Etienne, le troisième

Chaque limogeage titille l’envie de radoter, mais je dois éviter le radotage. Après l’épisode trois zigouillant Delangre, je ne vais donc pas vous refaire l’exégèse du phénomène: il suffit que vous vous reportiez à mon papotage sur l’épisode un, zigouillant Waseige le 25 septembre dernier. Mais ça me laisse l’envie de papoter quand même, vu que chaque coach défenestré nous demande à tous de nous situer quelque part entre deux avis extrêmes, qui font l’extrême richesse des conversations du Café des Sports.

Soit tu ne pouvais pas piffer le défenestré et tu exultes, tu trouves que c’est bien fait pour sa gueule: tu proclames à la cantonade qu’il n’y avait aucune raison pour qu’il échappe, plus qu’un autre, à l’éternelle logique des mauvais résultats. Soit au contraire tu le trouvais chouette et tu as mal pour lui, tu rebois une chope, et tu te demandes alors tristement quand le foot échappera à cette logique imbécile d’infantilisme dirigeant. Et le plus gag est qu’à chaque épisode zigouilleur, nous soyons chacun capable d’osciller d’un extrême à l’autre…

J’avais dit du bien de Delangre en début de saison, ce n’est pas la vulgaire petite anecdote qu’est un limogeage qui me fera changer d’avis. Au contraire: Etienne n’a jamais geint, ni pendant ni après, ce n’est pas si courant que ça, et c’est à son honneur. Refusant aujourd’hui qu’on le plaigne, préférant râler parce qu’un gagneur ne veut jamais perdre, parce qu’une défenestration ne sera jamais pour lui qu’une petite mort passagère.

Parfait gentleman aussi, Delangre savait les règles du jeu: savait qu’en période de basse conjoncture, on ne se grandit pas en refilant la patate chaude aux autres fautifs en puissance que sont les dirigeants, les joueurs et les autres membres du staff. Oui, je sais, Scifo avait jadis désigné un cinquième fautif, à savoir le public négatif, coupable de fragiliser les joueurs! Mais Enzo se mélangeait davantage les idées lors des interviews que les pinceaux sur le terrain: confondant en ce cas colère passionnelle et culpabilité…

Voyons voir les trois autres coupables plausibles. En foot, on désigne peu du doigt les adjoints quand les résultats foirent et ils ne sont jamais virés, comme s’ils n’avaient pas vraiment d’importance, comme s’ils ne faisaient qu’appliquer les idées de l’entraîneur principal tout puissant: jamais, l’analyse des causes du bordel n’amène à se séparer en cours de saison de l’entraîneur adjoint, du préparateur physique ou de l’entraîneur des gardiens. Tout au plus arrive-t-il que bien plus tard, à tête reposée mais revancharde, le coach limogé règle certains petits comptes… Ici, sans rien préjuger des honnêtetés respectives, il faut remarquer que la situation de Delangre était peu banale: le plus souvent, un nouveau coach amène avec lui son adjoint-fétiche, ou reçoit d’autorité l’adjoint-maison. Au Sporting, Bayat a hésité entre deux coaches principaux ayant fait acte de candidature, pour finalement choisir les deux …en imposant à l’un d’être le second de l’autre! Etait-ce une option performante à la base?

Etienne n’a jamais chargé les joueurs, ni ne les a « diabolisés » comme c’est la mode au Standard: il s’est juste avoué impuissant face à la récurrence des grosses gaffes. Là, entre un Heylens prétendant que le meilleur coach du monde ne peut rien face aux erreurs individuelles, et un Ferrera expliquant qu’un coach doit se sentir coupable à chaque but encaissé, j’avoue que mon coeur penche vers Emilio: la première attitude est fataliste, la seconde est gage de progression …mais il est difficile de l’appliquer en public quand tu es dans une spirale négative!

Etienne aurait fait ça …et Bayat l’aurait flingué illico: en concluant que la communication de l’entraîneur ne passait pas!

Bayat enfin, décideur omnipotent mais pas omniscient: impensable de le désigner comme coupable puisqu’il a le blé, et qu’un bailleur de blé n’est coupable que s’il le décide lui-même!

Sera-ce demain la veille à Charleroi, et sera-ce mieux ensuite? Bayat continue-t-il d’apprendre lentement, ou pas du tout? C’est la grande question à 15 centimes Boulevard Zoé Drion.

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