avais pas de raison de me vexer quand je vois que j’ai figuré en bon ordre dans tous les référendums y compris celui de Sport/Foot Magazine. Non, c’était lourd. Je sais ce que je représente et ce que j’ai en moi. Pour moi, le football, c’est la fête. C’est de tout faire pour assurer le spectacle et faire vibrer le public. Que l’on dise de moi que je suis un mauvais joueur, tant pis. Je ne râlerai pas si l’on me met un 4/10 car de toute façon je sais quand j’ai mal joué mais je n’admets pas que l’on attaque l’homme.

D’ailleurs en dix ans de football au plus haut niveau, je n’ai jamais blessé personne. Si j’ai mauvais caractère, je ne suis pas méchant. Pour moi, un match est une bataille qu’il faut gagner mais pas par n’importe quel moyen…

 » Le brassard ne changera rien  »

~Il y a aussi eu votre bras d’honneur aux supporters de Fenerbahçe qui vous ont sifflé au moment où vous quittiez le terrain.

Cela aussi a été grossi. C’était un geste de dépit qui n’avait rien d’offensant. Il est très souvent exécuté pour dire aux supporters de se taire. Ce n’est pas la mort du foot, c’est l’expression d’une saine rivalité et il n’y a aucun risque de débordement. Quant aux supporters turcs, ils s’en prennent aux Portugais depuis les quarts de finale de l’EURO 2000 lorsque nous avons battu la Turquie 2-0. Et même si le match contre le Standard a été retransmis en direct dans leur pays, ils n’ont pas été offusqués par mon geste.

~Il y a aussi eu votre carte jaune à Genève contre la Juventus : vous balancez le ballon sur un joueur turinois parce que l’arbitre accorde une remise en touche à l’adversaire alors que vous pensiez que le ballon était pour vous. Une phase de ce genre, il y en a au moins 50 fois sur un match.

Ce n’est pas cette phase-là que j’avais du mal à digérer. Je râlais pour toute une série de détails. Ainsi M. Wildhaber a sifflé la fin de la première période alors que je partais seul en contre-attaque. L’arbitre suisse n’a pas ajouté de temps additionnel alors qu’il y avait eu deux changements et qu’Eric Deflandre avait dû être soigné. Je ne dois pas vous dire que je tiens à remporter toute rencontre même si elle est amicale. Enfin, je pense que l’arbitre était content de diriger la Juventus…

~En général, on attend d’un capitaine qu’il canalise mieux son énergie et qu’il guide les jeunes.

Je tiens à préciser que je n’ai rien demandé. Seulement, je suis très honoré que le staff technique et les joueurs m’aient désigné capitaine. Le brassard ne changera rien. Je resterai le joueur que j’étais et j’adopterai la même attitude tant sur le terrain que dans le vestiaire. Je veillerai toujours à ce que l’équipe reste bien compacte. Je crierai comme avant et j’afficherai toujours le même respect à l’égard de mes compagnons. Je ne serais pas honnête si je hurlais à tort et à travers. L’important est de les encourager et de leur insuffler la confiance nécessaire. Attention, je ne dois pas être le seul. Ce rôle incombe à tous les éléments expérimentés du groupe. Des joueurs comme Eric Deflandre, Philippe Léonard et Vedran Runje ont aussi joué à un haut niveau et Ivica Dragutinovic est international serbe & monténégrin. Il ne faut pas se leurrer, il y a en Belgique et au Standard aussi, des footballeurs aptes à évoluer dans le Calcio.

 » Je sais que je dois rester calme, surtout en championnat  »

~Ceci dit vous paraissez bien nerveux et cela risque de vous jouer des mauvais tours en championnat surtout en début de compétition quand les arbitres appliquent le règlement à la lettre.

C’est vrai que je suis nerveux mais c’est parce que la compétition est en passe de commencer. Je sais que je dois rester calme surtout en championnat. Mais une fois le départ donné, je serai plus tranquille. Ceci dit, je me demande si certains arbitres ne prennent pas du plaisir à donner un carton jaune à Conceiçao. Prenez le cas de celui que j’ai reçu contre Genk : le ballon sort pour nous, je me précipite pour aller le chercher surtout que nous sommes menés à la marque et le défenseur adverse m’empêche de passer. Comme je suis pressé, je l’écarte et il se met à faire un peu de cinéma. L’arbitre me sanctionne et mon adversaire passe pour une pauvre victime. Ceci dit, je ne comprends pas toujours l’attitude des arbitres. Partout, les footballeurs peuvent parler avec eux, en Belgique non. On a l’impression que quand on leur adresse la parole, ils perdent leur tranquillité. Cette situation est gênante parce que les arbitres ne sont pas plus mauvais ici qu’ailleurs et ils gagneraient à faire preuve de plus de respect à l’égard des joueurs. Dans le feu de l’action, ceux-ci sortent des choses, c’est vrai, pas très correctes mais qui ne constituent en rien une menace pour leur autorité. Une plus grande discrétion ne les empêcherait pas de se montrer à la hauteur de la situation… Ce que je demande, c’est d’être traité de la même façon que les autres joueurs. Que l’on me donne à moi et à mes équipiers un carton jaune quand nous le méritons. Et pas comme lors du premier test match contre Genk où Karel Geraerts et moi avons été pénalisés alors que d’autres méritaient le carton. Conséquence, nous étions suspendus pour le retour et cela a pu avoir une influence sur le résultat final.

~Vous n’allez pas quand même pas aussi nous servir le couplet de la conspiration contre le Standard…

Non, mais un peu plus de constance dans les décisions serait nécessaire. Je ne pense pas à une conspiration contre nous comme certains le prétendent. Cette excuse ne vaut rien. Il faut trouver la volonté de gagner et ne pas se mettre à chercher un bouc émissaire. Passer son temps à trouver de fausses raisons ne m’intéresse pas.

~Des psychologues prétendent que cette attitude d’excuse est typique des sportifs qui se rendent compte qu’ils ne peuvent plus atteindre le niveau qui était le leur à un moment donné.

Ce n’est certainement pas mon cas (il rit). Je suis conscient du niveau que je peux atteindre. Je dois être meilleur que la saison dernière. C’est clair que je ne suis pas encore au top physiquement, que je ne fais pas encore tout ce que je veux avec le ballon. Rien de plus logique, ce n’est pas avant la saison qu’il faut être en forme mais à partir du moment où les choses sérieuses commencent.

~Un retard dans la préparation peut aussi engendrer une certaine nervosité. Les supporters peuvent-ils craindre que vous ne soyez pas prêt à temps ?

Je ne pense pas car, mis à part un problème au petit orteil du pied droit, la préparation s’est bien déroulée. Pendant mes vacances, j’ai bien respecté le programme qui m’avait été donné. C’est un minimum. Quand on est un professionnel consciencieux on ne devrait même pas attendre d’en recevoir un pour continuer à faire de l’exercice alors que l’on passe une période où l’on mange bien et on boit bien. J’ai beaucoup couru, alternant les séries de sprints et les joggings et je me suis adonné au football à cinq, une passion.

 » J’aurai du mal à supporter un nouvel échec  »

~Vous avez paraphé la prolongation de contrat qui vous était proposée juste après la défaite à Ostende. Vous n’avez pas été trop vite en besogne ?

La non-qualification pour l’Europe ne m’a pas fait regretter mon geste. Les échecs d’Ostende et de Genk doivent servir de point de départ pour un nouveau combat. Il faut y puiser la motivation pour lutter avec force.

~Vous avez loupé le titre en Italie de justesse à deux reprises. De quoi engendrer une déception plus terrible que celle générée par la défaite à Ostende ? Vous vous êtes empressé de signer parce que vous n’aviez pas le choix ?

Certainement pas. J’avais trois ou quatre possibilités sérieuses avant que je ne prolonge mon séjour ici et deux après. J’ai perdu le titre avec l’Inter à la dernière journée et, puis avec la Lazio, mais l’échec à Ostende a été le plus pénible de ma carrière. J’ai vu des supporters tristes et d’autres partir en pleurant et je me suis dit que j’avais gâché leur fête en manquant la conversion du penalty.

~Quelles étaient ces possibilités de transfert ?

Ce n’est pas important. Je suis resté au Standard parce que je m’y sens bien. Liège est une ville agréable. Je n’ai pas signé pour partir un mois plus tard. Cela fait longtemps que le club n’a rien gagné et il est temps qu’il décroche un prix.

~On a souvent prétendu que le fait de vivre dans un appartement sans votre femme et vos enfants vous pesait et avait des répercussions négatives sur votre rendement.

C’est clair que je préférerais être avec ma famille mais il fallait bien faire un choix. Tout compte fait, mes enfants resteront ici jusqu’au 15 septembre, c’est-à-dire jusqu’au moment où l’école recommence. Les deux mois qui nous séparent de l’interruption du championnat passent très vite. Pour les trois premiers enfants, les choses sérieuses ont commencé et il faut leur garantir une scolarité normale. Il ne faut pas prendre le risque de les déstabiliser et puis mes beaux-parents s’occupent très bien d’eux. Ma femme est plus souvent là-bas qu’à Liège mais maintenant on a l’habitude. J’ai quitté le Portugal à 24 ans et il y a suffisamment longtemps pour ne pas avancer la nostalgie comme une excuse. Ni même le climat. A Milan ou à Parme, il n’est pas vraiment plus clément.

~Vous êtes resté au Standard mais cela ne signifie pas que vous ne partirez pas avant la fin de la saison. Même si vous répétez qu’un transfert en janvier ne vous intéresse pas parce que vous avez vécu une fois l’expérience et qu’un départ pendant le mercato d’hiver implique trop de changements pour rien ?

Je suis resté parce le Standard se veut ambitieux. C’est vrai que si nous sommes largués en championnat et que nous sommes éliminés d’emblée en Coupe de Belgique, j’éprouverai beaucoup de mal à supporter cet échec. Mais nous n’en sommes pas là du tout. Nous avons les moyens de rivaliser avec Anderlecht et Bruges.

~Vous auriez déclaré :  » Je suis resté pour devenir champion « .

C’est un raccourci. J’ai effectivement dit que si nous conservions notre noyau et que nous affichions la même régularité que lors du deuxième tour de la saison passée, nous ne devons craindre personne. Qu’ont montré de plus que nous Bruges et Anderlecht pendant cette période ? Pas grand-chose. C’est clair qu’il ne sert à rien de battre Anderlecht si c’est pour aller se faire laminer huit jours plus tard à Saint-Trond, un candidat à la descente. Notre défaut c’était l’irrégularité et il y a moyen de le corriger maintenant que nous avons un noyau qui se connaît. La saison dernière, nous avons dû intégrer une dizaine de joueurs, qui n’avaient pas effectué la préparation et moi-même j’ai loupé les premières rencontres. Du coup, nous avons démarré le championnat avec un handicap de 10 à 15 points. Soyons sérieux ; un tel retard, c’est insurmontable. La preuve, nous avons eu beau prendre beaucoup de points nous avons terminé troisièmes.

Un vide à combler

~Ce raisonnement ne tient que si le club conserve son noyau. Des tas de bruits de transferts circulent et continueront à le faire jusqu’au 31 août. Tous ne se réaliseront pas mais le Standard est un spécialiste des changements.

Je n’ai évidemment pas reçu de garantie que le noyau ne serait pas bouleversé. Il est possible que des changements interviennent mais cela ne m’inquiète pas outre mesure. Je suppose que la direction est consciente qu’elle doit conserver les éléments les plus expérimentés afin qu’ils forment l’ossature de l’équipe. Maintenant, si d’autres joueurs doivent arriver, il faut espérer qu’ils apportent eux aussi, ce petit plus qui permet de remporter le titre.

~Les supporters vous considèrent comme un fêlé.

Si être fêlé, c’est être une personne qui a envie de gagner et qui mouille son maillot, alors oui j’accepte d’être qualifié de fêlé. Mais je pense que ce qu’ils retiennent c’est que je ne suis pas venu ici pour me la couler douce. Je joue avec le même engagement que j’avais quand j’étais à Parme, à la Lazio ou à l’Inter. Les supporters apprécient que je donne toujours le meilleur de moi-même. J’ai 31 ans et j’ai l’impression que je ne changerai pas.

~Après le test match à Genk, vous êtes revenu au stade pour calmer les supporters qui étaient venus passer leurs nerfs à Sclessin. Depuis, vous vous sentez l’âme d’un héros ?

On raconte n’importe quoi. Je ne suis pas un héros et de toute façon, je n’étais pas seul. D’autres joueurs étaient là pour calmer les supporters qui étaient prêts à causer des dégâts au stade. Personnellement, je comprenais leur déception. Comme je n’avais pas disputé le match retour à cause d’une carte jaune, je me sentais un peu coupable. Je leur ai fait comprendre que je me sentais aussi déçu et frustré qu’eux. Les supporters me respectent parce que je les respecte. Je viens aussi d’un milieu pauvre et je suis conscient que certains après avoir payé leur abonnement et leur déplacement au stade n’ont plus grand-chose pour vivre. Et ils attendent un titre depuis quasiment un quart de siècle.

~C’est pour combler ce vide que vous êtes resté, non ?

J’ai déjà prouvé que je ne suis pas venu ici pour prendre mes aises et partir le plus vite possible. J’aimerai bien faire partie d’une de ces équipes dont les supporters se souviennent et chaque fois qu’ils voient la photo disent : -C’était du solide. Ce n’est pas pour rien qu’ils ont été champions.

~Et si une fois encore, le coup passe à côté.

Je ne suis pas ici pour parler mais pour jouer au football et pour gagner. Je ferai tout mon possible pour les repayer de leur enthousiasme. Ils peuvent en être sûrs.

Nicolas Ribaudo

 » Pour moi, un match est une bataille qu’il faut gagner mais PAS PAR N’MPORTE QUEL MOYEN  »

 » Je dois être MEILLEUR QUE LA SAISON DERNIèRE  »

 » On éprouve du plaisir à me donner une carte mais je ne pense pas à UNE CONSPIRATION CONTRE LE STANDARD « 

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