Ethique vs éthique : un match dans le match !

Peu importe le montant de l’amende infligée par l’URBSFA. Mais sanctionner Stijn Stijnen pour cinquième carton jaune suspensif pris volontairement et surtout pour l’avoir avoué, c’est d’abord sanctionner la franchise et encourager la… simulation : avis à tous, mieux vaut jouer ensuite la grosse biesse hypocrite, et regretter publiquement le carton dont on se réjouit sous cape ! C’est grosso modo ce qu’a fait Jelle Van Damme, pourtant deux fois plus coquin : puisqu’en provoquant sa dixième jaune, l’Anderlechtois s’est offert DEUX dates de suspension qui lui convenaient !

Faut pas être plus catholique que Benoît, pareille attitude n’est jamais qu’une roublardise découlant des règlements : un fait de jeu comme disent les arbitres, et sûrement pas plus roublard qu’un tirage de maillot ou une faute de main salvatrice et intentionnelle. Ou alors, outre siffler ces deux types de fautes, il faut désormais les accompagner elles aussi, chaque fois, d’une amende pour atteinte à l’éthique : là, je viens peut-être de dégotter, inopinément, le filon qui renflouera les finances fédérales…

Sans blaguer ni mentir : choisir, quand c’est possible, son dimanche de suspension est une pratique généralisée, bien davantage au niveau amateur. Dès le moment où un joueur totalise déjà deux cartons jaunes, il s’efforcera de ramasser le troisième si, de toute façon, il est indisponible pour le match suivant. Je vous cite les quatre empêchements habituels : un examen le lundi quand le joueur est étudiant, un dimanche où il bosse quand le gars travaille en pauses le week-end, une communion dans la famille quand vient le joli mois de mai, et surtout (très tendance) copains abandonnés pour cause de sports d’hiver ! En pareils cas, le coach est le premier à suggérer à son joueur d’£uvrer intelligemment pour que jaune lui soit brandi, ce qui nécessite du doigté, faudrait pas croire.

Surviennent des cas plus ou moins comiques où le joueur n’arrive pas à ses fins, comme si le referee du jour adorait les emmerdeurs ! En surviennent d’autres où le gars prend tôt son carton volontaire, mais ensuite un second qu’il n’avait pas prévu : il est exclu, son compteur n’est pas remis à zéro, tout a foiré…

That’s all folks !, laissons faire, le mieux est l’ennemi du bien. Et l’ennemi est ici l’éthique à-tout-va : laquelle surgit aussi lorsqu’un coach met au repos (tous) ses titulaires lors d’un match sans enjeu pour son équipe, faussant la compétition selon les puristes, mais ne faisant qu’obéir à une logique de compétition selon les pragmatiques. Idem pour notre dernière journée de championnat dimanche prochain : on peut trouver de l’injustice entre les situations de Zulte Waregem (qui matchera un Malines évoluant totalement pour du beurre) et du Standard (opposé à une Gantoise pour laquelle les trois points compteront)… En fait, en sanctionnant Stijnen, l’URBSFA refile surtout un grand pied de nez au conseil d’éthique récemment créé par la Ligue pro, clamant par là sa capacité à moraliser le foot toute seule comme une grande. Et vu qu’ Alex Ponnet, figure de proue de cette commission neuve, aurait déclaré de son côté que l’attitude d’un Van Damme ne le dérangeait pas, on se dit que les matches entre écoles d’éthique ne font que commencer…

C’est la mode et ce n’est pas que chez nous. Récemment en Italie, les caméras en gros plan ont saisi Gianluigi Buffon au sortir d’une grosse bourde, en train de pester sur lui-même et sur le destin : on a décodé sur ses lèvres qu’il hurlait Porco dio !, juron transalpin consacré signifiant que le Bon Dieu est un cochon. Eh bien, les instances du Calcio envisagent une sanction, pour mauvaise image répercutée à la jeunesse et manque de respect envers la religion ! Faudra désormais surveiller sa bouche, même quand on est tout seul sans micro délateur, que tout foire, et qu’on s’offre un p’tit blasphème qui soulage. Faudra bientôt jouer avec une auréole.

PS : Jean Ferrat qui est mort a chanté des chansons magnifiques. Il en est une méconnue (Ils volent, volent, volent) qui parle des gamins brésiliens des favelas, pour lesquels le foot est espoir d’échapper à la misère. Rien à voir avec Stijnen, mais pour info et in memoriam.

par bernard jeunejean

« Les cartes jaunes de Stijnen et Van Damme ne sont jamais qu’une roublardise découlant des règlements : un fait de jeu comme disent les arbitres. »

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