© BELGAIMAGE

 » ÊTRE CHAMPION D’AFRIQUE A BOOSTÉ MA CONFIANCE « 

Vainqueur de la CAN avec les Lions Indomptables en février, le Belgo-Camerounais Arnaud Sutchuin Djoum s’épanouit désormais en Ecosse, à Hearts, après des crochets par les Pays-Bas, la Turquie et la Pologne. Retour sur un mois de folie et un parcours peu banal.

Le 5 février 2017 restera à jamais une date-clé dans la carrière d’Arnaud Sutchuin Djoum. Ce jour-là, le Belgo-Camerounais est devenu champion d’Afrique en prenant la mesure de l’Egypte (2-1) avec les Lions Indomptables coachés par Hugo Broos. Un exploit exceptionnel pour ce milieu de 27 ans, formé au RWDM, qui n’avait découvert l’équipe nationale que quelques mois plus tôt. C’est à Molenbeek, dans la maison familiale, que nous avons retrouvé le joueur de Hearts, en Ecosse, entouré de ses proches.

Ta première sélection avec le Cameroun remonte au mois de septembre 2016 face à la Gambie. Comment as-tu vécu cela ?

ARNAUD SUTCHUIN DJOUM : Je ne m’y attendais pas trop. Quand cette sélection est arrivée, j’étais très content et surtout très fier. J’ai été très bien accueilli par mes coéquipiers. C’est un groupe jeune et le feeling est directement bien passé, j’ai été très vite à l’aise. C’était aussi spécial pour moi, car ça me permettait d’aller au pays. Je l’ai quitté à l’âge de 4 ans pour la Belgique et depuis, à cause de l’école et du foot, je n’y étais retourné qu’une ou deux fois.

Le fait que le sélectionneur national, Hugo Broos, soit belge, ça a joué en ta faveur ?

SUTCHUIN DJOUM : Ça a peut-être inconsciemment facilité les choses mais je ne pense pas que cela ait joué un grand rôle. Il est surtout venu me superviser en Ecosse face au Celtic et Aberdeen. Je savais qu’il était là, donc j’avais un peu de pression mais il faut croire que je m’en suis bien tiré. D’ailleurs, je n’avais aucune certitude concernant ma participation à la CAN. Il y a beaucoup d’excellents joueurs et les places sont chères. Du coup, ça a été un grand soulagement quand j’ai vu que je figurais dans la sélection.

 » AVANT LA CAN, CERTAINS SUPPORTERS NOUS INSULTAIENT EN RUE  »

La préparation au tournoi n’a pas été idéale avec sept joueurs, dont Joël Matip ou Allan Nyom, qui ont décliné leur sélection.

SUTCHUIN DJOUM : Nous, les joueurs qui étions présents, on essayait de ne pas trop penser à ceux qui avaient refusé de venir. On a profité de l’occasion, on s’est dit que c’était une occasion unique de participer à une CAN. Après, c’est vrai que l’atmosphère autour de l’équipe n’était pas idéale. La sélection avait une mauvaise image, à l’époque, et certains supporters nous insultaient même dans la rue. Inutile de dire que ça a bien changé depuis.

Le Cameroun ne faisait pas figure de favori. Quel était l’objectif avant la compétition ? Et le tien personnellement ?

SUTCHUIN DJOUM : La poule avec le Gabon, la Guinée-Bissau et le Burkina Faso était à notre portée mais je crois qu’atteindre les quarts de finale aurait déjà été considéré comme une réussite. Ce n’est qu’au fil des matches qu’on s’est rendu compte qu’on était capable de faire quelque chose de grand grâce à notre détermination et notre collectif. Personnellement, je ne savais pas si j’allais jouer la moindre minute dans le tournoi. Je n’ai d’ailleurs pas joué les trois premiers matches. Mais j’ai continué à me donner à fond à l’entraînement, en me disant que la compétition était longue. Le coach m’a fait confiance à partir du quart contre le Sénégal. Finalement, j’ai été titularisé jusqu’en finale face à l’Egypte. Avec succès.

Le retour au pays a dû être épique ?

SUTCHUIN DJOUM : C’était la folie. Pour vous situer, en temps normal il faut 20 minutes pour le trajet aéroport-hôtel. Ce jour-là, on a mis quatre heures tant il y avait de monde dans les rues pour nous acclamer. C’était un sentiment incroyable.

 » L’ANGLETERRE, CE SERAIT UN RÊVE  »

Les prochains objectifs, ce sont la Coupe des Confédérations et les qualifications pour la Coupe du Monde 2018 ?

SUTCHUIN DJOUM : Voilà. Il y a d’abord la Coupe des Confédérations, en juin, où nous sommes versés dans un groupe avec l’Allemagne, le Chili et l’Australie. C’est un beau tournoi, à nous d’y faire bonne figure. C’est toujours enrichissant de se mesurer à de telles équipes même si ce ne sera pas facile. Après, en septembre, on a deux matches cruciaux contre le Nigeria. On a mal commencé la campagne de qualification pour la Coupe du Monde, donc on est quasiment obligé de gagner à domicile comme à l’extérieur. Mais ça ne va pas être une mince affaire parce que le Nigeria est une grande nation du foot africain.

Perso, la CAN t’a donné une confiance en toi supplémentaire ? Tu as l’impression d’avoir changé de statut ?

SUTCHUIN DJOUM : Je pense que je n’ai pas trop changé, je suis toujours le même. Après, c’est vrai qu’en club, les gens attendent plus de moi dorénavant mais je m’y attendais. Et c’est certain qu’être champion d’Afrique me donne plus de confiance dans mon jeu, j’ose plus de trucs. Ce n’est que du positif.

La CAN t’a offert une belle visibilité. Comment vois-tu ton proche avenir ?

SUTCHUIN DJOUM : Il est clair que l’équipe nationale, ça peut être un boost dans la carrière de tout footballeur. Si j’enchaîne avec une bonne Coupe des Confédérations, ça pourrait m’ouvrir des perspectives mais je reste calme. Je suis sous contrat en Ecosse et j’y suis bien, donc on verra bien ce que le futur me réserve. Même si c’est clair qu’évoluer un jour en Angleterre, par exemple, serait un rêve.

 » RODA NE DEVAIT ÊTRE QU’UN TREMPLIN  »

Et la Belgique, tu pourrais y revenir ? Ça ne te manque pas cette reconnaissance dans le pays où tu as grandi ?

SUTCHUIN DJOUM : J’ai toujours dit que ça me plairait de rejouer un jour en Belgique. Toute ma famille et mes amis sont ici. J’aimerais qu’ils puissent me voir jouer, oui.

Tu as grandi à Bruxelles. Tu peux nous retracer ton parcours belge ?

SUTCHUIN DJOUM : J’ai commencé au SCUP Jette à 8 ans et demi. J’y ai passé trois saisons avant d’aller au RWDM. J’ai fait toutes mes catégories d’âge chez les Coalisés, où j’étais souvent surclassé.

Vers 16 ans, j’ai commencé à me dire que je pourrais avoir un avenir dans le foot. J’ai débuté en équipe première à 17 ans et je suis resté deux saisons, le temps de jouer une dizaine de matches. J’étais international U19, puis U20 où j’ai côtoyé des gars comme Axel Witsel, Eden Hazard ou Toby Alderweireld.

Au bout de cette deuxième saison pro, le club a été relégué et on a eu quelques conflits avec le président, le club manquait de stabilité. J’ai donc signé à Anderlecht où je suis resté six mois en équipe réserve avant de partir aux Pays-Bas, à Roda.

Pourquoi tu n’es pas resté plus longtemps chez les Mauves ?

SUTCHUIN DJOUM : J’étais en réserve et Roda s’est manifesté. J’ai alors demandé à Anderlecht ce qu’ils envisageaient pour mon futur et je n’ai pas obtenu de réponse claire. Aussi ai-je décidé de rejoindre le club holllandais. C’était la première fois que je quittais ma famille mais j’avais la chance que Kerkrade ne soit qu’à une heure et demie de voiture. Ce n’était pas la mer à boire. Au départ, je voyais ce club comme un tremplin mais finalement j’y ai passé cinq ans et demi.

 » CHAMPION SANS JOUER, ÇA N’A PAS LA MÊME SAVEUR  »

Tu es ensuite parti en Turquie, à Akhisarspor. Comment c’était là-bas ?

SUTCHUIN DJOUM : J’ai opté pour ce club car j’ai senti que le coach me voulait vraiment. Ses dirigeants ont tout fait pour m’avoir et m’ont offert un bon contrat. Ma femme et mon fils, qui venait de naître, m’ont accompagné en Turquie et on s’est rapidement adapté à la vie sur place. Sportivement, je jouais dans l’entrejeu au côté de Didier Zokora qui m’a appris énormément. Malheureusement, les résultats n’étaient pas conformes aux attentes et un nouveau coach est arrivé.

Un certain Roberto Carlos…

SUTCHUIN DJOUM : Je me suis entraîné deux semaines avec lui, c’était impressionnant d’avoir un aussi grand joueur comme coach. Il s’entraînait avec nous et il avait toujours un fameux pied gauche. Quand il tirait quelques coups francs, on l’observait avec attention. Malheureusement, à l’époque, le nombre d’étrangers en Turquie était limité. Il a fait ses choix et j’ai dû m’en aller.

Tu signes alors au Lech Poznan, en Pologne.

SUTCHUIN DJOUM : Oui, j’étais la doublure du numéro 6, le capitaine. Dans ces conditions, je n’ai pas eu beaucoup de temps de jeu. On a été champion mais ça n’a pas la même saveur quand on joue peu. Résultat des courses, j’ai décidé d’arrêter l’aventure en fin de saison.

Tu passes alors quelques mois sans club ?

SUTCHUIN DJOUM : Quand tu viens de passer par la Turquie et la Pologne, les clubs pensent vite que tu es un joueur qui veut voyager, qui cherche l’argent alors que ce n’était absolument pas le cas. Je me suis donc entraîné dur avec un préparateur personnel. J’ai été patient et finalement Hearts s’est présenté en septembre et je n’ai pas hésité.

Tout roule pour toi là-bas ?

SUTCHUIN DJOUM : Oui, ça s’est tout de suite bien passé, que ce soit avec l’entraîneur, mes coéquipiers ou les supporters. Il y a même une chanson en mon honneur quand je marque. Au départ, je n’avais signé que pour six mois mais j’ai déjà été prolongé deux fois et je suis maintenant lié au club jusqu’en 2019. Je suis un joueur technique mais j’ai su m’adapter facilement au jeu écossais, très direct. Ça va parfois à mille à l’heure. La saison passée, on a terminé troisième. L’objectif est de faire aussi bien cette année pour jouer les tours préliminaires de l’Europa League. On a les moyens d’y arriver.

PAR JULES MONNIER – PHOTOS BELGAIMAGE

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire