Et le foot samba ?

Voici comment et pourquoi un Brésilien très offensif et un Belge assez conservateur forment la meilleure paire d’arrières centraux du pays.

Lokeren possède une des meilleures défenses du championnat, même si la formation entraînée par Georges Leekens est plus proche des places de relégables que de celles pour l’UEFA… Cette rigueur défensive, Lokeren la doit sans doute à son entraîneur, passé maître en la matière. Mais Leekens ne pourrait pas arriver à un tel résultat s’il ne comptait, dans l’axe, sur le duo composé d’Olivier Doll et João Carlos Pinto Chaves. Deux garçons que rien, au départ, ne prédisposait à s’entendre aussi bien mais qui se complètent à merveille. A un point tel que, du haut de ses 34 ans, dont 15 de professionnalisme, Doll n’hésite pas à dire qu’il n’a jamais eu, avec aucun équipier, un tel feeling qu’avec le Brésilien.

Sport/Foot Magazine est parti à la rencontre d’un duo étonnant, qui pourrait toutefois bien disputer sa dernière saison commune puisque Doll est en fin de contrat tandis que Chaves intéresse de grands clubs européens et a déjà failli partir à la trêve.

Vous êtes arrivés à Lokeren en même temps.

Olivier Doll : Pratiquement. Je suis arrivé en juillet 2004 et lui, au cours de l’hiver suivant. Cela fait donc trois ans que nous jouons ensemble.

João Carlos Pinto Chaves : Je crois qu’il ne faut pas chercher ailleurs le secret de notre réussite. D’autant qu’en dehors du terrain aussi, nous sommes bons amis.

Comment faites-vous pour vous parler ?

Chaves : Un peu d’anglais, un peu de français. Et Olivier connaît aussi quelques insultes en portugais (il rit). De toute façon, la langue du football est universelle.

Olivier, vous avez joué avec beaucoup de Brésiliens à Seraing. Cela vous a aidé à le comprendre ?

Doll : Non, le contexte était tout différent. Et puis, les Brésiliens de Seraing étaient plutôt des attaquants. Même si, à l’entraînement, João Carlos aime bien être devant ( il rit). Le plus important, c’est qu’il a une bonne mentalité, qu’il veut aller de l’avant et qu’il est intelligent.

Un bon élève, en somme ?

Doll : Je n’ai pas du tout la prétention d’être son professeur. Avec lui, c’est plutôt une question de feeling. Il est arrivé avec beaucoup de qualités et peu d’expérience. Et c’est vrai que, sur le terrain, je parle de toute façon beaucoup, mais pas seulement avec lui.

Chaves : Il a de l’expérience, c’est lui qui m’a le plus aidé depuis mon arrivée. C’est le joueur avec qui le courant passe le plus et je l’écoute beaucoup.

Vous avez des loisirs communs ?

Chaves : Non, car il habite loin tandis que je vis en plein centre de Lokeren. Mais on parle de tas de choses.

C’est Doll qui commande

Le duo que vous formez fait un peu penser à une paire d’inspecteurs : un méchant et un gentil. Le plus méchant n’étant pas forcément toujours celui qu’on croit.

Doll : Nous avons des qualités différentes. João Carlos a une aisance technique et une facilité de relance que je n’ai pas mais c’est ce qui fait qu’on se complète : nous mettons chacun nos caractéristiques au service de l’équipe. Et João Carlos a aussi des qualités défensives.

Chaves : Olivier n’est pas méchant mais c’est un chef : il sait commander, moi pas. J’ai besoin qu’il me parle.

Comment vous arrangez-vous, derrière ? Il y en a un qui prend le plus grand, le plus fort, le plus mobile… ?

Doll : Non, nous pratiquons un marquage de zone classique, en fonction des déplacements de l’adversaire. Ce n’est pas nécessairement moi qui vais au duel.

L’arrivée de Leekens a changé quelque chose à votre travail ?

Chaves : Non, pas spécialement. Il n’a pas voulu toucher à nos caractéristiques. Il m’a juste demandé de mieux choisir mes moments pour monter. Muslin me donnait beaucoup plus de liberté mais cela portait parfois préjudice à l’équipe.

Doll : C’est le contexte qui a changé. La saison dernière, Lokeren était mal embarqué, nous avons eu beaucoup de chance de rester en D1. La première mission de Leekens était de remettre de l’ordre, afin de repartir sur de bonnes bases. Il a beaucoup de charisme, impose ses idées. Son souci principal, c’est la recherche de l’efficacité. Cela commence par une bonne organisation. Je ne suis pas d’accord avec ceux qui disent que Lokeren joue un football négatif ou trop défensif : Nous sommes efficaces et bien organisés. Pour ma part, l’entraîneur me demande de tenir un rôle purement défensif et cela me convient parfaitement car d’autres joueurs ont des qualités plus offensives.

La défense centrale doit tout de même se sentir plus soutenue.

Doll : Il y a moins d’espaces que par le passé, en effet. João Carlos choisit mieux les moments où il monte.

Lokeren est le champion des matches nuls et marque peu. La pression sur la défense doit être énorme car chaque but encaissé peut être synonyme de défaite.

Doll : Je ne ressens pas cela comme un problème car nous savons que c’est en groupe que nous obtenons nos résultats. Cela fait partie des caractéristiques d’une équipe comme Lokeren. En D1 belge, quatre ou cinq formations sortent du lot, les autres se valent. Lokeren fait partie de ce dernier groupe et a besoin d’un noyau au sein duquel la remise en question permanente est quelque chose de très importante. Ce qui fait la réussite de João Carlos, c’est qu’il a compris cela : il est très intelligent sur le terrain comme en dehors, cela facilite les choses.

Ce n’est pourtant pas évident, quand on vient du football-samba.

Chaves : C’est vrai qu’ici, les attaquants sont les premiers défenseurs alors qu’au Brésil, c’est l’inverse. Même le gardien est parfois le premier attaquant de son équipe, quand vous voyez le nombre de keepers qui jouent haut ou tirent eux-mêmes les coups de pieds arrêtés. A Lokeren, le plus difficile à vivre c’est que nous ne vivons pas souvent un match peinard mais nous nous sommes habitués à cela, nous savons que chaque rencontre est un combat. J’avais déjà compris cela en Bulgarie mais cela s’est encore accentué ici car le niveau de jeu est plus élevé.

Vous avez joué deux ans au CSKA Sofia. Qu’y avez-vous appris ?

Chaves : Ce fut très difficile. Ma grande chance, c’est d’être tombé sur un attaquant portugais âgé de 30 ans, João Paulo Brito. Il s’est occupé de moi comme de son fils, il m’a même appris l’anglais. Et arrivé à Lokeren, j’ai trouvé son prolongement en la personne d’Olivier.

Où va partir Chaves ?

Vous verra-t-on encore ensemble la saison prochaine ?

Doll : Je suis en fin de contrat. J’ai rencontré les dirigeants une première fois mais nous ne sommes pas encore entrés dans la phase de négociation. L’an dernier, cela a traîné aussi. Je n’exige pas un contrat de longue durée : un an, c’est bien. Je n’ai pas envie de me traîner pendant trois ans si je sens que cela ne va plus. Pour ce qui est de João Carlos, je pense que, pour sa carrière, il est temps qu’il tente sa chance à un niveau plus élevé.

La liste des clubs qui s’intéressent ou se sont intéressés à vous est impressionnante.

Chaves : Mais un seul a fait une proposition concrète à la direction du club et à moi : l’Etoile Rouge Belgrade. Le transfert ne s’est finalement pas concrétisé et je veux terminer la saison en force avec Lokeren. Contrairement aux autres années, je n’ai pas été blessé, je suis donc plus régulier. Cela va peut-être attirer des clubs. Il y a deux ans, Lens a voulu venir me voir deux fois mais je souffrais de pubalgie et, finalement, il a laissé tomber.

Lokeren demande trois millions d’euros pour vous. Comparé aux quatre millions de Lombaerts, vous êtes une bonne affaire, non ?

Chaves : Lombaerts jouait dans un club plus médiatisé, il est aussi international belge et il est plus jeune que moi. Le manager qui a traité l’affaire pour l’Etoile Rouge proposait 1,5 million, Lokeren voulait le double. Il m’a dit que, si je jouais à Anderlecht, il n’aurait aucun mal à défendre un investissement de trois millions. Je crois qu’il était sincère.

Doll : Je suis incapable de déterminer une valeur mais je pense que deux millions, pour un défenseur de Lokeren, c’est une belle offre. Tout se règle au cas par cas, ce n’est pas toujours une question de qualités du joueur uniquement.

Leekens a dit que, si Chaves partait, ce serait un tsunami pour Lokeren. N’est-ce pas un peu fort ?

Chaves : Si ! C’est exagéré. Même si c’est vrai que j’ai progressé et que j’ai trouvé mes marques dans cette équipe.

Doll : Ce serait, en tout cas, une grande perte. Il fait partie des meilleurs défenseurs de ce championnat. D’ailleurs, je lui interdis de partir avant que j’arrête. (il rit)

N’a-t-il pas, quelque part, prolongé votre carrière ? Vous prenez moins de cartes, en tout cas.

Doll : J’ai adapté mon jeu, je suis moins fougueux. Je suis, aussi, moins souvent blessé, parce que j’ai adopté un rythme d’entraînement plus prudent.

Chaves : Olivier ne perd pas son temps et son énergie à discuter les décisions des arbitres. Cela aide déjà beaucoup pour ce qui est des cartons jaunes.

Est-il le meilleur défenseur avec qui vous avez joué ?

Doll : Je n’aime pas les comparatifs mais le fait est qu’on se sent très bien ensemble. C’est encore mieux qu’avec Glenn De Boeck à Anderlecht. Il est intelligent, il a de la vitesse, de la technique. Il a encore une marge de progression mais cela passe par un entraînement au quotidien avec des joueurs de plus grand talent.

Et vous, João Carlos, comment définiriez-vous Olivier ?

Chaves : J’ai joué avec des défenseurs plus agressifs et plus techniques mais c’est celui dont j’ai eu le plus besoin jusqu’ici.

Qui de vous deux à le meilleur jeu de tête ?

Doll : João Carlos est plus costaud, je compense par mon expérience.

Chaves : Olivier fait moins d’erreurs que moi. Il est plus petit mais un timing parfait et peut même prendre le ballon aux tours.

Une saison au cours de laquelle vous ne marquez pas cinq buts est une saison manquée ?

Chaves : Peut-être pas cinq mais au moins deux ou trois.

Doll : C’est quelque chose qui ne m’a jamais préoccupé. Je ne crois pas que j’en aie mis dix sur toute ma carrière.

Un transfert, d’accord. Mais en Belgique ou à l’étranger ?

Chaves : Je ne peux pas penser qu’à moi et l’aspect sportif ne sera donc pas le seul à entrer en ligne de compte. Ma famille est très bien en Belgique.

Doll : Son discours est une nouvelle preuve d’intelligence. Les circonstances décident parfois pour vous. Moi aussi, humainement et financièrement, j’aurais aimé jouer à l’étranger. Cela ne s’est pas produit et je ne regrette pas d’être resté dix ans à Anderlecht.

Et en Belgique : João Carlos doit-il opter pour le Standard ou pour Anderlecht ?

Chaves : Les deux sont de grands clubs. Ce dont j’ai besoin, c’est un nouveau défi pour progresser. Le président de Lokeren le sait car, depuis mon arrivée, je parle beaucoup avec lui et je sais qu’il essaye de trouver la meilleure solution pour moi.

Doll : Le Standard travaille bien, a retrouvé certaines bases. Mais Anderlecht a son rang, y compris sur la scène européenne.

Est-il plus fort que Kompany ?

Doll : Encore une fois, je ne veux pas comparer mais il peut très bien convenir à Anderlecht car il a cette petite touche technique que Vincent a aussi. Le public l’adopterait vite.

par patrice sintzen – photos: reporters/ gys

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