Ethique à Tubize-Genk : beuglantes excrémentielles et réaction de cheikh

Retour sur les beuglantes excrémentielles des supporters de Genk voici dix jours, et sur la réaction à la cheikh de Louis Derwa. Le manager de Tubize s’est expliqué ensuite : c’est après mûre réflexion, a-t-il dit, qu’il s’est finalement décidé à entrer sur le terrain, posément, sans grossièreté, dans l’intérêt du foot en général, pour en faire respecter les valeurs, pour en stigmatiser les dérives. Judicieux ou pas, son petit envahissement de terrain en solo partait donc d’une intention noble… sauf que mon petit doigt me dit que ce n’était peut-être pas réfléchi si mûrement que ça, si pacifiquement prémédité !

Derwa est aussi le manager d’un club qui ne rigole pas en ce moment en D1, Derwa n’y rigole pas plus qu’un autre vu qu’il n’est jamais marrant de trimballer la lanterne rouge et ses problèmes, et Derwa doit aussi posséder des plombs qu’il peut péter, même s’il les pète poliment. Et donc, mon p’tit bémol à moi est ici de penser que, si Tubize avait été en train d’étriller Genk pour passer 4e au classement, Louis Derwa ne serait sans doute jamais monté sur le terrain, le caca wallon aurait glissé sur la carapace de son indifférence, ça l’aurait même peut-être fait sourire que ses visiteurs flamands déblatèrent par dépit…

Fallait le dire pour replacer la réaction dans le contexte : le foot est tellement frustrant qu’il relie tes souffrances à l’une ou l’autre injustice subie, et que tu te sens parfois une âme de chevalier blanc pour évacuer ton trop plein de ras-le-bol…

Ne parlons même pas du terrain, où la provocation verbale est intégrée à l’arsenal des joueurs les plus cyniques, le coup de boule de Zinédine Zidane à Marco Materazzi en est la référence désormais mythique… Cantonnons-nous aux gradins, où la xénophobie est déjà présente quand un camp de supporters hurle ses enculades au camp de supporters opposés. Et si j’en crois les plus scandalisés, elle amplifie quand c’est toute une communauté (ici tous les Wallons, pas rien que les Tubiziens) qui se trouve insultée, puis atteint son paroxysme quand les insultes concernent toute une race. Mais le spectacle de foot se déroule dans un contexte où les attitudes « anti » et les slogans vexatoires sont légion, c’est moche, ça ne date pas d’hier et ça ne nous grandit pas, qui que nous soyons à aimer le foot…

A partir de quand cela mérite-t-il d’envahir un terrain, d’arrêter un match ? Quand c’est une race de 2 milliards d’hommes qui est insultée ? Ou une communauté de 4 millions ? Ou 10.000 supporters adverses, 5.000, 1.000, 100, 10 ? ! Ou rien que maman ? Ou bien quand les insulteurs sont 100 à gueuler, ou 1.000, 5.000, 10.000 ? ! Y a-t-il une barrière mathématique, et une barrière langagière, à partir de laquelle la connerie est clairement intolérable ? Réponse difficile. La seule qu’aient trouvée les autorités du foot en Belgique, c’est de condamner clairement le principe… puis d’en confier l’application éventuelle à l’appréciation de l’arbitre !

Mazette, voilà que se ramène le spectre du « pouvoir interprétatif » du directeur de jeu ! Et voilà qu’il se ramène ailleurs que dans la direction stricte du jeu ! Tu siffles péno ? T’as raison. Tu ne siffles pas le même péno ? T’as raison aussi. Tu interromps un match à la Claude Bourdouxhe ? T’as raison. Tu ne l’interromps pas à la Joeri Vandevelde ? T’as raison aussi. L’absence de clarté et l’absence de clarté sont les deux mamelles du succès populaire du football.

Un homme détient la solution : yaka faire comme en France, où existe un Conseil National d’Ethique (CNE), lequel retire des points en cas de manquement à ladite éthique, tempête Stéphane Pauwels ! Yaka rien du tout, Steph doit davantage réfléchir et mieux se renseigner. Davantage réfléchir parce que dans notre joli monde de foot truqueur, le risque est réel qu’on en arrive à déboucher sur de « faux supporters » qui feront perdre des points à l’adversaire ! Et mieux se renseigner : car depuis sa création en 2002, l’action du CNE français a débouché en tout et pour tout sur un seul retrait de points effectif pour attitude raciste des supporters (Bastia, Ligue 2, octobre 2007). Même le PSG s’est récemment dépatouillé sans casse (via recours au Conseil d’Etat) de sa récente et scandaleuse banderole anti-Ch’tis ! Louable au départ, le CNE français s’avère hélas un flop : au point d’être mis en cause, voici trois semaines, par les arbitres français eux-mêmes. Au point que Dominique Rocheteau, emblématique président de ce CNE, en déplore lui-même le rôle effacé…

par bernard jeunejean

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