Sensation dynamique de la danse : intérieur d'un bar de nuit, © COLLECTION MAURICE ET CAROLINE VERBAET / MU.ZEE

Etoile filante

Seul futuriste belge adoubé par ses pairs italiens, Jules Schmalzigaug aura eu une carrière internationale aussi brève que fulgurante. Il est aujourd’hui l’objet d’une exposition remarquable à Ostende.

Né à Anvers en 1882, Jules Schmalzigaug peut être considéré comme un authentique artiste européen. Au cours des quelque trente-cinq ans qu’aura duré sa courte vie, l’homme aura commencé des études à Dessau (Allemagne), les aura poursuivies à Anvers, aura voyagé en Italie et se sera fixé quelques mois à Venise avant de parcourir la France, de visiter l’Exposition universelle de Bruxelles en 1910 et d’exposer à Paris l’année suivante. C’est d’ailleurs à Paris qu’il découvrira la peinture futuriste dès 1912, un mouvement qui a profondément influencé l’histoire de l’art abstrait en Europe au XXe siècle et qui bouleversera sa conception de l’art. Il retourne alors à Venise, s’intègre au groupe des futuristes italiens – Severini, Boccioni, Balla, Marinetti – qui le considéreront comme leur pair. En avril 1914, il devient le premier artiste belge à intégrer un mouvement d’avant-garde historique en participant à l’Esposizione libera futurista internazionale à Rome. Il ne le sait pas encore : ce sera le sommet de sa carrière.

Nous sommes un siècle plus tard, et ses toiles sont à nouveau enfin rassemblées à Ostende. Intitulée Jules Schmalzigaug et la cuisine futuriste, l’exposition ne se contente pas de rendre hommage à la carrière du peintre ; elle contextualise son parcours en montrant quelques oeuvres signées des futuristes italiens, forcément rarement montrées chez nous, et évoque les autres peintres belges qui, à cette époque, ont flirté avec le mouvement.

Tombé dans l’oubli

Rythmes et mouvements, couleurs et lumières, vibrations et fragmentations sont les mots qui viennent spontanément à l’esprit quand il s’agit de qualifier les toiles du Belge. Comme tous les futuristes, il est un adepte du progrès, symbolisé notamment par la vitesse des premières automobiles. Une apologie de la vie moderne qui lui fait rejeter, au même titre que ses collègues, le système ancien : renoncement à la perspective, expérimentation des couleurs, invention de nouvelles formes résultant de l’analyse de la dynamique des mouvements sont les ingrédients du futurisme pictural. Ses compositions sont enlevées, lumineuses, parfois même flamboyantes. L’éclatement des formes et la fragmentation des couleurs confèrent à son style un dynamisme qui l’inscrit de plain-pied dans la modernité de l’époque à laquelle il s’identifie pleinement. Sa réflexion sur les couleurs est intense. Dans un manifeste qu’il appellera La Panchromie, il défend par exemple l’idée qu’une oeuvre ne peut s’animer que si elle atteint un savant équilibre entre les teintes vives des couleurs primaires et la lumière plus sombre des couleurs feutrées.

Le déclenchement de la Première Guerre mondiale l’oblige à rentrer à Anvers avant de se réfugier avec sa famille à La Haye, où il côtoie Rik Wouters et Vantongerloo. Sa peinture s’est cependant quelque peu empesée, les fonds se sont assombris : elle a perdu la luminosité de sa période italienne. Isolé de ses amis transalpins, marqué par la nouvelle du décès de Boccioni, il se donnera la mort le 13 mai 1917 dans son atelier à La Haye. Ses oeuvres n’auront jamais été exposées de son vivant en Belgique, où son influence sera d’ailleurs quasi inexistante. Le voici dûment réhabilité.

Jules Schmalzigaug et la cuisine futuriste, au Mu.ZEE, à Ostende, jusqu’au 5 mars. www.muzee.be

PAR BERNARD MARCELIS

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