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Erling Haaland, le Géant venu du nord

Technique et subtilité, labeur et sang-froid, mais surtout une soif insatiable de buts et de succès. Un attaquant ne peut être plus parfait qu’Erling Haaland. Le Norvégien rate moins d’occasions que Robert Lewandowski, un de ses prédécesseurs au Borussia Dortmund.

4 juillet 2010. Un jeune footballeur aux cheveux foncés, coupés courts, est dans le stade du Borussia Dortmund, devant 13.000 personnes. Il regarde timidement les caméras. On lui tend un micro et il n’est manifestement pas à l’aise. Il bredouille quelques mots en polonais, mais même l’interprète a du mal à le comprendre. Il semble libéré, délivré même, quand la présentation s’achève.

En se remémorant cette première scène, on a du mal à imaginer qu’il s’agissait de Robert Lewandowski accordant sa première brève interview en Allemagne. Interrogé sur ce qu’il attendait du Borussia, il avait répondu espérer pouvoir jouer un rôle au sein du club. Difficile de se montrer plus plat… Lewandowski n’aime pas parler. Il s’est muré dans le silence tout le long de la saison.

Près de dix ans plus tard, en janvier 2020, Erling Haaland est présenté au Borussia Dortmund. Il a vingt ans et vient du RB Salzbourg. Il regorge d’assurance. Son égo est aussi large que ses épaules. Non qu’il soit disert dans ses interviewes, il est même plutôt peu bavard, surtout sur les plateaux télévisés, mais c’est un jeu pour lui, contrairement à Lewandowski. Haaland sait pertinemment comment se vendre, comment se comporter avec la presse, ainsi que sur les réseaux sociaux, via Twitter et Instagram. Par exemple, après un but contre le Paris Saint-Germain, il s’adresse à ses followers avec un zeste de provocation. C’est spontané.

Haaland est fait pour battre des records.

Il préfère cependant s’exprimer en inscrivant des buts. Erling a été un brillant sprinteur, mais il a préféré le football, tant il aime marquer. Il ne pense qu’au moment où le ballon franchit la ligne sous les acclamations des supporters. Une caractéristique qu’il partage avec Lewandowski. Les deux attaquants ne vivent que pour marquer.

UNE AMBITION EXTRÊME

Toutefois, les deux buteurs ne sont pas comparables. Lewandowski était un talent naissant à son arrivée à Dortmund, alors que Haaland atteignait déjà un niveau élevé à Salzbourg, où il marquait à la chaîne. Plusieurs clubs souhaitaient l’engager: le FC Barcelone, le Real Madrid, le Bayern Munich, Manchester City, Arsenal. Haaland était le prince héritier des attaquants, alors que Lewandowski était quasi inconnu et n’était que le numéro deux du Borussia, après l’Argentin Lucas Barrios, avec lequel il ne s’entendait pas au début. Le Polonais n’a vraiment émergé qu’en finale de la Coupe 2012, à Berlin, face au Bayern. Un match mémorable au cours duquel il a inscrit trois buts, offrant une victoire 5-2 au Borussia.

Erling Haaland est en plein processus d'apprentissage: le finisseur doit s'affiner techniquement.
Erling Haaland est en plein processus d’apprentissage: le finisseur doit s’affiner techniquement.© getty

Haaland, lui, a été immédiatement titularisé. Ça coulait de source à ses yeux, et il s’est distingué d’emblée. Le Norvégien est très fort mentalement. Il n’est pas seulement obsédé par les buts. Au fil des mois, il est devenu un élément qui cherche les combinaisons. Très tranchant, il ne se relâche pas une seconde. On l’a vu au Club Bruges, lors du troisième match de poules de la Ligue des Champions. Même à 0-3, Haaland a encore sprinté en direction de Simon Mignolet, qui voulait dégager le ballon.

Initialement, il fallait servir Haaland en profondeur pour qu’il puisse foncer vers le but, à toute vitesse, comme un taureau sauvage. Il bouscule tout sur son passage. Haaland est grand et fort, il peut centrer et conserver le ballon, il pèse sur la défense adverse et se démarque. Il est le numéro 9 idéal. Le Borussia estimait cependant qu’il devait être plus présent dans un match, car son jeu était trop facile à analyser. Le finisseur a donc progressivement ajouté un autre atout à son arsenal: les passes. Haaland est en plein apprentissage. Son jeu n’est pas comparable à celui de Lewandowski, qui réfléchit un temps plus vite que son adversaire et se produit pour une équipe qui développe un pressing agressif. On le remarque à chacun de ses mouvements: le Polonais économise ses forces et n’explose que quand son équipe en a besoin. Mais même à 32 ans, il continue à avoir envie d’apprendre. Lewandowski veut avoir le sentiment d’avoir fait quelques chose qui améliore son football à chaque séance.

Erling Haaland, qui a douze ans de moins, joue moins à l’économie. Il est poussé par un enthousiasme juvénile. Il retire le maximum de son corps, il court et trime jusqu’à n’en plus pouvoir, comme si une sorte de rage sommeillait en lui. Haaland est un phénomène qui rate très peu d’occasions. Il est plus percutant que Lewandowski dans le rectangle, mais il a encore une large marge de progression. Malgré sa taille (1,94 mètre), il doit améliorer son jeu de tête. Il peut bonifier sa technique, nettement moins raffinée que celle de Lewa. Haaland doit encore prouver qu’il peut maintenir son niveau actuel toute une saison. Il doit aussi améliorer son jeu collectif. Comme le Polonais avant lui. À un moment donné, Jürgen Klopp, qui entraînait alors Dortmund, l’avait posté dans l’entrejeu, contre son gré. Ça lui avait permis d’améliorer sa technique et ses combinaisons. Il est aujourd’hui nettement plus avancé sur le plan footballistique qu’Haaland.

Haaland fonce vers le but comme un taureau sauvage.

TERRIBLEMENT EFFICACE

Le Norvégien travaille d’arrache-pied. Il bénéficie de la totale confiance de son équipe et de Lucien Favre. L’entraîneur suisse est sous pression durant sa troisième saison au Borussia: il doit enfin ramener le titre au club de la Ruhr. Favre ne se laisse pas désarçonner par tout ça. Il poursuit résolument son chemin et veille à l’équilibre entre jeunes et anciens au sein de l’équipe première. Sous sa direction, les jeunes ont le droit de traverser une période moins faste. Haaland n’en a pas encore connu. Il modèle son corps à l’entraînement, surveille son alimentation et s’accorde le repos nécessaire. Le Norvégien est déjà un professionnel accompli. À l’issue de certains entraînements, il demande à continuer, en compagnie de quelques équipiers. Il court alors de longues minutes avec le ballon et essaie d’améliorer encore un peu plus son efficacité devant le but. Le gardien Roman Bürki retient souvent son souffle, à l’entraînement, quand Haaland fonce sur lui.

Avec Julian Brandt, après un nouveau but. Comme si une forme de colère sommeillait en lui.
Avec Julian Brandt, après un nouveau but. Comme si une forme de colère sommeillait en lui.© getty

Haaland n’a pas le même comportement que Lewandowski en groupe. Alors que le Polonais était plutôt distant au début, le jeune Erling est déjà un des leaders de l’équipe. Évidemment, le buteur est arrivé à Dortmund empreint d’une énorme assurance: il venait de trouver le chemin des filets à 28 reprises en 22 matches sous le maillot du RB Salzbourg. Il avait inscrit huit buts en six matches de Ligue des Champions, dont un hat-trick contre le KRC Genk.

Erling Haaland ajoute au jeu du Borussia un ingrédient qui lui faisait défaut: une incroyable efficacité. Il a encore augmenté sa production en Ligue des Champions, son compteur affichant déjà quatorze goals. En onze rencontres. À son âge, seul Kylian Mbappé a marqué autant dans cette compétition. Mardi prochain, le Borussia reçoit le Club Bruges lors de la prochaine journée. Erling Haaland compte bien en profiter pour augmenter son total. Jusqu’à présent, il a disputé 29 matches à enjeu pour Dortmund, et il a inscrit 27 buts. Avant les matches en cours depuis la semaine passée, il comptait sept sélections en équipe nationale et avait marqué six buts. Des chiffres impressionnants. Il a fait la Une des journaux du monde entier en inscrivant neuf pions en U20 contre le Honduras, un match soldé par un 12-0. Du jamais-vu.

Mais Haaland est fait pour battre des records. Il l’a déjà fait lors de son premier match en Bundesliga, un déplacement au FC Augsbourg. Entré au jeu à la 56e, alors que Dortmund était mené 3-1, il a réussi un triplé et le Borussia s’est imposé 3-5. La semaine suivante, il est encore entré en cours de match, contre le FC Cologne, et a marqué deux buts. Aucun footballeur n’avait inscrit cinq buts en 57 minutes avant lui.

Le Borussia savait ce qu’il faisait en janvier dernier. Il n’a pas hésité à verser les vingt millions que réclamait Salzbourg pour sa jeune vedette. C’est cinq fois plus que ce que le club a payé en 2010 pour le transfert de Lewandowski. Mais le fils d’ Alf-Inge Haaland, qui a joué en Premier League, a encore une énorme marge de progression, même s’il se déplace avec flair et concentration sur la scène internationale, comme s’il évoluait parmi l’élite depuis des années.

On estime déjà la valeur d’Erling, né à Leeds, à 80 millions d’euros. Là aussi, il se différencie de Robert Lewandowski, qui est devenu une personnalité au fil de ses quatre saisons au Borussia Dortmund, avant de s’ériger en véritable monument au Bayern Munich.

Les High potentials de la Ruhr

Erling Haaland est la plus belle enseigne qui soit pour le jeune Borussia Dortmund. On dit que le Real Madrid et le Bayern Munich, pour ne citer qu’eux, s’intéressent au jeune homme, sous contrat jusqu’à l’été 2023. L’intérêt du Bayern n’est pas nouveau. Le champion a déjà discuté avec Haaland avant qu’il ne signe à Dortmund, mais le Norvégien était quasi sûr de sa place au Borussia, ce que le Bayern ne pouvait lui garantir, puisqu’il aligne à cette place un certain… Robert Lewandowski. Le club bavarois a été sincère vis-à-vis d’Haaland.

Cette saison, le Borussia mise plus que jamais sur les jeunes. Michael Zorc, le directeur sportif, les appelle ses high potentials. Il y a notamment Jude Bellingham (17 ans), transféré de Birmingham City pour 25 millions, une somme encore plus élevée que le transfert du Norvégien. Il se distingue par sa robustesse, sa simplicité et son énorme audace. On retrouve un autre Anglais dans le noyau, le dribbleur Jadon Sancho, âgé de vingt ans, et le talent américain Giovanni Reyna, qui vient de fêter ses 18 ans.

Une future vedette patiente dans l’antichambre: Youssoufa Moukoko, un prodige allemand d’origine camerounaise. Le 20 novembre, il aura seize ans et mûrit pour le moment dans l’équipe B du BVB, qui joue le haut de tableau en quatrième division. Tous ces jeunes ont un point commun avec Haaland: ils ont du flair et se font entendre dans le vestiaire. C’est inhérent à la nouvelle génération, de même qu’au caractère du Norvégien. Il a besoin de contacts avec ses coéquipiers en-dehors du terrain. Là aussi, il se différencie de Lewandowski, qui se distancie de ses coéquipiers dans sa vie privée.

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