« Epaté par Vieira »

Pierre Bilic

Georges Heylens est notre consultant pour les coupes d’Europe.

Il y a eu beaucoup de spectacle la semaine passée que ce soit en Ligue des Champions ou en Coupe de l’UEFA. L’Europe vit désormais au rythme des clubs espagnols et anglais. A Bruxelles, le président Roger Vanden Stock doit avoir des regrets en songeant à ses mots à propos de Leeds : « C’est le petit poucet de notre groupe ». Le team d’Elland Road a plus qu’un pied en demi-finale de la Ligue des Champions. « A ce niveau-là, chaque mot est interprété, analysé et utilisé par l’adversaire », affirme Georges Heylens. « Quand ils sont venus au Parc Astrid, les Anglais étaient hyper-motivés. Depuis, ils ont fait du chemin et ne doivent rien à personne ».

Manchester United-Bayern de Munich ne fut pas le festival annoncé : les Anglais ne sont-ils pas au bout du rouleau?

Georges Heylens : C’était une revanche de la l’avant-dernière finale et Manchester s’est retrouvé face à un adversaire bien organisé dans tous les secteurs. J’ai retrouvé le vrai Bayern Munich qui ne laisse rien au hasard. Les Bavarois ont toujours eu un un peu de peine à bien se réveiller à la fin de l’hiver mais ils sont toujours là à l’heure des grands examens du printemps. Effenberg a orienté la manoeuvre avec maestria. Par contre, les stars de Manchester n’ont jamais justifié leur statut. Je sais que la saison est longue pour eux mais cela n’atténue tout de même pas ma déception. Le but de Paulo Sergio fut une juste récompense pour l’intelligence de jeu des Allemands. Ces derniers savent cependant que rien n’est fait et que Manchester peut frapper fort au retour. La deuxième manche vaudra le coup d’oeil.

Le Real Madrid n’a-t-il pas snobé Galatasaray?

Probablement, j’y vois la preuve que Lucescu a bien géré le problème au repos, Del Bosque peut-être pas. A 0-2, les Madrilènes croyaient que le match était plié. Il n’y avait eu qu’une équipe sur le terrain : le Real jouait vite, bien et juste. Lucescu a remonté les bretelles de ses joueurs qui ont eu et exploité la chance de revenir à la marque sur penalty. A partir de ce moment-là, le stade de Galatasaray est devenu un enfer et j’ai été très étonné par la friabilité de la défense espagnole. Elle se fit bouffer. Quand une équipe turque, surtout avec les qualités de Galatasaray, y croit, ça fait du dégât. Le Real saura s’en souvenir au retour et se qualifiera pour les demi-finales mais ce voyage en Turquie aura été utile pour se dire qu’un match dure nonante minutes.

Arsenal-Valence ne fut-il pas le plus beau match en Ligue des Champions?

Peut-être. En première mi-temps, Arsenal a été étonné par la disposition offensive de Valence. A l’extérieur, du moins en Coupe d’Europe, Valence a le plus souvent misé sur une bonne organisation défensive. A Arsenal, Valence a fait le jeu tout au long de la première mi-temps. Sans un grand match de Seaman, Valence aurait pu marquer plus d’un but. Je me souviens notamment de plusieurs occasions de Carew. Tout suspense pour le retour aurait été tué. Après le repos, Wenger a fait monter Wiltord et le match s’est emballé. Valence a dû s’accrocher. Wiltord a beaucoup apporté à son équipe grâce à son double démarrage mais c’est Vieira qui fut la star du match. L’international français a tout simplement été génial au centre de la pelouse. Il a contrôlé des dizaines et des dizaines de ballons et n’en égara qu’un en fin de match. Il m’a épaté tout au long de la rencontre. A la récupération, il était le premier sur le ballon et ne commit pas une faute. C’était propre, bien fait, du grand art. Henry a eu une balle de break et, sur cette phase-là, j’ai admiré le retour d’Angloma. Je l’ai eu trois ans à Lille. Jocelyn a 36 ans mais il reste parfaitement concentré sur son sujet. La preuve : il est revenu calmement dans la foulée d’Henry. Il devina que ce dernier, qui ne sentait probablement pas la menace dans son dos, tenterait un dribble sur sa gauche alors que c’était plus intéressant à droite. Angloma était là : un grand pro, assurément. A 2-1, Arsenal a redressé le tir mais ce sera très difficile en Espagne.

Et Leeds?

Magnifique, 3-0 contre La Corogne. Les Anglais ont leur billet en poche pour la demi-finale. Leeds mérite sa place à ce niveau. Le reste, c’est de la littérature. Cette équipe est très forte mentalement et s’organise bien. C’est là que les Mauves ont perdu leur billet pour les quarts. Leeds a tout : physique, vitesse, présence aérienne, tactique, technique. On regarde cette équipe en songeant aussi à la maladresse verbale des Mauves… J’ai eu le coup un jour en Coupe de France : Couécou, de Bordeaux, qualifia Lille d’équipe de rugby. Nous avons laminé les Girondins au retour. Leeds a le vent en poupe.

Barcelone-Liverpool ne vous a-t-il pas déçu en Coupe de l’UEFA?

Je ne m’attendais pas à un autre match. Je connais bien Gérard Houllier, le coach de Liverpool, et je sais qu’il est capable de miser sur sa défense après avoir dit à la presse avant la rencontre que ce serait un festival offensif. Il ne faut tout de même par rire. On n’ouvre pas sa garde à Barcelone. Houllier ne laissa que le seul Owen en pointe. Barça a cherché l’ouverture en vain mais est capable de gagner à l’extérieur. Mais à condition de ne pas perdre ses moyens à Liverpool. L’ambiance sera danteque au pays des Beatles. Les 50.000 spectateurs de Liverpool font plus de bruit que toute la Catalogne à Camp Nou. Alavès a laminé Kaiserslautern (5-1), il faut le faire. Là, tout est dit et, en gros, le football vit au rythme de deux pays: l’Espagne et l’Angleterre. Ce sont les plus riches. L’Espagne ne m’étonne pas car elle a toujours juré par le football technique. Les clubs anglais récoltent tous les fruits de leurs investissements et de l’apport, surtout technique, de grands joueurs étrangers. Arsenal et Liverpool ont bien intégré les atouts français et sont plus complets.

Pierre Bilic

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