Etat d’urgence

Ce week-end, un Mons malade accueille un Brussels agonisant.

Bowling dans la bonne humeur au programme des Montois, mercredi dernier. Le bilan désastreux du début de saison (1 point sur 15) ne semble pas avoir de répercussions sur l’ambiance dans le staff et dans le noyau de joueurs. Le point avec l’entraîneur à quelques jours d’un rendez-vous hyper important : lors de la visite du Brussels, ce samedi, José Riga et Albert Cartier seront deux coaches sous haute tension.

Vous estimiez nécessaire d’intégrer une activité de team-building dans votre programme ? Parce qu’il y a actuellement du boulot à ce niveau-là ?

José Riga : Ce n’était pas planifié mais j’ai profité de la trêve de 15 jours pour sortir des sentiers battus. Même si je ne suis pas accro aux activités de team-building, je ne suis pas non plus contre la formule. Cela peut faire du bien de se retrouver en dehors du stade.

Quel est l’état d’esprit du groupe ?

On ne peut pas avoir un vestiaire qui siffle quand les points ne suivent pas. Les victoires, c’est le carburant d’un footballeur. Mes joueurs sont forcément un peu dans le doute. Mais ils ne sont pas traumatisés. Ils restent très lucides : ils savent ce qu’ils ont bien fait et ce qu’ils ont mal négocié, ils sont conscients de s’être mis surtout eux-mêmes dans la situation actuelle. Mais comme ils n’ont pas montré que de mauvaises choses, ils n’ont pas la tête basse.

L’équipe était dans la même crise en novembre 2006 : les deux situations sont-elles comparables ?

Non. A l’époque, beaucoup de joueurs découvraient la D1 et manquaient de points de repère. Et personne, à l’extérieur du club, n’avait prévu un classement plus flatteur que la lutte pour le maintien. Le groupe avait entamé le championnat avec une obsession : donner tort à tous ceux qui nous avaient condamnés d’avance. L’envie de faire mentir les pronostics était là, mais beaucoup de joueurs traînaient quand même une question lancinante : -Est-ce qu’on peut y arriver ? Aujourd’hui, c’est différent. Ils se disent : – On doit y arriver parce qu’on en a les moyens, parce qu’on l’a prouvé. Attention, ce ne sont ni les joueurs, ni les entraîneurs qui ont bombardé Mons comme révélation de cette saison. C’est un pronostic des médias et des adversaires. Mais il est clair que certains, dans le club, y ont cru et se sont vus trop beaux. Heureusement, ils ont entre-temps reconnu leur erreur : c’est un premier pas, tout le monde n’est pas capable de le franchir. Vu nos résultats depuis la reprise, on met forcément en question la qualité des joueurs et de l’entraîneur, mais ça ne change rien dans notre attitude parce que nous gardons nos convictions. Je relève surtout une grosse frustration dans le groupe, à cause de tous les coups que nous avons déjà pris sur la tête. La déception est à la mesure de l’envie des joueurs.

La défaite à Charleroi a été un tournant ? Vous aviez tout en mains pour gagner là-bas mais vous avez de nouveau perdu.

Pour moi, le vrai tournant a été le match à domicile contre Malines, lors de la deuxième journée. Nous savions que c’était une équipe difficile à man£uvrer et que ce match allait se jouer sur des détails. Nous avons fait le plus dur en prenant l’avance puis nous avons commis une double erreur qui leur a permis de revenir : un coup franc évitable puis une mauvaise gestion de cette phase arrêtée. Si nous avions pris les 3 points ce jour-là, tout aurait changé. Tout, tout, tout ! Après cela, nous avons été battus à Mouscron alors que nous avons joué une mi-temps dans leur camp. Et l’adversaire a marqué sur un penalty qui n’en était pas un. Tout cela a fait que nous avons reçu Lokeren avec le couteau sur la gorge. Encore une grosse erreur défensive synonyme de but, puis nous nous sommes heurtés à un mur. J’espérais vraiment le déclic à Charleroi. Là encore, nous prenons un but gag au moment où nous sommes les meilleurs sur le terrain. A 1-1, nouveau but gag. C’était terminé. Ce que nous n’avons pas su faire sur trois vraies occasions, Charleroi l’a fait sur une demi. C’est toute l’histoire de notre début de saison, finalement. Et il y a aussi le fait que les adversaires ne nous abordent plus du tout de la même façon que l’année dernière : aujourd’hui, Mons est respecté et craint. Les matches contre nous sont devenus, pour tout le monde, des obstacles à négocier avec le plus grand soin. Bruges, Genk et Anderlecht se sont fait ramasser chez nous la saison passée : cela a marqué les esprits. Mais bon, toutes ces circonstances atténuantes ne me refont pas : quand je regarde notre classement, je me dis : -Punaise, ce n’est pas vrai…

Changer le jeu pour Roussel ?

Votre goal-average est catastrophique : 4 buts marqués, 10 encaissés.

Tout à fait. Le paradoxe, c’est que nous nous créons plus d’occasions que nous en concédons aux adversaires. Je ne retrouve plus la rentabilité défensive qui nous avait permis de sortir de la D2 et d’avoir la meilleure ligne arrière après la première partie du championnat de l’an dernier.

Cédric Berthelin a été le premier à en faire les frais : il s’est retrouvé sur le banc à Charleroi. Etonnant pour un capitaine.

Tout le monde a été surpris mais cette décision s’inscrivait simplement dans une certaine logique par rapport à ce qu’il avait montré lors des matches précédents. Nous savions que le deuxième gardien, Charly Konstantinidis, était capable de relayer Berthelin en cas de blessure, suspension ou méforme. Le moment était venu de le lancer. On remplace les joueurs de champ qui ne sont pas irréprochables ; pourquoi ne le ferait-on pas avec le gardien ? Je sais que Berthelin est souvent le porte-parole du groupe devant les médias, mais moi, je m’intéresse d’abord aux prestations. Il a bien compris ma décision et je sais qu’il reviendra plus fort. De mon côté, j’assume, et si c’était à refaire, je le referais.

Mais Konstantinidis s’est troué et risque maintenant de ramer un bon moment.

Il était bien entré dans le match, jusqu’à cette erreur de jeunesse. Il a eu le tort d’écouter Roberto Mirri, qui lui a dit de ne pas prendre le centre-tir de Majid Oulmers parce qu’il allait sortir. Je me demande toujours pourquoi mon capitaine de ce soir-là lui a crié un truc pareil !

Pourquoi avez-vous aligné 5 médians dans ce match qu’il fallait absolument gagner ?

Je sais que cela aussi a étonné certaines personnes, d’autant que c’était une des premières fois, depuis mon arrivée à Mons, que je posais un entrejeu à 5. Vu la qualité de la ligne médiane de Charleroi et sa faculté à conserver le ballon, j’estimais que c’était une façon de prendre la mainmise sur cette partie du terrain tout en créant nous-mêmes le danger. Et cela n’a pas mal marché parce que nous avons longtemps empêché Charleroi de faire ce qu’il voulait dans le milieu du jeu et d’être dangereux.

On attendait quand même un Mons plus offensif.

Wilfried Dalmat, Alessandro Cordaro et Fadel Brahami sont des joueurs offensifs et j’alignais François Zoko en pointe. Mon intention était d’introduire un offensif en plus pendant le match, après en avoir pris le contrôle. Mais l’évolution du score ne m’a pas permis de faire ce que j’avais prévu.

Trois attaquants ciraient le banc : Aliyu Datti, Ilija Stolica et Cédric Roussel.

Je voulais rendre du contenu à notre jeu avant de viser les trois points. Sachez aussi que Stolica ne m’avait pas donné beaucoup d’apaisements dans le match contre Lokeren, que Datti ne respire pas la forme et que Roussel venait de débarquer.

Quand Roussel sera-t-il totalement opérationnel ?

Physiquement, il n’est pas loin du top, mais il manque de temps de jeu. Et cela aurait été plus facile pour lui de débarquer dans une équipe qui tourne et qui respire la confiance. Je ne peux pas le lancer aveuglément et lui imposer de mettre 4 buts pour que nous remportions enfin un match. Et je dois aussi tenir compte d’un autre paramètre : mon équipe n’est pas habituée à jouer en fonction d’un attaquant très fort de la tête. Il y aura peut-être des corrections à apporter dans notre jeu pour que Roussel soit performant.

Quand il a terminé meilleur buteur de D1 avec Mons et Marc Grosjean, l’équipe jouait en 4-5-1, comme vous l’avez fait à Charleroi…

On ne peut pas comparer les deux époques parce que les noyaux ne sont pas les mêmes. La seule similitude, c’est Roussel.

Votre avis sur les rumeurs de transferts qui ont peut-être parasité l’ambiance : Baseggio, Dahmane, Herpoel.

Il aurait fallu être plus discret mais des rumeurs pareilles font partie du quotidien d’un footballeur professionnel. Ils savent qu’il y a deux périodes de transferts par saison et doivent s’y faire. Dans ce métier, on est comme dans une entreprise : on doit savoir qu’on est susceptible de sauter du jour au lendemain pour laisser la place à un nouveau venu. La seule solution, c’est de se montrer indispensable. Moi aussi, je pourrais paniquer quand un nouveau coach potentiel est dans la tribune. Mais il faut savoir faire abstraction de tout cela. Maintenant, c’est clair que tout le monde n’y parvient pas nécessairement. Ce n’est pas toujours facile.

Cette équipe n’a-t-elle pas tourné en surrégime la saison passée ?

Je ne parlerais pas de surrégime mais de meilleur régime possible pendant une partie de la saison. C’est impossible de refaire sur 34 matches ce que nous avons réussi au deuxième tour. Il faut retrouver de la régularité mais je répète que tout le contenu de nos 5 premières rencontres n’est pas à jeter par la fenêtre.

 » Changer d’entraîneur ? On pose plus vite la question à Mons qu’ailleurs. « 

La direction a officiellement confirmé que vous n’étiez pas menacé : était-ce nécessaire ?

Pas du tout. Ma place a déjà été plusieurs fois remise en question la saison passée, mais je pense que c’est l’histoire du club qui veut cela. Vu le passé de Mons en matière de consommation d’entraîneurs, on pose plus vite la question ici qu’ailleurs. Mais je suis persuadé que la direction a changé de philosophie depuis deux ans. Les médias s’interrogent beaucoup plus rapidement que les dirigeants… et que moi. Quand un entraîneur ne pense plus qu’à sauver sa peau et se persuade que seuls de bons résultats lui permettront de garder sa place, il arrête d’être bon. Nous nous en sortirons ensemble. Je suis le même que quand je suis arrivé et le groupe est valable.

Quand vous sentirez-vous menacé ?

Le terme  » menacé  » évoque pour moi des choses bien plus graves. Ce n’est pas un sentiment qui m’habite dans des circonstances pareilles. Par contre, je suis lucide par rapport aux risques du métier.

Vous n’aurez pas l’impression de jouer votre tête dans les deux prochains matches, contre le Brussels et Dender ?

Il faudra des résultats et du contenu, c’est ça qui me préoccupe. Pour le reste, que voulez-vous que je vous dise ? -Deux défaites dans ces matches-là et je rends mon tablier ? Non, je ne pense pas à tout ça, je veux surtout profiter de ces affrontements pour récupérer les points que nous méritons et que nous n’avons pas.

Mons-Brussels, Riga-Cartier : malheur au vaincu ?

On peut gagner ou perdre de différentes façons, mais sachez qu’après ce match, il en restera encore 28.

par pierre danvoye

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