Et avec Wuillot?

Pierre Bilic

Ecarté dimanche passé à Molenbeek, le Montois râlait.

Le Standard a pris une gifle à Molenbeek et ça risque de faire mal. Au lieu de surfer sur la vague de l’optimisme, en tête du classement, des doutes sont nés au RWDM.

La deuxième mi-temps ne fut pas digne d’un candidat au titre: manque de présence dans les duels, une création très moyenne au niveau de la ligne médiane et une attaque trop isolée. Le Standard a-t-il cru que la messe était dite à 0-1 et qu’un contre suffirait pour achever le RWDM? Peut-être et, dans le fond, c’était faire peu de cas de ces Coalisés désireux de se reprendre après quatre défaites consécutives et de rester en D1.

Emilio Ferrera laissa Alexandre Kolotilko sur le banc. Le frappeur russe était blessé aux adducteurs mais même s’il avait disposé de tous ses moyens, il n’aurait probablement pas joué d’entrée. Emilio entendait miser sur la finesse plutôt que l’engagement total et la vitesse. Michel Preud’homme attendait probablement Kolotilko et a préféré aligné Rabiu Afolabi à la place de Laurent Wuillot au centre de sa défense, à côté d’Eric Van Meir. Pourtant, Wuillot avait très bien joué ces derniers temps tandis que le grand Afolabi avait la CAN en tête mais ne fut finalement pas retenu par le Nigéria.

« Je m’attendais à jouer »

Laurent Wuillot: J’ai souffert pour deux au RWDM. En tant que membre de ce groupe d’abord car on a raté le coche et puis, plus individuellement, à cause de ces 90 minutes sur le banc. J’étais dans une très bonne passe, je m’attendais à jouer. Michel Preud’homme m’a dit qu’il optait pour une paire centrale plus rapide. C’est le choix du coach qui craignait la vitesse des attaquants de Molenbeek. Moi, je n’ai pas compris car je sais aussi m’en tirer face à des joueurs vifs. Je respecte évidemment l’option et je tenterai de prouver que je dois jouer et que le Standard est un peu plus performant avec moi. Je n’ai pas joué énormément cette saison mais je n’ai jamais perdu.

Ne regrettez-vous pas d’avoir refusé récemment l’offre du PAOK de Salonique?

Non, j’ai trois mois devant moi. Je ferai le bilan en fin de saison. Si je n’ai alors pas joué aussi souvent que mon ambition l’exige ou le mérite, c’est simple: je me tire. Je ne peux pas passer ma vie sur le banc à 26 ans. Pour le reste, je la ferme ma gueule car cela ne sert à rien de l’ouvrir. On perd trop d’influx. Je ne dis rien mais je sais ce que je veux. C’est clair dans ma tête.

On n’a pas cité que le PAOK de Salonique.

Des clubs français ont tourné leur regard vers moi, d’autres aussi. J’avais demandé à mon manager, Freddy Luyckx, de gérer tout ça, et cette affaire est devenue sérieuse en janvier avec l’offre du PAOK de Salonique. Il y avait trois mois et demi que je ne jouais plus. C’était trop long et j’ai rencontré le coach pour faire le point. Je n’avais pas envie de partir mais je voulais me sentir utile. En cas d’offre répondant aux désirs de chaque partie, je pouvais m’en aller mais l’entraîneur m’a dit qu’il aurait besoin de moi.

Même s’il ne s’est pas plus avancé, cela m’a suffi. Le match contre Charleroi a tout fait basculer. J’ai joué et la possibilité de m’en aller s’est éloignée. Si j’étais resté une fois de plus sur le banc, je ne sais pas si je serais encore au Standard pour le moment. Cette rencontre a réouvert mes horizons. Je prouvais que j’étais utile. Au lieu d’être loué pour quatre mois au PAOK avec option d’achat à la fin de la saison, j’ai gardé le même maillot. Je prenais le risque d’être à nouveau écarté, comme au RWDM, mais j’ai la rage… J’ai 26 ans, je serai bientôt papa d’un petit garçon, j’appécie ce club: j’ai suffisamment de raison de me battre. Michel Preud’homme a le choix entre moi, Okpara et Afolabi pour la place de deuxième arrière central auprès d’Eric Van Meir.

J’avais entamé les débats à cette place tant en championnat qu’en Coupe d’Europe. Cela se passait bien avec Eric. Le Standard encaissait peu de buts et il a suffi d’un rien pour tout changer. J’ai été suspendu pour excès de cartes jaunes et Godwin s’est installé à ma place. Il jouait bien et il était logique que le coach le laisse sur le terrain. Plus tard, Okpara s’est avancé au niveau de l’entrejeu et Preud’homme a fait un choix entre Afolabi et moi: son option se défendait. J’avais eu une carte rouge à Beveren et j’ai eu l’impression que les arbitres n’aimaient pas mon style. Est-ce que je devais changer de pays? Afolabi a pris ma place. Notre équipe s’envola et j’étais sur le banc alors qu’elle rejoignait Bruges en tête du championnat.

Je n’avais rien à dire car ses choix étaient gagnants. Afolabi est très fort mais je le suis autant que lui: je suis revenu dans le parcours et je souligne ainsi que j’ai été sérieux et travailleur en attendant une nouvelle chance durant plus de trois mois. J’ai eu l’impression de n’avoir jamais quitté Eric. A deux, on prend peu de buts. J’ai l’avantage d’avoir joué avec lui à Charleroi. La roue tourne vite en football. On peut crever à petit feu sur le banc et être international trois semaines plus tard. C’est le plus dur à comprendre et à admettre dans notre métier.

« Deux ans pour revenir »

Est-ce un duel à mort avec Rabiu Afolabi?

J’ai toujours dû prouver et même reprouver que j’étais là. Cela ne me dérange pas mais on l’oublie. Okpara est tout de même international, Afolabi aussi même s’ils n’ont pas pris part à la CAN. La saison passée, Ciobotariu et Vlcek étaient retenus dans leur formation nationale respective. J’ai joué malgré toutes ces présences et cela veut dire quelque chose. Je ne me laisse pas marcher sur les pieds quand cela va mal. Je suis tout d’abord un clubman mais à une époque où on parle sans cesse du collectif, les gars qui font passer le groupe avant tout sont peut-être les plus fragiles. Ils ne font guère de bruit et sont toujours contents: c’est faux. Je ne suis pas Diable Rouge et je suis donc moins médiatisé.

J’ai 26 ans et j’ai eu deux blessures graves: ligaments croisés et fracture de la jambe. C’est ce qu’il y a de plus grave pour un joueur, surtout le dernier accident: dans l’ambulance, seul à l’hôpital, j’ai cru que c’était foutu. Je suis le seul avec Wilfried Van Moer, au Standard, à être revenu dans le parcours après une telle fracture. Je sais ce qu’Ole Martin Aarst se pose comme questions pour le moment et je l’aiderai dans la mesure de mes moyens. Je me suis battu et mon retour six mois après ma fracture est ma plus grande victoire.

Il m’a finalement fallu deux ans pour que je revienne au niveau actuel. Je suis à nouveau en phase de progrès et cela me rassure. J’ai joué une finale de Coupe de Belgique avec une plaque métallique fixée à la jambe. On me l’a retirée plus tard. Je devais redresser mon pied tous les matins au saut du lit. Je n’avais aucune souplesse. Or, quand on n’a pas le niveau, on ne joue pas au Standard. J’ai joué malgré cet handicap: c’est dire si j’étais motivé. Je ne suis pas Diable Rouge mais redevenir titulaire après cette galère, cela vaut une Coupe du Monde. J’étais loin… J’ai terminé sur les genoux la saison passée car j’ai payé la note de mes dépenses physiques. A ce niveau, si tu te laisses aller, tu es mort.

« J’aime mon métier »

Quelle est la différence entre Ivic et Preud’homme?

Tomislav Ivic vous faisait croire que vous étiez le meilleur joueur du monde. Il a une « tchatche » extraordinaire mais je ne savais pas exactement ce qu’il pensait. Avec Preud’homme, c’est différent. On sent s’il vous aime ou pas. C’est plus net ou direct et je préfère ce style car on sait à quoi s’en tenir. Je ne sais pas faire le beau. Je suis comme je suis: un peu naïf, peut-être, mais honnête. Je sacrifie tout pour mon boulot et je ne jalouse personne, même si mes valeurs font moins de bruit que celles des autres. Quand quelqu’un réussit, je suis heureux pour lui. Daniel Van Buyten est arrivé en même temps que moi de Charleroi. Il est plus loin et je l’admire car c’est d’abord le fruit de son travail. Je n’ai pas le même parcours mais je peux vivre autre chose d’aussi beau à mes yeux: gagner le titre.

Pour cela, il faudra jouer autrement qu’au RWDM?

Oui, je sais. On a eu une balle de 0-2 et le match était plié sans un exploit de Kris Van de Putte dans les pieds de Gonzague Vandooren. Il y a encore de la dynamite dans l’arsenal car il manquait, entre autres, Johan Walem, Mika Goossens, Ali Lukunku, Ole Martin Aarst. Quand ils seront là, cela comptera.

Pourtant, vous accordez la palme à un autre joueur: lequel?

Je ne suis pas le seul joueur qui vit dans l’ombre au Standard. Sclessin a ses vedettes mais le plus fort est un des plus discrets: Harald Meyssen. Je ne comprends pas que ce gars-là ne soit pas international. Harald a tout: lecture du jeu, une frappe supersonique. Robert Prosinecki l’avait compris et il le voulait toujours à ses côtés. Harald le saisissait. Aujourd’hui, il est le plus précieux au Standard.

Des amis pour la vie

Que représente encore Charleroi pour vous?

Je m’y suis fait des amis pour la vie: Roch Gérard, Alex Teklak, Marco Casto qui est mon beau-frère: je sais bien qu’ils ne me planteront jamais un couteau dans le dos. Au Standard, Mika et Didier sont les mêmes. Cela ne veut pas dire que la concurrence n’existe pas. Teklak était un de mes concurrents à Charleroi mais le respect était mutuel. Nous avons percé du temps de Georges Leekens qui avait amené ses joueurs à Charleroi. On sortait la faucheuse à l’entraînement. Les jeunes en ont bavé. Et ce n’était rien par rapport au régime infligé par Luka Peruzovic. Il avait sa base, ses onze, et le reste ne semblait pas du tout l’intéresser. Le douzième, c’était une merde. Comme j’étais souvent sur le banc, ça sentait mauvais pour moi.

Il nous a élevé à la dure. Je ne saurais plus le faire mais cela m’a beaucoup apporté. Je suis devenu un vrai joueur de D1 parce que je suis passé par là. Je rentrais à 17 h et je devais dormir deux heures avant d’avoir la force d’un peu manger. Je tombais comme un mort. Après un entraînement physique, on reprenait mille ballons de la tête. On expédiait des « buses » devant la défense et il fallait que les arrières centraux les dégage de la tête. On avait le front en feu. Puis, j’ai eu Robert Waseige durant deux ans. C’est lui qui comprenait le mieux la mentalité carolo.

Il a rajeuni le groupe. Michel Rasquin et Fabrice Silvagni sont partis. La porte était définitivement ouverte pour Alex Teklak et moi. Nous avons joué tous les matches. Waseige après Peruzovic et Leekens: c’était idéal pour bien se lancer en D1. Plus tard, le coach a lancé Daniel Van Buyten. Je suis professionnel depuis huit ans. La base a été posée à Charleroi. J’y suis venu, malgré une blessure, grâce à Jean-Paul Spaute qui me repéra à l’AEC Mons. Plus tard, il est possible que je me réinstalle à Charleroi pour y vivre. C’est entre Mons et Liège, les deux autres grandes villes de ma carrière. Je m’y suis toujours bien senti et Charleroi ne mérite pas cette réputation de ville la plus dangereuse ou criminelle de Belgique. Les Carolos ont le coeur sur la main comme les Liégeois ».

Dia 1

Pierre Bilic

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