Et si c’était vrai ?

En se basant sur son expérience de succès et de galères, l’élégant médian est animé par la certitude de relancer son nouveau club et sa carrière.

La nouvelle patte gauche des Carolos a apprécié un succès de librairie de Marc Lévy qui a été porté à l’écran : Et si c’était vrai ? Le héros de ce best-seller, un architecte, suit les conseils d’une femme que lui seul peut voir et entendre loin de l’hôpital où elle est plongée dans un coma irréversible. Devient-il fou ou est-ce réel ? Dans un monde de promesses et d’espoirs, qui ne se réalisent pas souvent, les footballeurs s’interrogent parfois sur leur vécu, le regard et les paroles des autres.

Avec son talent, sa lecture du jeu, sa faculté à découvrir des espaces pour ses équipiers, Christophe Grégoire n’aurait jamais dû vivre dans l’anonymat de la D1 hollandaise et de Willem II Tilburg avant de se retrouver pour six mois parmi des Zèbres malades. Le parcours d’un footballeur n’est jamais un roman fleuve tranquille. Même s’il a échoué en son temps sur les rives prestigieuses d’Anderlecht, cet excellent technicien mérite mieux que cette carrière en demi-teintes.

Chapitre I Mouscron la bohème

Grégoire a 20 ans et mange de la vache enragée. Hugo Broos l’a repéré à Tilleur-Liège et lui enseigne le métier à la dure. Il patiente une saison en tant que back gauche, une place inhabituelle pour ce médian. La saison suivante, il fait son trou en équipe fanion. Le Sérésien connaît ensuite des fortunes diverses : des relations difficiles avec Lorenzo Staelens puis une saison de rêve sous la direction de Georges Leekens. En janvier 2005, les Hurlus sont dans la dèche la plus complète et le cèdent à Anderlecht pour seulement 300.000 euros. Avec un peu de patience, il aurait tapé dans l’£il d’un grand club étranger. Et si c’était vrai ?

 » A 24 ans, je ne me suis pas posé de questions en signant à Anderlecht « , explique Gregoire.  » Même si je suis originaire de la région liégeoise, j’ai toujours été un fervent supporter des Mauves. Anderlecht me voulait depuis un petit temps et Hugo Broos, qui m’avait lancé en D1, entraînait les Bruxellois. Même s’il y avait eu un intérêt étranger, rien ni personne ne m’aurait empêché de signer au stade Constant Vanden Stock. Ce fut une décision dramatique mais je ne pouvais pas deviner qu’une carrière dépendrait d’un détail. En tout cas, je dois beaucoup à Mouscron. C’est un coin de Belgique où la chaleur humaine n’est pas un vain mot. Là, j’ai été compris et sans cesse soutenu. Tout ne fut pas facile car je changeais de planète. J’avais été lancé en D2 par Raphaël Quaranta et c’est Bernard Wégria qui m’installa dans cette série.

A Mouscron, j’ai bossé dans des conditions de rêve que je ne pouvais imaginer à Tilleur-Liège. J’ai finalement mis un an avant de débuter en D1. Je me suis glissé dans l’équipe de base à l’occasion du dernier match amical avant le début du championnat 2001-2002. C’était le temps des grosses équipes avec les Nenad Jestrovic, Steve Dugardein, Gordan Vidovic, Alexandre Teklak, Tonci Martic, etc. Je ne pouvais pas rêver plus bel écolage. J’ai quand même connu un problème : quand Broos est parti à Anderlecht, j’étais un peu orphelin.

Mes relations avec Staelens ne furent pas les mêmes, loin de là. Avec le recul, je comprends mieux son attitude, mais un jeune a du mal à évoluer sous les ordres d’un coach jamais content. Leekens a pris sa succession et l’ambiance changea du tout au tout. Leekens est exigeant mais il soude un groupe comme personne et connaît la D1 comme sa poche.

En 2004-2005, je ne suis resté que six mois à Mouscron. Philippe Saint-Jean avait remplacé Leekens. Mouscron était hélas miné par de gros problèmes financiers. L’effectif était divisé en pro- et anti-Saint-Jean. Les anciens étaient opposés à ses méthodes et à son approche moderne. Il s’appuyait sur de longues théories avec vidéos. Les jeunes appréciaient, les vieux pas et cela créa des tensions. Les contestataires n’auraient pas tenu un mois aux Pays-Bas où chaque détail est analysé durant des heures. Moi, l’approche de Saint-Jean m’a fait du bien.  »

Chapitre II L’enfer anderlechtois

Grégoire arrive au Parc Astrid au mauvais moment. Le club se cherche et Broos ne parvient pas à relancer la machine avant de céder sa place à Frankie Vercauteren. Le nouveau venu fait les frais de cette révolution de palais car le nouveau T1 ne croit pas en lui. Grégoire ne manque-t-il pas un peu de présence ? Est-il capable de secouer une équipe à la dérive ? Ce joueur est-il assez explosif ? Son transfert de rêve se transforme en véritable cauchemar. Après six mois, Grégoire est cédé à Gand. Sans le remplacement de Broos par Vercauteren, il serait devenu une des pierres angulaires d’Anderlecht : et si c’était vrai ?

 » Mon grand problème à Anderlecht porte un nom. Vercauteren « , assure Gregoire. Sa nomination à la place de Broos a constitué une catastrophe atomique pour moi. Il n’a jamais caché son opposition à mon transfert. Moi, il me semblait que c’était le moment ou jamais de tenter ma chance à Anderlecht qui cherchait une solution pour son flanc gauche. Vercauteren ne voulait pas de jeunes à cette place et rêvait du retour de Bart Goor. Pour lui, je n’existais pas et notre dialogue s’est réduit à rien du tout. Là, je tombais des nues car je m’attendais à tout sauf à cela. Mais c’est cela aussi le foot : on peut passer à la trappe pour rien. Herman Van Holsbeek m’a dit qu’il ne comprenait pas son coach. Ai-je commis des erreurs ? Probablement ? Avais-je assez de qualités pour Anderlecht. Pas pour Vercauteren. Pour moi bien même si je suis plus un technicien qu’un marathonien. Je ne pouvais pas rester dans un club dont le T1 ne me parlait jamais. C’est un échec. J’étais à Gand quand Vercauteren s’adressa à moi. Je venais de signer un bon match contre Anderlecht et il m’a dit -Si tu avais joué comme ça à Anderlecht, je t’aurais gardé… Je suis resté bouche bée : il aurait suffi de me faire confiance.  »

Chapitre III Intrigue à Gand

Il est heureux chez les Buffalos, que ce soit avec Leekens ou Trond Sollied. Grégoire devient international. La Bundesliga s’intéresse à lui avant que ses relations avec le manager gantois, Michel Louwagie, se compliquent. Lassé, il prend la direction de Willem II en janvier 2008. Pourtant, il aurait pu réussir en Allemagne. Et si c’était vrai ?

Christophe Grégoire :  » Gand m’a permis de retrouver la joie de jouer. Au départ, c’est tout ce que je demandais. C’était super avec Leekens et Sollied qui organisaient bien leur équipe. Je suis même devenu international. J’ai raté mon deuxième match en Azerbaïdjan où je n’ai pas touché valablement un ballon. J’espère qu’on songera à nouveau à moi. A Gand, je me suis rendu compte que Louwagie finissait par avoir des problèmes avec tous les joueurs. Avec lui, il faut lire attentivement les petites lignes de son contrat. A un moment, le Dinamo Bucarest me proposa un solide contrat, de quoi tranquilliser mon avenir. Gand exigeait deux millions d’euros et préférait que je reste. C’est ce que j’ai fait et le président Ivan De Witte me proposa une belle amélioration de mon contrat. Louwagie est intervenu pour couler ce projet. Plus tard, il a fait échouer mon transfert à Hanovre ou à Bielefeld. J’avais un accord de principe avec Bielefeld mais Hanovre m’offrait plus. J’ai essayé de gagner un peu de temps, mais Louwagie balança tout dans la presse : Bielefeld retira son offre et Hanovre opta pour un autre joueur. Hoffenheim m’a aussi proposé un gros contrat. A cette époque, Hoffenheim était en D2 et j’ai hésité, je n’y croyais pas. C’était une erreur. J’aimerais bien jouer en Allemagne. J’avais fait le tour de la question à Gand. J’aurais pu rester mais j’ai préféré relever un défi hollandais de Willem II. Non, je ne suis pas parti à cause de la présence de Bryan Ruiz. Sollied nous utilisait tous les deux et cela ne posait pas l’ombre d’un problème.  »

Chapitre IV L’espoir à Charleroi

Après six bons mois à Willem II, Grégoire vit une nouvelle traversée du désert. En janvier, il fait ses bagages et quitte l’ Eredivisie. Willem II le loue six mois à Charleroi. Mons et Lokeren se sont aussi intéressés à lui. En fin de saison, le Standard et Anderlecht seront intéressés par le gaucher de Charleroi. Et si c’était vrai ?

Christophe Grégoire :  » Je suis encore ébahi par la tournure des événements. Découvrir un autre football est intéressant. Mais il ne faut pas raconter des histoires : le niveau du championnat de Hollande n’est pas supérieur à celui de la D1. J’ai vu de très beaux stades mais l’outil de travail de Mouscron, par exemple, vaut celui de pas mal de clubs hollandais. Les équipes hollandaises ne sont pas spécialement offensives. Je m’attendais à un jeu plus chatoyant. Quand je suis arrivé, Willem II était dans le trou et il était urgent d’améliorer la qualité du jeu. Le sauvetage est finalement passé par un jeu positif et axé sur un désir d’être présent dans le camp adverse. Le coach, Andries Jonker (remplacé la semaine dernière par son T2, Fons Groenendijk), a changé de cap en début de saison. Jonker ne jurait plus que par le tout à l’arrière. J’avais compris dès le mois d’août : ce n’était pas mon truc. De plus, il récolta pas mal de points en début de championnat. Je n’étais pas venu en Hollande pour bétonner.

En janvier, j’ai été cité à Lokeren mais il n’y a jamais rien eu de concret. En fait, j’ai eu le choix entre Mons et Charleroi et ma décision a vite été prise. L’effectif des Carolos est plus riche. Les Dragons se débattent dans une situation délicate. Malgré cela, Mons a cédé son meilleur joueur, MomoDahmane, au Club Bruges : pour moi, ce n’était pas un signe de volonté de résoudre ses problèmes. Le discours de Charleroi était beaucoup plus dynamique. J’ai découvert un effectif complémentaire avec du talent dans toutes les lignes. Le classement ne reflète pas ses valeurs. John Collins veut relancer la machine en prônant un jeu bien lié : c’est ce que j’aime. On dit parfois que je ne fonctionne pas bien dans des équipes en crise, que je ne m’arrache pas assez sur un terrain. On ne peut pas tout avoir. J’ai de plus en plus de métier et c’est ce que veux offrir à Charleroi. Je dois relancer ma carrière et cela passe par de bons moments à Charleroi où, c’est vrai, j’ai été étonné par la vétusté du centre d’entraînement : je n’avais jamais vu cela.

Anderlecht ? Le Standard ? J’ai refusé un jour de signer à Sclessin : je suppose qu’on ne l’a jamais pardonné. Je ferai le point en fin de saison. Charleroi a une option pour racheter mon contrat. A moi de convaincre les Zèbres de me garder. « 

par pierre bilic – photos: reporters/ thys

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