Et ce soir, c’est la guindaille à Charleroi !

La victoire face au Standard consacre le renouveau carolo et charrie un parfum d’Europe au-dessus de la ville.

Mais où donc Charleroi s’arrêtera-t-il ? Depuis le début de la saison, on ne peut s’empêcher de se poser la question. D’une équipe appelée à lutter pour son maintien au mois d’octobre, la voilà qui se mêle à la lutte pour une place européenne. Samedi, le derby wallon a sacré un nouveau roi. Grâce à sa victoire (1-0), Charleroi a dépassé le Standard et devient le nouveau premier club wallon. Le Sporting se met à rêver de rester le porte-drapeau de la Wallonie jusqu’à la fin du championnat et de décrocher une nouvelle participation européenne, plus de 20 ans après la dernière – si on exclut une participation à la Coupe en chocolat, la coupe Intertoto lors de l’ère Jacky Mathijssen en 2005. La dernière fois que le Sporting avait devancé son homologue liégeois, c’était en 1994, l’année de sa dernière participation européenne.

Au-delà de l’aspect symbolique, la bande à Felice Mazzu ne fait que surprendre et confirmer que sa participation aux play-offs 1 ne doit rien au hasard. Depuis une défaite en ouverture à Anderlecht – où les Zèbres auraient pu revendiquer un point – Charleroi est invaincu. Deux victoires à domicile et un bon partage à Courtrai. Soit 7 points sur 12, mieux que le Standard et Anderlecht ! Mais ce qui a frappé les esprits, c’est l’ambiance que dégageait cette fin d’après-midi. Mazzu disait se souvenir de l’odeur du boudin et des frites de son enfance. Il serait fier d’avoir contribué au retour de l’ambiance des grands soirs. Les abords du stade que l’on a connus vides de monde et de barrières Nadar, étaient remplis et fermés à la circulation. Les tribunes garnies à ras bord ont résonné 90 minutes durant des chants des supporters carolos (et liégeois). Et la fête a continué tard dans la nuit.

La salle rose a retrouvé des couleurs et les business seats ont semblé trop petits. 800 couverts étaient prévus pour ce match et les tables débordaient sur ce qui fait parfois office de dancefloor. Bref, ces play-offs sacrent la réussite d’un fameux pari : refaire du Sporting the place to be à Charleroi et en faire enfin un grand du championnat. Le travail est encore long. Dès la fin de la compétition, il faudra confirmer et continuer à viser plus haut pour pouvoir au moins rester au même niveau mais, pour le moment, tout Charleroi semble profiter du renouveau d’un fleuron régional. Là où la ville ressemble à un chancre, le Carolo se raccroche à la moindre parcelle de réussite et de fête. Le Sporting aura au moins réussi à réconcilier le Carolo avec sa ville, son club et ses couleurs, et à ramener la fierté sur le visage de ces supporters gagnés par la colère et la fatalité lors de la présidence d’Abbas Bayat.

Les dirigeants n’ont pas condamné les banderoles

La fête aurait pu être complète s’il n’y avait eu ces quatre banderoles, toutes aussi stupides qu’inutiles. Au milieu de certaines références vagues, peu compréhensibles du grand public – or n’est-ce pas le but d’un message que de se faire comprendre ? – la haine transpirait de chaque banderole. Une haine bête et méchante, mélangeant amalgames et propos avinés, a donc eu raison de cette liesse populaire. Car, au-delà de l’élan populaire et de la victoire prestigieuse du Sporting, ce sont ces banderoles qui resteront gravées dans la mémoire. Au contraire de leurs homologues liégeois qui avaient vivement regretté et condamné le tifo anti-Defour, les dirigeants carolos ont complètement raté le coche, minimisant les incidents, vantant la liberté d’expression et rigolant même parfois de blagues qu’ils auraient bien qualifiées de potaches.

A leur décharge, les voilà confrontés à leur propre politique. Les dirigeants carolos ont tout fait depuis deux ans pour faire revenir le public au stade. Ils ont choyé leurs supporters, ont appelé à la mobilisation, ont mené une véritable campagne de séduction. Les condamner à la première incartade venue consisterait à freiner cet élan populaire. Mais c’est aussi cela gérer un grand club. Le Sporting carolo veut grandir et toute une région se félicite de sa participation aux play-offs 1. Nous, les premiers, sommes admiratifs quant au travail fourni en deux ans. Mais cela a un prix. Qui dit grand club, play-offs 1, dit surexposition médiatique et responsabilité accrue. En ne condamnant pas ces banderoles, les dirigeants carolos ont ouvert la porte à la haine dans un stade (et une région) réputé pour sa chaleur humaine. Les voilà donc en contradiction avec leur politique générale qui consiste à coller au plus près à leur région.

Certes, la condamnation se heurte quelque peu à la réalité. Pierre-Yves Hendrickx nous a bien expliqué que ces banderoles étaient écrites pendant la rencontre – ce qui supprime l’effet d’un contrôle des banderoles à l’entrée – et que la police demandait qu’on ne les enlève pas trop rapidement afin d’éviter des mouvements de foule et des émeutes dans les tribunes. Interdire toute banderole risquerait également de mécontenter les supporters qui évoqueraient une censure de la part du club. Agir est peut-être compliqué mais condamner ne l’est pas ! Comme les dirigeants, les ultras doivent également assumer leurs responsabilités et les conséquences éventuelles (une interdiction des banderoles, une mise à l’amende des responsables) de leur (trop grande) liberté de ton. Une incitation à la haine est pénalement répréhensible. Et toute liberté d’expression se heurte à la loi, ne l’oublions pas !

PAR STÉPHANE VANDE VELDE – PHOTOS : BELGAIMAGE/ LEFOUR

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