Espoirs SANS avenir

Pourquoi les A n’ont-ils arraché qu’un point sur neuf alors que, face aux mêmes adversaires, les moins de 21 ans en ont conquis sept ?

Les Diables Rouges abattront, samedi, une carte capitale face à la Bosnie-Herzégo- vine. Plus question de perdre des points, surtout à domi- cile. La qualification pour la Coupe du Monde 2006 est déjà compromise, et elle risquerait de devenir carrément illusoire en cas de nouvel échec.

Avec un point sur neuf, l’équipe d’ AiméAnthuenis se trouve dans une position inconfortable et les tentatives d’explication fusent. Parmi celles-ci, la formation des jeunes ressurgit comme le Monstre du Loch Ness. La critique est-elle fondée ? Si la plupart des clubs belges ne possèdent pas les moyens de créer de centres de formation à la française, on constate malgré tout que les résultats des équipes nationales de jeunes sont très bons. Y compris ceux des Espoirs qui, face aux mêmes adversaires que les Diables Rouges, ont cartonné :

EspoirsDiables

Belgique û Lituanie 3-01-1

Espagne û Belgique2-22-0

Belgique û Serbie & M. 4-00-2

7/9 pts 1/9 pts

Il ne suffit pas de faire jouer KevinVandenbergh à la place de WesleySonck, ou de placer JeanFrançoisdeSart sur le banc à la place d’Anthuenis, pour que tous les problèmes des Diables Rouges soient résolus mais ces résultats suscitent des interrogations. Le véritable problème ne se situe-t-il pas entre 21 et 25 ans, plutôt que dans la formation de base ? Autre constat : jadis, les sélectionneurs des Espoirs se plaignaient régulièrement de ne pas avoir assez de joueurs qui jouent régulièrement en D1. Aujourd’hui, la plupart des Espoirs jouent en championnat de Belgique mais beaucoup de Diables Rouges font banquette… dans leur club étranger.

Les ex-coaches des Espoirs

Ariel Jacobs :  » De nombreux joueurs, qui ont fait partie d’une équipe nationale de jeunes performante autrefois, ne sont plus nulle part quelques années plus tard. On ne les retrouve ni chez les Diables Rouges, ni parfois même comme titulaire dans leur club. Il y a des exemples à profusion. A l’inverse, certains garçons ont peu joué en Espoirs mais explosent chez les Diables Rouges. ThomasBuffel a très peu joué chez les Espoirs mais est aujourd’hui titulaire avec Aimé Anthuenis. SilvioProto a parfois été considéré comme troisième gardien chez les jeunes, derrière CliffMardulier et BramVerbist. Chez les jeunes, on accorde peut-être plus d’importance à certaines qualités qu’à d’autres. Je constate aussi que l’Union Belge s’enorgueillit de voir son équipe de -19 ans classée à la 7e place du ranking européen, et son équipe des -17 à la 8e ou 10e place. C’est bien, mais ce qu’il faut voir, c’est ce que cela donnera par la suite. J’ai l’impression qu’en jeunes, on accorde trop d’importance aux résultats. On essaie de former la meilleure équipe possible, pour gagner des matches, alors qu’il faudrait plutôt sélectionner les joueurs qui présentent le plus grand potentiel. J’ai assisté au dernier match Espoir entre la Belgique et la Serbie & Monténégro. Les Belges ont gagné 4-0, mais j’ai vu chez les Serbes certains joueurs qui avaient bien plus de potentiel que les nôtres. Et, dans quelques années, qui retrouvera-t-on dans les plus grands clubs européens ? Trois ou quatre de ces joueurs serbes, qui ont été battus 4-0 et qui intéressent déjà des clubs étrangers, ou certains de nos Diablotins ? Les jeunes Belges éprouvent des difficultés à percer : Jonathan Blondel était promis au plus bel avenir, mais ne parvient pas à devenir un titulaire incontestable à Bruges « .

Philippe Saint-Jean :  » La formation progresse en Belgique. Des clubs comme Bruges et le Standard ont pris conscience de l’importance qu’il faut lui accorder, et commencent à fournir des efforts. Certes, ce n’est pas encore à l’image de ce que l’on connaît en France, mais il y a un mieux par rapport à ce qui existait il y a quelques années. Le problème se situe après 16 ans : les jeunes n’ont plus de championnat valable et s’engluent dans des compétitions de Réserve et de Juniors où ils ne rencontrent pas d’opposition. Dans les équipes nationales de jeunes, la Belgique s’appuie souvent sur un groupe qui a suivi toute la filière depuis les Minimes ou les Cadets, et dont tous les joueurs se connaissent. Ils parviennent alors à compenser leurs éventuelles lacunes par leur collectif. Mais, arrivés à l’âge adulte, beaucoup de joueurs ne progressent plus. Ils veulent continuer à s’entraîner à l’ancienne, et stagnent. Dans la formation, il y a l’aspect technique mais aussi l’aspect mental, qui a pris beaucoup d’importance. Et, dans ce domaine, on accuse un sérieux retard « .

Les ex-coaches des A

Robert Waseige :  » Les Espoirs ont souvent eu la possibilité de s’appuyer sur une ossature de deux ou trois clubs, ce qui favorise les automatismes. Ils ont parfois, aussi, opté pour des gabarits. C’était le cas à mon époque, lorsqu’il y avait chez les Espoirs plusieurs joueurs de St-Trond au physique assez impressionnant. Les joueurs belges qui possèdent un certain talent semblent aujourd’hui pressés de s’expatrier, comme s’ils avaient peur de louper le bon wagon. ThomasBuffel en est déjà à son deuxième club étranger de haut niveau. Wesley Sonck aussi. Encore faut-il jouer. Le meilleur baromètre pour jauger d’une équipe nationale est le niveau de la D1 du pays. Or, le niveau du championnat de Belgique n’est tout de même pas extraordinairement élevé « .

Georges Leekens :  » L’équipe nationale Espoirs pourrait encore être plus forte qu’elle ne l’est actuellement, si l’on songe qu’un VincentKompany pourrait y être incorporé. Mais là n’est pas l’essentiel. Les résultats ne sont pas importants chez les jeunes. Ce qui compte, c’est la manière. Chez les A, c’est l’inverse. Pourquoi n’obtiennent-ils pas de résultats actuellement ? Il ne m’appartient pas de juger un collègue. La Belgique manque peut-être de personnalités. Au niveau du talent, à mon avis, c’est suffisant. On n’a jamais possédé les meilleurs techniciens du monde, mais on s’est toujours débrouillé. Actuellement, on encaisse trop. Jadis, il y avait une colonne vertébrale sur laquelle on pouvait s’appuyer lorsque cela allait mal, et qui n’existe plus actuellement. Il faudrait revenir aux valeurs fondamentales qui ont fait la réputation du football belge : la collectivité, l’engagement. On peut aussi faire un pressing vers le haut, et obliger l’adversaire à commettre des erreurs, au lieu d’en commettre nous-mêmes « .

Les joueurs

Silvio Proto :  » Il y a un facteur qui intervient : en équipe A, on doit faire face à beaucoup plus de responsabilités. La pression est nettement plus importante. Chez les Espoirs, on évolue de manière détendue. Cette saison, lorsqu’on a pris connaissance de notre groupe, on s’était dit qu’on allait être opposés à des adversaires très difficiles. Et on a pris match par match. En sachant, aussi, que si l’on perdait, ce ne serait pas un drame. On n’allait pas être la cible de tous les médias. Sans pression, en formant une bande de copains solidaires, et avec l’enthousiasme de nos 20 ans, on est parvenu à forger des résultats. Lorsque j’ai débuté chez les Diables Rouges, j’ai directement senti que c’était différent. Les yeux de la Belgique entière étaient fixés sur moi. Et comme on a perdu, on a directement parlé de crise à la une de tous les quotidiens. Le contexte dans lequel on doit évoluer est très différent « .

Kevin Vandenbergh :  » On évolue, effectivement, de façon beaucoup plus détendue chez les Espoirs. On est heureux de sortir de l’environnement de notre club, de retrouver des copains de notre âge. Les résultats que l’on a forgés cette saison méritent d’être soulignés, car les Espagnols et les Serbes ont toujours été réputés pour leurs bonnes équipes de jeunes « .

Jonathan Blondel :  » Je crois que l’une des explications aux bons résultats actuels des Espoirs est le fait qu’on joue ensemble depuis longtemps. On se connaît bien, il y a une bonne ambiance et cela donne un contexte propice à de bons résultats. La difficulté à franchir le pallier qui mène à l’équipe A ? C’est vrai que, pour l’instant, je me retrouve sur le banc à Bruges, mais je prends mon mal en patience. C’est un choix que j’ai fait et je l’assume. J’ai déjà eu l’opportunité d’évoluer chez les Diables Rouges. J’ai surtout constaté la différence de niveau lorsqu’on a été battus 3-0 en Allemagne. Avec les jeunes, on était parvenus à partager 2-2… « Daniel Devos

Daniel Devos

 » Nos Espoirs ont battu les Serbes 4-0, mais QUI RETROUVERA- T-ON DANS LES GRANDS CLUBS éTRANGERS ? » (Ariel Jacobs)

 » En 2002, on avait battu LA SUèDE D’IBRAHIMOVIC ET DE WILHELMSSON mais qui a percé ? » (Jean-François de Sart)

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