Et la plus-value brésilienne ?

Les Brésiliens constituent aujourd’hui la colonie étrangère n°1 du RSCA. On peut s’en étonner alors qu’un seul a jamais réussi au Parc Astrid : Luis Oliveira. C’est très peu…

Le contingent étranger le plus fourni au RSCA n’est plus tchèque, ni argentin mais brésilien. Bizarre, alors que les Brésiliens ont l’habitude de foirer à Anderlecht. Mais pourquoi ? Le recruteur historique Werner Deraeve a connu la plupart d’entre eux en un demi-siècle de présence au club et a sa petite idée.  » Comme joueur, j’ai été le tout premier pensionnaire du Sportingello, au c£ur de l’ancienne tribune principale du stade. J’occupais la première chambre, la deuxième fut attribuée ensuite au Marocain Abdelkhalek Louzani et la dernière au Brésilien Moyses Dos Santos. Il avait éprouvé toutes les difficultés du monde à s’adapter. Il avait constamment froid et la nourriture n’était pas à son goût. Avec Wantuil Da Trindade et Antonio Elizeu, que j’ai également eu comme partenaires en Première, ce fut du pareil au même. Ils avaient la nostalgie. La seule réussite, ce fut Luis Oliveira. Contrairement à ses prédécesseurs, qui étaient des valeurs confirmées au moment de leur arrivée, lui était encore très jeune. Il avait la chance d’être bien entouré aussi puisque sa maman était à ses côtés à ses débuts, de même que son frère cadet José. Tout cela a contribué. Quand, plus tard, le recruteur Paul Courant a soumis à la direction du club les dossiers de Caté, Aginaldo et Toninho, elle était d’avis que, pour des raisons d’intégration, il valait mieux se rabattre sur les trois plutôt que sur le seul Caté, le plus doué. Mais cette décision n’a pas eu l’effet escompté. Au contraire, dès l’instant où l’un a eu envie de partir, les autres ont suivi le mouvement…  »

Aujourd’hui, la colonie brésilienne n’a jamais été aussi nombreuse. Pas moins de cinq joueurs de ce pays figurent dans le noyau A : Kanu, Reynaldo, Fernando, Diogo et Samuel. Un sixième, Renan, de retour de prêt à l’Union, a été versé chez les Espoirs.

Deraeve :  » Je ne m’attends pas à ce qu’ils jouent un jour tous ensemble en Première. Ce serait trop beau. Mais ils ont le potentiel, même Renan. Chez lui, manifestement, il y a un blocage. Il ne parvient pas vraiment à s’acclimater. On a cru que la présence de tous ses compatriotes contribuerait à son épanouissement. Mais, au contraire, il a tendance à se replier sur lui-même. Il vit seul, mange seul et s’abstient de tout contact. C’est le seul dont l’avenir est entouré d’un énorme point d’interrogation chez nous « .

Qui sont-ils et que peut-on attendre d’eux ?

Un portrait de ce top5 do Brazil par les recruteurs qui les ont repérés et suivis, Werner Deraeve et Albert Martens, et par celle chargée de leur encadrement au quotidien au Parc Astrid, Luiza De Melo.

Kanu : le noceur devenu modèle des autres !

Kanu Rubenilson dos Santos da Rocha, milieu latéral ou axial, 23 ans, 99 matches en D1, 7 buts

Luiza De Melo :  » Longtemps, il n’en a fait qu’à sa tête, dans la vie comme sur le terrain. A son arrivée en 2008, il changeait encore de copine comme de chemise et tous les jours, c’était la nouba. Son prêt au Cercle de Bruges, début 2009, lui a fait comprendre qu’il devait à tout prix s’acheter une conduite s’il voulait percer. Il doit sans doute une fière chandelle à Glen De Boeck, l’ancien défenseur anderlechtois qui effectuait ses premiers pas comme coach chez les Vert et Noir. Il lui en a fait baver sous la forme d’entraînements punitifs, d’amendes et tutti quanti. A la sortie du stade, il contrôlait même s’il y avait quelqu’un pour le véhiculer vers Bruxelles, étant donné qu’il s’était vu retirer son permis de conduire à un moment donné. Cette étroite surveillance l’a conscientisé. Au fil des mois, il s’est amendé. De retour au Parc Astrid, il s’est marié et file toujours le parfait amour avec Irlanda. Une petite Jaranda, née de leur union, va accueillir sous peu un frère. A l’échelon familial, tout va donc pour le mieux avec lui. Sur le plan footballistique aussi il a progressé. De simple réserviste, il est devenu progressivement une valeur sûre, même s’il râle toujours quelque peu de ne pas avoir de poste fixe. Lui-même a une prédilection pour le 10, qui est d’ailleurs le numéro de son maillot au Sporting. Mais Matias Suarez peut revendiquer ce rôle aussi. Du coup, il est aligné souvent sur l’aile, qui n’est pas sa meilleure place d’après lui. Comme beaucoup de Brésiliens, Kanu est un garçon qui marche au moral. Il pensait avoir marqué des points précieux, en fin de saison dernière, quand le coach décida de le confirmer comme soutien de Romelu Lukaku à Eupen, alors que Tom De Sutter était redevenu pleinement opérationnel à ce moment. Pour lui, c’était la preuve qu’il était dans le bon. Malheureusement, il s’est blessé à la cheville ce jour-là et a dû être remplacé. Il traîne d’ailleurs toujours les séquelles de cette blessure et devra peut-être passer sur le billard. C’est fâcheux à l’heure où il entend servir de référence pour ses compatriotes. Car, pour toute la bande, le grand frère et le modèle, c’est lui. Il y a trois ans, je ne l’aurais jamais cru « …

Reynaldo : ailleurs en D1, il serait incontournable

Reynaldo dos Santos Silva, milieu latéral ou axial, 21 ans, 50 matches en D1, 11 buts

Albert Martens :  » Il ferait à coup sûr figure d’incontournable dans les trois quarts des clubs de notre D1. La preuve par ses états de service au Cercle de Bruges où il a disputé quasiment l’intégralité des matches depuis son prêt en janvier 2010. Le hic, au Sporting, c’est qu’il est soumis, dans son secteur, à une concurrence énorme, puisque des joueurs comme Jonathan Legear, Matias Suarez et Fernando, voire l’infortuné Guillermo Molins évoluent dans un même registre que lui. Il présente évidemment la particularité d’être bivalent, dans la mesure où il peut évoluer aussi comme soutien d’attaque. Mais là aussi, le Sporting a l’embarras du choix. La lutte y est même féroce entre Brésiliens, puisque Kanu et Fernando peuvent revendiquer cette place. Chez les Vert et Noir, Reynaldo était assuré de jouer. Ce sera plus compliqué chez nous. Dommage, car il a prouvé lors de la visite des Brugeois au Parc Astrid qu’il avait le niveau. Ce jour-là, il s’était révélé le meilleur acteur dans le camp adverse. Le public ne s’y était d’ailleurs pas trompé, lui qui lui avait réservé une belle ovation en fin de rencontre. Ce détail-là a influé sur son envie de rester. Puisqu’il était parvenu à voler la vedette aux Anderlechtois ce soir-là, pourquoi cela ne lui réussirait-il plus en faisant partie lui-même du groupe mauve cette saison ? Il s’est manifestement posé la question et il y a répondu lui-même en choisissant de rester ici. A terme, je suis d’avis que Reynaldo et Fernando détermineront entre eux qui jouera sur le flanc et occupera le poste de régisseur. Dans cette attribution-là, il ne convient pas seulement de distribuer de bons ballons. Il faut aussi marquer. Et sur ce plan-là, Reynaldo me paraît peut-être mieux armé que Fernando. Au Cercle, il a en tout cas prouvé qu’il a un sens du but aiguisé. Sous cet angle-là, il est plus fort que Kanu aussi. A l’époque où ce dernier avait été loué là-bas, on se souviendra qu’il n’avait pas planté le moindre but pour ses couleurs « …

Fernando : talentueux et pro jusqu’au bout des ongles

Fernando Canesin Matos, milieu latéral ou axial, 19 ans, 1 match en D1

Werner Deraeve :  » C’est Pawel Gunia, notre prospecteur attitré au Brésil, établi depuis le début de ce millénaire à Campinas, qui était tombé sous le charme du joueur à Olé Brasil, centre de formation réputé dans la grande banlieue de Sao Paulo. Je l’ai visionné à une demi-douzaine de reprises et, chaque fois, j’ai été conquis. Ce qui me plaisait, c’était sa manière de provoquer l’adversaire puis de le déposer sur place par le biais d’une double accélération. Un peu à l’image de ce qu’il a démontré en fin de saison dernière, lors de sa titularisation contre Lokeren (ultime match des play-offs). Je n’étais pas le seul à l’avoir dans le collimateur en 2009. Il s’agissait de faire vite, pour ne pas être grillé mais aussi obtenir un bon rapport qualité-prix. Car tout peut prendre rapidement une croissance exponentielle au Brésil. La preuve par Marcelo, que j’avais vu à l’£uvre quelquefois avec Fluminense. Un back gauche pareil m’avait tapé dans l’£il. Mais à l’époque, durant l’été 2006, sa tête avait été mise à prix pour 800.000 euros et Anderlecht avait décroché. Lors du mercato de janvier 2007, le même joueur allait être transféré au Real Madrid pour 6 millions… Pour Fernando, il fallait composer avec l’intérêt du Werder Brême et du PSV. Mais comme le Sporting s’était montré le plus concret, dès le départ, le joueur a privilégié notre offre et a été mis à l’essai pour six mois à partir de l’été 2009. En six semaines, il avait réussi à convaincre tout le monde, avant d’être stoppé par une fracture du métatarse. Cela ne nous a pas empêchés de lui offrir début 2010 un bail de 4 ans. Je pense qu’on ne le regrettera pas car ce garçon est un exemple à tous points de vue. Sur le terrain, il est extrêmement réceptif aux conseils. Dans la vie de tous les jours, il est pro jusqu’au bout des ongles. Après trois mois, il était déjà capable de se tirer d’affaire en français. Depuis, il s’est mis à l’anglais aussi. C’est quelqu’un qui en veut car il a eu la douleur de perdre son papa alors qu’il était encore adolescent. Le 55 qu’il porte est d’ailleurs un hommage à l’année de naissance de son père. Je prévois un bel avenir pour lui, même s’il opère dans un secteur où la concurrence est des plus rudes. A lui de saisir sa chance tant que Ronald Vargas et Lucas Biglia manquent à l’appel « .

Diogo : brillant avec les U20 brésiliens !

Diogo Bittencourt, back ou milieu gauche, 21 ans

Albert Martens :  » Je l’ai vu à l’£uvre pour la première fois lors du Championnat du Monde des U20 en Egypte en 2009. Le Brésil s’était alors incliné en finale face au Ghana après l’épreuve des tirs au but. Diogo avait disputé toute l’épreuve au back gauche. Il se signalait par une toute bonne technique et un volume de jeu appréciable. Sur son flanc, il faisait régulièrement office d’infiltreur. Défensivement, son positionnement n’était pas toujours heureux mais c’est le cas de la plupart des latéraux brésilien. Roberto Carlos était plus fort offensivement aussi, et le même raisonnement vaut à présent pour son successeur au Real Madrid, Marcelo. Il faut savoir ce que l’on veut : ou bien on opte à cette place pour un joueur qui se contente de museler son homme, ou bien on choisit quelqu’un qui peut être d’un véritable apport sur le plan offensif. C’est vers ce dernier type de joueur qu’il faut s’orienter, vu que les backs ont généralement une plus grande liberté de man£uvre. C’est aussi pourquoi j’avais chaudement recommandé Jan Lecjaks. Comme arrière, il avait beaucoup à apprendre mais en tant que relanceur et centreur, il était bon. Il est simplement dommage qu’en une saison il n’ait pas fait de progrès en matière de placement. En bout de championnat, il se faisait toujours surprendre dans son dos ! Diogo a le même problème. Porté sur l’attaque, il laisse parfois trop d’espace derrière lui. Il doit changer. S’il y arrive, Anderlecht aura réalisé une bonne affaire. Au départ, je ne pensais pas qu’il serait à notre portée. Après le Mondial, Milan et Parme s’étaient mis d’emblée sur ses rangs et comme il jouait déjà au FC Sao Paulo, je ne me faisais pas trop d’illusions. La chance, c’est qu’il fut prêté à un club de D3, Toledo, puis à un autre en D2, Goias, pour obtenir du temps de jeu. Il est quelque peu tombé dans l’oubli chez les grands d’Europe et nous en avons profité. Il n’est pas encore fin prêt pour le moment car il doit encore perdre l’un ou l’autre kilo. Mais dès qu’il le sera, il faudra être fort pour le bouter hors de l’équipe « .

Samuel : Joao Carlos en mieux !

Samuel Firmino de Jesus, arrière central, 25 ans

Werner Deraeve :  » Normalement, il aurait dû débarquer au RSCA l’automne passé. Nous avions convenu avec son club, le FC Sao Paulo, de le mettre à l’essai pendant trois mois. Mais nous nous étions fait doubler par le Werder Brême. Dans le cas de Samuel, c’était toutefois plus compréhensible que pour Fernando car je l’avais découvert à Joinville, sud du Brésil, dans l’Etat de Santa Catarina, fondée jadis par des immigrants allemands. Je ne comprenais pas très bien, hormis l’argent peut-être, ce qui avait poussé le joueur à accepter l’offre du club hanséatique. Car il était paré dans l’axe avec l’international allemand Per Mertesacker, son homologue brésilien Naldo et Clemens Fritz. Dans ces conditions, il n’était pas surprenant que le nouveau-venu fasse banquette. Durant tout ce temps, nous avons gardé son dossier sous la main, histoire de pouvoir réagir en temps voulu. Et l’affaire fut menée en quelques heures à peine. Il y avait longtemps, à vrai dire, qu’Anderlecht cherchait une solution sud-américaine pour tenter de résoudre le vieux problème épineux de la relance à partir de la défense. Ce n’est un secret pour personne que nous avons régulièrement éprouvé des difficultés à sortir de bons ballons de la ligne arrière. Avec Samuel, nous allons pallier cette lacune. Indépendamment de son intransigeance dans les duels, il ne dégage pas à l’aveuglette mais essaie de construire à tout moment. On peut le comparer à l’ancien Genkois Joao Carlos, mais en plus fort. C’est un garçon qui vit pour le sport et qui en veut. Il a passé son enfance dans les favelas et mesure mieux que quiconque que seul le football peut être une planche de salut « .

PAR BRUNO GOVERS – PHOTOS: REPORTERS/ GOUVERNEUR

 » Diogo, c’est fort offensivement mais défensivement, son positionnement n’est pas toujours heureux . Comme Roberto Carlos et Marcelo… « 

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