» Et dire qu’on visait la 1re colonne ! « 

Au comble du bonheur après sa victoire contre Anderlecht, Zulte Waregem est retombé les pieds sur terre après sa défaite au Standard. Une semaine dans le sillage du leader.

LUNDI ET MARDI PREMIER AVEC LE HUITIÈME BUDGET DE L’ÉLITE L’actuelle capitale footballistique du pays n’a rang de ville que depuis 2000. Elle ne compte que 36.900 habitants et est la plus petite agglomération de D1 après Lierre. Au classement des budgets, le club est huitième. Le succès de son équipe de football ne semble pas toucher les habitants, si ce n’est que les journaux se vendent comme des petits pains.

Le lendemain de la victoire contre le Sporting, pas d’entraînement mais une rencontre avec la presse, suivie d’un passage dans un centre de bien-être avant que les joueurs rejoignent les différents studios TV. Le mardi, pas d’entraînement : traditionnellement, Francky Dury accorde un répit à ses joueurs deux jours après le match. Le jeudi sera libre aussi. Il n’y a d’entraînement que le mercredi, le vendredi et le samedi, dont deux séances publiques – c’est le contraire dans la plupart des autres clubs.

MERCREDI UN VERRE DE CHAMPAGNE AVEC DURY

25 personnes, nous y compris, observent l’entraînement, sous le soleil. Ce sont des habitués, à part des journalistes du Soir, qui constatent que rien ne change à Zulte Waregem : avant de monter sur le terrain, les joueurs forment un cercle avec Dury et crient :  » Pour Zulte Waregem, hip-hi-hip !  »

Le retour de Francky Durya tout changé, explique Eddy Van den Berge, adjoint depuis 2003, tandis que le capitaine, Davy De fauw, effectue un crochet pour nous saluer. Un bon capitaine, ce De fauw !

Le sourire de Van den Berge s’est estompé quand Kalecic l’a envoyé s’occuper du noyau B pendant un an et demi. Maintenant, après chaque match, il boit un verre de champagne avec Dury.  » Il est plus calme, plus humain aussi. Il laisse le groupe se corriger lui-même. Francky voulait que Zulte Waregem redevienne un club où on travaille et où on reste modeste.  »

Van den Berge est surpris du succès actuel :  » J’espérais une saison tranquille, sans lutte pour le maintien mais les jeunes se sont très bien développés.  » La nouvelle équipe constitue une superbe vitrine pour les jeunes. Ce n’est plus le néerlandais qui en est la langue véhiculaire mais le français et l’anglais.  » Avant, nos joueurs étaient flamands. Nous pouvons déjà être heureux d’avoir encore autant de Belges.  »

Selon lui, le mélange entre jeunes et anciens est la clef du succès. Il raffole de cet enthousiasme juvénile :  » Parfois, de notre vestiaire, nous entendons la musique filtrer de leur local. Nous savons alors qu’ils sont en train de s’amuser.  » La première place n’accroît pas le stress.  » Les entraîneurs doivent rester calmes sinon comment attendre des joueurs qu’ils le restent ?  »

JEUDI FRÉNÉSIE AU GAVERBEEK

 » Un whisky, pour moi « , demande le président Willy Naessens. Il sort d’une réunion avec le bourgmestre et il a rencontré des journalistes. Il n’aurait jamais imaginé vivre ça quand, en juillet 2001, président de Zulte, monté en D2, il s’est penché sur le sort du SV Waregem, dernier de Promotion.

À l’époque, le club jouait devant 250 personnes, 400 lors des affiches. Maintenant, il étudie avec les autorités locales la possibilité de jouer la Ligue des Champions à Waregem. En introduisant sa demande de licence européenne, il a indiqué Westerlo comme site mais le Kuipke est trop petit pour le bal des champions. Naessens soupire.  » Cela impliquerait des frais que nous ne pouvons consentir pour un stade qui ne nous appartient pas. Bruxelles ? Peut-être, si nous sommes champions et donc qualifiés directement. Mais personne ne se déplacera à Bruxelles pour un tour préliminaire contre un adversaire inconnu.  »

Le club s’est adjugé la Coupe en 2006 mais la passion suscitée par le titre dépasse tout.  » Pour la première fois, nous devons refuser du monde pour nos matches à domicile. Nous avons écoulé des places d’où la vue n’est pas très bonne mais les gens voulaient assister aux play-offs coûte que coûte.  » Un titre ne changerait pas le club.  » Nous augmentons le budget d’année en année, de 5 à 10 %, mais tant que nous n’avons pas de nouveau stade, nous ne pouvons briguer l’élite absolue. Nous n’avons que 8.500 places de qualité.  »

Naessens est surpris par le succès de son équipe.  » Nous pensions que la première colonne était accessible mais nos sept ou huit transferts se sont rapidement intégrés. Nous nous sommes dit que les PO1 constitueraient un bel objectif puis nous avons visé la troisième place. Maintenant, je serais déçu que nous ne l’obtenions pas.  »

VENDREDI UN PHÉNOMÈNE NATIONAL

Le mercure a dégringolé. Joueurs et entraîneurs ont repris leurs bonnets et seuls huit courageux supporters sont au bord du terrain. Sur la pelouse, l’ambiance est chaleureuse : ceux qui marquent jubilent comme s’ils avaient gagné la Ligue des Champions. Junior Malanda nargue ses adversaires et les pointe du doigt :  » Où étiez-vous ? Et vous ? «  Au terme de l’exercice, Dury s’écrie :  » Très bien, mes garçons, très bien ! «  Un supporter passe à vélo : – » Allez, les gars, les trois points dimanche et nous sommes champions.  » Karel D’Haene dit, en ramenant le filet de ballons :  » Nous ne vivrons plus jamais une saison pareille !  »

Pourtant, D’Haene a terminé deux fois deuxième avec Trabzonspor.  » Mais je n’aurais jamais imaginé que Waregem lutte pour le titre. Le matin, en conduisant les enfants à l’école, j’ai été abordé par des mamans qui ne s’intéressent jamais au football.  » Il ne se laisse pas emporter par l’euphorie : avec trois enfants dont un bébé d’un mois, il a de quoi s’occuper.

Le Gaverbeek reste les pieds sur terre mais il bouillonne d’ambition ou, comme le précise D’Haene :  » Ce que la presse dit et écrit constitue notre objectif mais le formuler nous-mêmes nous mettrait la pression alors qu’il faut justement l’éviter. Cependant, je ne puis donner tort à Mbaye Leye quand il vous dit que nos qualités nous permettent de viser plus haut que la troisième place.  »

Il juge aussi que l’entraîneur a changé.  » Lors de ma première année ici, il était le seul à exprimer une certaine ambition et il ne pouvait faire marche arrière si le groupe ne supportait pas cette pression. Il s’est adapté.  »

Après le repas de midi, l’attaché de presse, Cedric Tack vient au point de presse hebdomadaire, en compagnie d’Ibrahima Conte. Dury pénètre dans la salle de presse, distribue des poignées de mains et s’installe au milieu des journalistes.  » On y va !  »

Cedric Tack, un ancien journaliste du Nieuwsblad entré au service de Zulte en août 2011, a des journées bien remplies. Une semaine plus tôt, il a reçu 76 demandes d’accréditations pour le match contre Anderlecht, soit deux fois plus que d’habitude.  » Cinq minutes après le coup de sifflet final, je recevais déjà les premières demandes d’interview.  » S’il consacre normalement 30 % de son temps à la presse, il en est à 95 % pour le moment.

Zulte Waregem est devenu un phénomène national. D’ailleurs, il est le seul club belge à cheval sur deux provinces. Tack doit aussi expliquer qu’il vaut mieux dire Waregem que Zulte, les installations étant situées dans la ville, qui attire aussi le plus de supporters et de sponsors.

Un journaliste de France Football est venu. Tack a compris que l’année médiatique serait chaude dès l’embauche de Thorgan Hazard.  » Cela nous a valu la visite de 30 journalistes.  » Il poursuit :  » L’ambiance est familiale. Je reste dans le tunnel pendant l’échauffement et les joueurs me serrent tous la main. Selon un cameraman, ce n’est pas comme ça partout.  »

SAMEDI DAVANTAGE COACH QU’ENTRAÎNEUR

Dans le superbe foyer des joueurs, peint en vert clair et en bordeaux, Francky Dury revient sur la première saison en D1, couronnée de succès. Quand nous avions effectué une interview de l’entraîneur et de son adjoint, le coach des gardiens, Yves Vermote, avait dû rester dans le couloir car le minuscule local ne comptait que trois chaises. À cette époque, le capitaine, Stefan Leleu, avait téléphoné qu’il serait en retard, à cause d’un client arrivé tardivement dans son agence bancaire. Dury avait répondu :  » Roule prudemment, sinon je perdrai un défenseur.  »

Désormais, Dury ne doit plus investir son énergie dans l’élaboration d’un programme de préparation physique ni dans la gestion des interviews. Le lendemain d’un match, il reste dans son bureau, laissant le travail de terrain à ses adjoints.  » Je dispose de plus de temps pour parler avec les joueurs.  » S’il a tiré une leçon des saisons précédentes, c’est qu’il doit être moins entraîneur et davantage coach. La différence ?  » Un coach stimule les joueurs. En football, il faut réfléchir vite, ce qui n’est possible que si on se sent bien, qu’on est décontracté. Avant, j’investissais mon énergie dans ce que les joueurs ne pouvaient pas faire. Maintenant, j’accroche des devises dans le vestiaire et le foyer, des messages que les joueurs lisent et relisent.  »

Genre :  » Make the impossible possible ! « 

La principale différence, c’est qu’il mise sur les jeunes. Il a ouvert les yeux en devenant entraîneur des Espoirs belges.  » En découvrant tous ces talents, j’ai commencé à croire aux jeunes, pour autant qu’ils soient bien encadrés.  » Les jeunes talents font la file à Zulte Waregem. Il a une conversation avec eux.  » Je n’accepte que ceux que je pense pouvoir stimuler, encourager. Je ne veux pas non plus d’éléments qui exigent trop d’attention du groupe car c’est alors au détriment du collectif. C’est pour ça que Teddy Chevalier est parti. Nous ne pouvons nous permettre de consentir d’exceptions.Berrier était fâché contre Anderlecht mais il doit pouvoir se démarquer pour délivrer des passes. Quand il n’y parvient pas, il me faut un homme capable de jouer en duel. Je le lui ai dit et il ne m’en porte pas rancune.  »

Dury rayonne de sérénité.  » Je sais à quel point nous sommes normaux et à quel point l’adversaire est nerveux. J’ai beaucoup de respect pour Van den Brom mais j’ai été surpris par son comportement après le match. Jadis, il m’arrivait de me laisser aller à de telles déclarations mais c’est fini. Je veux rester un modèle pour mes joueurs car ne vous y trompez pas : ils observent leur coach. Si je suis stressé, ils le sont aussi. Nous devons transmettre notre passion mais aussi notre confiance et notre patience.  »

DIMANCHE HARO SUR LE MOT TRANSFERT

Zulte Waregem ne trouve pas ses marques au Standard. Il s’incline en déplacement, pour la première fois depuis le mois d’août, mais reste leader. Étonnamment, ce sont les visiteurs qui jouent le plus haut, D’Haene et Colpaert étant constamment au-delà de la ligne médiane, mais la pression liégeoise les empêche de développer leur jeu.

Quel goût laisse un tel revers après une semaine inoubliable ? Un arrière-goût amer, selon Dury.  » Mais j’ai quand même embrassé tous mes joueurs.  »

Quelques jours plus tôt, il avait reconnu vivre la plus belle semaine de sa carrière. C’est l’évolution de son équipe qui l’a le plus surpris.  » Au premier tour, je savais que nous avions un certain potentiel mais j’ai réalisé son ampleur quand nous nous sommes ressaisis, après quelques moins bons matches.  »

Pour Eddy Van den Berge, la défaite contre le Standard en PO1 a constitué un moment charnière.  » Le lendemain matin, Davy De fauw s’est adressé au groupe : – Ne baissez pas les bras, nous allons refaire surface contre le Club.  »

Dury a aussi tiré des enseignements du succès :  » Rien n’est impossible ! Avant, je pensais que le club ne pouvait viser plus haut que les PO1.  »

Le secret de ce Zulte Waregem ?  » Le talent ! C’est le meilleur groupe avec lequel j’ai travaillé, y compris sur le plan mental. Les joueurs veulent progresser. D’aucuns seraient contents avec la troisième place. Pas eux. Ils en veulent toujours plus.  »

Vendredi, Waregem reçoit Genk. Il ne restait plus, une semaine avant, que quelques-unes des 9.482 places disponibles.

PAR GEERT FOUTRÉ – PHOTOS: IMAGEGLOBE/DIEFFEMBACQ

Le néerlandais n’est plus la langue véhiculaire mais le français et l’anglais.

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