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« Être dans la lumière ou non, ça m’est égal « 

Depuis plusieurs années, le milieu de terrain liégeois a endossé un rôle dans l’ombre, où il est question d’équilibre, de positionnement et de récupération. Rencontre avec un incontournable du système de Roberto Martinez.

Axel Witsel a le sourire sur le coup de 23h30, quelques minutes après ce retournement de situation complètement fou face au Japon. Quelques jours plus tôt, nous l’avions rencontré en aparté pour évoquer à la fois son rôle chez les Diables Rouges mais également un système de jeu qui a explosé en plein vol à Rostov. Même si la catastrophe n’a finalement pas eu lieu.

 » Nous avons montré une vraie force de caractère en renversant la situation. Cela prouve que nous sommes plus matures qu’il y a quelques années. C’est aussi la victoire d’un groupe et pas seulement de onze joueurs. Un groupe qui a pu compter dans les moments difficiles sur les montées de Marouane (Fellaini) et de Nacer (Chadli). Ils sont su apporter quelque chose de différent à un moment où on avait la tête sous l’eau.  »

Comment juges-tu ton association avec Kevin De Bruyne ?

WITSEL : Il a un rôle qui lui permet d’aller davantage vers l’avant que moi, je suis le plus défensif des deux. Il faut en tout cas qu’un de nous deux reste bien en position, sinon on laisse des boulevards derrière nous. C’est une question d’équilibre qui n’est pas évidente à respecter.

Tu n’as pas le sentiment que ce système est parfois trop offensif ?

WITSEL : Non, même si c’est vrai qu’il y a beaucoup de joueurs à vocation offensive devant moi. On exploite nos qualités au maximum. On pourrait évidemment jouer avec davantage de joueurs avec un profil plus défensif.

C’est compliqué pour toi d’évoluer aux côtés de tant d’éléments tournés vers l’offensive ?

WITSEL : C’est vrai que si on regarde ce qu’il y a devant où sur les côtés, tout le monde aime se projeter vers l’avant.

 » Je n’ai pas les qualités d’un numéro 10  »

Le joueur créatif que tu étais au Standard, voire à Benfica, a totalement changé. Comment juges-tu ton évolution ?

WITSEL : Par le passé, on me retrouvait plus souvent dans les 16 mètres, j’avais cette faculté à rester calme dans le rectangle quand je recevais un ballon. Avec les années, et surtout en équipe nationale, je me suis habitué à évoluer en tant que 6. J’ai peut-être perdu mes sensations devant le but mais j’ai gagné en agressivité, je suis plus précis, je récupère plus de ballons. Je n’ai pas non plus les qualités d’un numéro 10, je ne peux pas faire ce que Dries ou Eden réalisent. Le poste de 6 ou de 8 convient parfaitement à mes qualités.

Axel Witsel :
Axel Witsel :  » On a conscience qu’on n’a plus le droit de s’emballer. On n’a encore rien fait. « © BELGAIMAGE

On t’a souvent reproché d’être trop latéral dans ton jeu. Durant ce tournoi, tu joues beaucoup plus vite vers l’avant. Est-ce dû en grande partie à votre système de jeu où il y a plus de mouvements, d’homme libres devant toi ?

WITSEL : Si tout le monde respecte sa position, tu dois avoir au minimum trois solutions en possession de balle. C’est vrai que ces derniers temps, j’arrive assez facilement à trouver nos deux numéros 10 ou Thomas et Yannick sur les côtés. C’est un système qui te permet de garder le ballon, de faire courir l’adversaire car on a les joueurs adéquats. C’est aussi un système qui demande énormément de courses aux deux milieux de terrain. Si tu n’es pas prêt physiquement, après 50-60 minutes tu es mort.

La chaleur te gêne-t-elle aussi ?

WITSEL : Ça va encore. En Chine, il fait encore bien plus humide qu’ici. J’ai déjà disputé des matches à 38 ° avec 80 % d’humidité.

 » Avec moi, ce sera toujours en douceur  »

Tu sembles toujours très facile, décontracté sur le terrain. Tu te rends compte de l’image que tu renvoies ?

WITSEL : C’est ma dégaine, c’est ma nature, avec moi ce sera toujours en douceur. Je ne vais jamais devenir un gars explosif sur les premiers mètres. Par contre, je ne suis pas lent non plus, je suis plutôt un faux-lent ans les duels, tu as toujours été parmi les plus forts, paraît-il. Au Standard, Michel Preud’homme t’opposait, aux entraînements à Marouane Fellaini, car tu étais un des seuls à pouvoir tenir la distance.

WITSEL : Je n’avais pas le même corps qu’aujourd’hui mais j’ai toujours su m’imposer dans les duels. Il y avait Marouane, mais aussi des gars comme Mohamed Sarr ou Dante, qui étaient très physiques. Mais faut pas non plus être le plus costaud pour gagner un duel, faut aussi être malin. Si tu vois un gars qui est deux fois comme toi, tu ne vas pouvoir lui mettre un coup d’épaule. Tu vas peut-être faire semblant d’y aller, esquiver, ce qui va le déséquilibrer et tu récupères le cuir derrière. Il ne faut pas aller à la force pour la force. Il faut parfois être rusé.

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De l’extérieur, vous dégagiez une grande sérénité au sein du groupe jusqu’à cette rencontre face au Japon.

WITSEL : On était sereins même si on savait très bien que ça allait être très compliqué. On l’a vu avec l’Espagne ou la Croatie, tout le monde rencontre de très grosses difficultés durant cette Coupe du Monde. C’est vraiment un tournoi bizarre. On avait mis la manière lors de nos premiers matches, ce qui est rassurant. Et je pense que face au Japon, on n’a pas mal débuté. A la pause, on ne paniquait pas non plus. Mais dès l’entame de la seconde période, on a pris deux gros coups sur la tête.

 » On est tous plus forts qu’au Brésil  »

Qu’est-ce qui a changé par rapport à votre Coupe du Monde au Brésil ?

WITSEL : L’expérience, ça fait beaucoup. On est tous plus forts qu’il y a quatre ans. Surtout dans la gestion d’un match. Contre le Panama, pendant 15-20 minutes, on sentait un peu de friction dans l’air, c’était le premier match, ça n’a rien de surprenant. Mais le stress était bien moins perceptible qu’il y a quatre ans quand on a joué l’Algérie. On est beaucoup plus patients, moins précipités dans le jeu aujourd’hui qu’il y a quatre ans. Et ça s’est vu face au Japon. Car on sait que le football, ça peut aller vite dans un sens comme dans l’autre. Les entrées au jeu de Marouane et de Nacer ont ramené un sérieux boost à l’équipe et élevé la dynamique de l’équipe. Je pense que s’il y avait eu les prolongations, on aurait également fait la différence car physiquement, on passait au-dessus dans les 20 dernières minutes.

Durant le premier tour, vous avez trouvé le chemin du but assez facilement. Comment l’expliques-tu ?

WITSEL : Avec Martinez, on travaille beaucoup nos schémas offensifs. Thierry Henry conseille aussi énormément les attaquants. Ça n’a l’air de rien mais ça a son importance. Et quand on rate un but à l’entraînement, il devient fou.

Il y a une mentalité de vainqueur qui a été inculquée ?

WITSEL : À l’entraînement, que ce soit lors d’un exercice de passe, de possession de balle, ou un jeu où l’on doit toucher la barre, il y a toujours une forme de compétition entre nous. Et personne ne veut être le dernier. C’est toujours au travers de petits jeux, mais au final ça reste dans ta tête : je dois gagner, je dois gagner. Et sur le terrain, ça revient sans vraiment y penser.

 » Devant, c’est de la bombe atomique  »

Quelle est la part d’inspiration dans vos offensives ?

WITSEL : On a évidemment des consignes offensives par rapport à l’adversaire, mais sur le terrain, Eden quand il fait des choses, ça vient tout seul, sinon ce ne serait pas Eden. Quand il arrive à 15-20 mètres du but, tout comme Romelu, ils ne réfléchissent pas, c’est instinctif.

Est-ce que cette équipe est capable de laisser le jeu à l’adversaire ?

WITSEL : Oui car on est très fort en contre. Mais ça dépend de l’adversaire, de l’évolution du match, on a les joueurs aussi pour être davantage replié. Et puis les joueurs qu’on a devant, c’est de la bombe atomique.

Tu es impressionné par le niveau d’Eden ?

WITSEL : Il n’est pas comme un Brésilien qui, sur les premiers mètres, va vouloir faire un passement de jambes. Lui, il crochète, il accélère, il va droit au but. C’est ça que j’aime chez lui. Il ne blague pas, il ne rigole pas. Dès qu’il accélère, qu’il a mis sa petite main derrière le défenseur, c’est fini. Tout le monde dit qu’il est petit mais il est gainé. Pour le faire tomber, c’est pas facile.

Mais il a moins d’abdos que toi par contre…

WITSEL : ( il rit). C’est vrai mais il ne tombe pas facilement.

 » La communication, c’est ce qui nous manquait autrefois  »

C’était important, pour toi, que Martinez vienne te rendre visite en Chine ?

WITSEL : J’ai trouvé ça super, d’autant que ce n’est pas un petit voyage. Et ce n’est pas non plus le meilleur championnat. Il est venu à la résidence où j’habite où l’on a pu discuter. Mais il ne pouvait pas non plus trop traîner car il devait aussi voir Yannick. Je crois qu’il voulait sentir comment je me sentais et juger aussi du niveau du championnat.

Martinez n’a jamais vraiment semblé inquiet quant à ton état de forme.

WITSEL : Ce que la Super League en Chine ne t’offre pas, c’est l’intensité des matches. Et beaucoup d’équipes laissent beaucoup d’espaces, car ils n’ont pas la même culture tactique qu’en Europe. C’est juste ça. Si tu travailles l’intensité à l’entraînement avec des exercices courts et rapide, en enchaînant les séries, tu compenses.

Quel est aujourd’hui ton statut au sein du noyau des Diables ?

WITSEL : Je fais partie des anciens. Mais je ne suis pas pour autant quelqu’un qui commence à crier dans un vestiaire, je resterai toujours quelqu’un de posé. Sur un terrain, par contre, j’essaie de communiquer un maximum, notamment au niveau du positionnement.

On a pu s’apercevoir lors des premières rencontres que tu n’es pas le seul à repositionner tes partenaires.

WITSEL : La communication, c’est très important. C’est ce qui nous manquait par le passé, on ne parlait pas, on hésitait à se dire les choses pour avancer. Maintenant on le fait de plus en plus.

C’est une équipe d’adultes…

WITSEL : Oui, c’est clair. Mais je n’ai jamais vu de prise de tête entre nous. Il arrive qu’à l’entraînement ça s’engueule parfois, ça dure cinq minutes et après l’entraînement c’est réglé. Une autre grande différence par rapport à avant, ça ne s’épargne pas, les entraînements sont beaucoup plus intenses.

 » J’essaie de faire passer le message du coach  »

Malgré les critiques à ton encontre tu as toujours été un indiscutable aux yeux des sélectionneurs.

WITSEL : Je touche du bois. Mais c’est vrai que de René Vandereycken à Roberto Martinez, j’ai toujours été très présent. Je suis quelqu’un qui écoute et qui essaie de tirer le maximum d’infos de son entraîneur et de faire passer son message sur le terrain. C’est une de mes qualités, arriver à m’adapter à chaque nouvel entraîneur.

En occupant un rôle dans l’ombre désormais.

WITSEL : Que je sois dans la lumière ou pas, ça m’est égal.

Tu n’as jamais eu envie d’être plus médiatisé ?

WITSEL : Le fait qu’on ne parle pas plus de Witsel, ça ne me fait rien. Aujourd’hui, j’ai un rôle qui est un peu plus dans l’ombre, je n’ai aucun souci avec ça. Du moment que le coach et les équipiers sont contents de moi, c’est tout ce qui m’importe.

Tu ressens la confiance de tes équipiers ?

WITSEL : Quand je suis parti en Chine, Christian (Benteke), Eden (Hazard), Jan (Vertonghen), ont parlé en ma faveur. Personne ne m’a démonté, c’est quand même un signal fort. Je suppose que j’ai bien répondu sur le terrain.

 » Un grand club européen ? Ce n’est pas fini pour moi  »

La carrière d’Axel Witsel aurait pu connaître une tout autre trajectoire. Alors qu’il brille sous le maillot de Benfica, le milieu de terrain liégeois est approché par le Real Madrid. L’intérêt est tel que le jeune Witsel signe même un contrat avec le club merengue. Mais les directions des clubs sont en froid et ne sont pas prêts à se mettre à table. Le club lisboète préfère envoyer son international belge au Zenit Saint-Pétersbourg où il restera 5 saisons malgré l’intérêt manifeste d’autres grands clubs comme la Juventus ou le Bayern Munich.

Quand tu vois les autres joueurs de l’équipe nationale réaliser de très belles carrières au sein de grands clubs européens, tu n’as pas de regret ?

AXEL WITSEL : Non, j’ai fait les choix que je devais faire, je les assume pleinement. Et je n’ai que 29 ans, l’Europe, ce n’est pas fini pour moi, la porte est même grande ouverte. Mais pour le moment, ce n’est pas quelque chose à quoi je pense, je dois me concentrer uniquement sur la Coupe du Monde.

Vu ton état de forme, tu ne te dis pas que tu es passé à côté de quelque chose durant ta carrière ?

WITSEL : Ce sera peut-être maintenant ma dernière chance de jouer dans un grand club, on ne sait jamais…

Comme le Standard de Liège…

WITSEL : ( Il rit) C’est un grand club oui, mais je parlais plutôt du top en Europe.

Tu sembles pourtant assez proche de Bruno Venanzi et de sa compagne, Catherine Jadin, qui est ta notaire depuis de nombreuses années. Est-ce qu’il existe une éventualité que tu retournes un jour au Standard ?

WITSEL : Pourquoi pas, même si ce n’est pas à l’ordre du jour. Bruno me l’a déjà demandé en blaguant. Mais maintenant, c’est impossible. Un jour peut-être, l’avenir nous le dira.

Au-delà de l’aspect financier, qu’est-ce qui te plaît dans cette expérience en Chine ?

WITSEL : La Chine, c’est une vraie aventure. Connaître un autre football déjà, même si le championnat chinois n’a rien à voir encore avec ce qu’on connaît en Europe, il y a du retard, c’est évident. Quand tu joues la Ligue des Champions, ça te permet de voyager au Japon, en Corée, à Hong-Kong.

Et pourtant quand tu voyages, tu ne vois que les aéroports et les hôtels de luxe ?

WITSEL : J’ai joué contre Kashiwa, une équipe japonaise basée à 45 km de Tokyo. Vu que notre match d’après était programmé seulement dix jours plus tard, le coach nous a donné deux jours de congé, j’en ai donc profité pour visiter Tokyo avec Anthony Modeste et Pato. On a fait quelques monuments, on a été dans de bons restaurants, ça te permet de découvrir d’autres cultures, d’autres endroits, des villes incroyables. Je ne regrette pas du tout cette expérience.

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