» Envie d’être parfait « 

En l’absence de Zinedine Zidane, l’attaquant d’Arsenal est devenu la star de l’équipe de France.

On aurait dû avoir une belle finale entre la France et le Cameroun à la Coupe des Confédérations, mais le c£ur n’y était pas. La disparition tragique de Marc-Vivien Foé, foudroyé en plein match trois jours plus tôt, avait affecté tout le monde. Il était bien connu des footballeurs français, puisqu’il avait évolué durant de longues années dans l’Hexagone. A Lyon, il avait même été coaché par Jacques Santini. Thierry Henry, lui, le connaissait comme adversaire en championnat d’Angleterre, car le milieu de terrain des Lions Indomptables avait été prêté à Manchester City cette saison. Lorsqu’il inscrivit le premier but des Coqs face à la Turquie en demi-finale, c’est à lui qu’il le dédia, doigt et regard portés vers le ciel.

En l’absence de Zinedine Zidane, Thierry Henry a endossé l’habit de lumière de l’équipe de France durant la Coupe des Confédérations. Il s’est dit lui-même surpris de sa popularité lors d’un entretien avec la presse, la semaine dernière à Clairefontaine.

Durant le tournoi, vous êtes devenu l’idole du public…

ThierryHenry : Cela m’a un peu surpris dans la mesure où je n’ai pas eu l’impression d’en avoir fait plus que d’habitude. Cette effervescence autour de ma personne a pris une ampleur que je n’avais pas envisagée. Parfois, c’était même gênant, comme à Saint-Etienne face au Japon, lorsque le public a scandé mon nom alors que je n’étais pas sur le terrain.

Gênant ?

Oui, vis-à-vis de mes équipiers qui faisaient leur match, surtout. Ce n’est jamais agréable d’entendre que le public souhaiterait voir quelqu’un d’autre à votre place. J’ai vécu cela à Lens, lors du huitième de finale de Coupe du Monde 1998 contre le Paraguay. J’avais tiré sur le poteau et les gens se sont mis à réclamer… Tony Vairelles, l’idole locale, alors qu’il n’était même pas sur le banc. Lens venait de décrocher le titre et le public du Stade Bollaert était frustré parce qu’il n’y avait aucun Lensois en équipe de France. Dans ces moments-là, lorsqu’on est sur le terrain, on se demande à quoi on sert. Mais ça fait extrêmement plaisir de se savoir apprécié, c’est sûr. Je ne veux pas être hypocrite : je suis fier d’être populaire, c’est quelque chose dont on rêve lorsqu’on commence une carrière de footballeur. Je ne suis pas insensible au fait de savoir qu’un peu partout, des enfants jouent dans leur jardin en criant à leur copain : – Regarde, c’estThierryHenryqui aleballon ! Mais, quand on est sur le terrain, ce n’est pas pour cela qu’on réalise des actions. Je n’ai jamais rien demandé, j’ai toujours essayé de donner le maximum et le public me le rend bien.

 » Je n’alterne plus moments de folie et moments d’absence  »

Comment expliquez-vous ce regain de popularité ?

Je ne l’explique pas. Lors de l’EURO 2000, je n’avais pas été mauvais, à mon avis, et j’avais déjà obtenu de bons résultats avec Arsenal, mais ma cote de popularité n’était pas aussi élevée.

Durant la Coupe des Confédérations, vous avez donné l’impression de bien vous entendre avec Djibril Cissé ?

Je me suis efforcé de me mettre à son service, comme je le fais également lorsque j’évolue aux côtés de David Trezeguet. Je sais que j’ai plus la possibilité que lui de décrocher et de partir sur les côtés pour essayer de délivrer des centres. Lorsqu’on évolue avec deux attaquants, il y en a toujours un qui a une fonction de jeu plus ouverte que l’autre. Je sais comment joue Djibril Cissé : il aime partir en profondeur et se retrouver en position de frappe. J’essaye donc de le placer dans la position qu’il affectionne. C’est à moi de m’adapter à son jeu, plutôt que l’inverse.

Vous semblez en tout cas avoir une faculté d’adaptation naturelle au jeu de tous vos partenaires. Avez-vous franchi un cap dans ce domaine ?

Je ne sais pas si c’est naturel. Je ne me force pas, c’est sûr. Cela vient tout seul, peut-être un peu avec l’expérience également. Cela peut paraître l’évidence même, mais il faut toujours essayer de jouer avec les forces de ses partenaires. Si on sait que son partenaire est gaucher, il ne faut pas le servir sur son pied droit. Avec moi, c’est pareil : si on s’obstinait à m’alimenter par la voie des airs, je toucherais peut-être deux ou trois ballons de la tête, mais je n’en mettrais pas beaucoup au fond. Le jeu de tête, ce n’est pas mon truc. Je préfère décrocher, prendre le ballon et accélérer. A l’entraînement, je regarde comment mes équipiers aiment être servis. Je leur parle aussi, je leur demande leurs préférences. Là où j’ai franchi un cap, c’est surtout dans le domaine de la régularité. C’est ce qui est le plus dur en football : enchaîner les prestations de haut niveau à intervalles réguliers. Je vais sur mes 26 ans, et lorsque je compare les matches que je disputais à 20 ans, ce ne sont plus les mêmes. Auparavant, j’avais des moments de folie, puis 30 minutes d’absence durant lesquelles on ne me voyait pas du tout, et à nouveau l’un ou l’autre moment de folie.

Aujourd’hui, j’essaye de ne pas toujours y aller à fond et de mieux gérer mes efforts. J’ai aussi ajouté une autre arme à mon jeu : je peux, désormais, jouer dos au but, et cela me permet de m’adapter à différents types d’attaquants. Autrefois, j’aimais bien avoir un pivot à mes côtés. C’est plus facile : on envoie un bulldozer au charbon et on récolte les miettes. Un peu comme Michael Owen à Liverpool : il tourne autour d’Emile Heskey et récupère les ballons qu’il dévie. Il faut encore mettre ces ballons au fond, c’est sûr, mais on est plus à l’aise en électron libre que lorsqu’on prend soi-même des coups. Aujourd’hui, je suis capable d’endosser tous les rôles, et cela je le dois à mon passage en Angleterre. Car là-bas, on peut être le meilleur technicien du monde, si on ne gagne pas les duels, on n’est nulle part. Il faut d’abord s’imposer physiquement, et dans ce domaine, j’ai beaucoup appris dans les îles.

Vous êtes donc devenu plus complet ?

Tout à fait. J’aime toujours autant marquer. Lorsque je rate un but, je râle. Mais je ne fais plus une fixation là-dessus. Cela m’est arrivé de louper un penalty : cette saison, contre Bolton, par exemple. Mais, dix minutes plus tard, j’ai inscrit un but de plein jeu. Cela signifie aussi que j’ai franchi un cap : je parviens mieux à faire abstraction d’un échec ponctuel. Personne n’est à l’abri d’un raté. Il y a des périodes où on peut faire tout ce qu’on veut et où on ne trouvera jamais le chemin des filets. Il y a d’autres périodes où on parvient à tromper le gardien en tirant de n’importe où. Je sais aussi, désormais, ce que je peux faire et ce que je ne peux pas faire. Arriver au sommet est une chose, rester en haut de l’affiche en est une autre, bien plus compliquée. J’essaye donc d’encore progresser, de gommer les lacunes que j’ai constatées lors du match précédent. J’ai envie d’être parfait, tout en sachant que c’est impossible, mais c’est un objectif motivant qui me fait avancer.

 » L’absence de Zidane avait du bon  »

Vous n’avez pas pris la Coupe des Confédérations par-dessus la jambe…

La motivation était là. Si je n’avais pas livré de bons matches, on aurait pu croire que j’avais snobé l’épreuve, mais cela n’a jamais été mon intention. Seulement, entre vouloir et réaliser des actions d’éclat, il y a une marge. Sur le terrain, on ne peut pas toujours être performant. Il arrive que l’adversaire soit meilleur que soi, que l’on ne soit pas en forme ou que l’on obtienne des balles de but que l’on place à côté. Cela ne signifie pas pour autant que l’on n’est pas motivé.

Il n’empêche : n’est-ce pas dur de jouer à une période où tous les confrères sont en vacances ?

Cela fait partie du métier. J’ai eu la chance de pouvoir me reposer trois semaines, avant le début du tournoi, aux Etats-Unis û NDLA :il anotammentrenduvisite àsonamiTonyParker, basketteurauxSanAntonioSpurs. Cela a été laborieux au moment de reprendre, mais le plaisir de retrouver des potes m’a fait oublier les aléas. Je ne vais pas me plaindre. C’eût été plus dur si j’avais dû enchaîner le championnat d’Angleterre et la Coupe des Confédérations. Maintenant, je vais de nouveau disposer de trois semaines de repos avant la reprise des entraînements à Arsenal.

Comment jugez-vous le niveau de cette Coupe des Confédérations ?

On a assisté à de bons matches de… fin ou de début de saison, car je ne sais pas comment il faut désigner cette période-ci. Il y a rarement eu beaucoup d’espace sur le terrain, certains matches se sont limités à des affrontements attaque-défense, mais c’était aussi dû à la chaleur qui a régné durant ces dix jours.

Pour la France, c’était l’occasion de redorer un blason terni durant la Coupe du Monde 2002 ?

Il y a eu un échec en Asie, c’est vrai, mais de là à parler de redorer un blason terni ? C’était surtout l’occasion d’intégrer de jeunes joueurs. C’était aussi la première fois que Jacques Santini avait son groupe aussi longtemps sous la main, c’était important pour lui permettre de mieux le sonder.

A domicile, vous étiez quasiment obligés de l’emporter ?

Lorsqu’on porte le maillot de l’équipe de France, les gens attendent toujours, si pas que l’on gagne, au moins que l’on fasse une bonne prestation. Mais cela ne se fait pas nécessairement sur commande.

Jacques Santini avait décidé de ne pas remplacer Zinedine Zidane. L’avez-vous suivi dans cette optique ?

Le coach avait certainement de bonnes raisons d’agir de la sorte. Cela dit, lorsque Zizou est absent, on le ressent, c’est sûr. Avec tout le respect que l’on peut avoir pour les joueurs présents, ce n’est pas pareil. Son absence avait déjà constitué un gros problème lors de la Coupe du Monde 2002, lorsqu’il s’était blessé juste avant le début du tournoi. On ne l’avait jamais laissé au repos lors des matches amicaux précédents, et lorsqu’on a dû se passer de lui, on s’est sentis un peu perdus. Peut-être aurait-il fallu essayer d’autres solutions avant, au cas où ? Dans cette optique, le choix de Jacques Santini pour cette Coupe des Confédérations était peut-être le bon : cela nous a obligés à jouer dans une autre configuration.

 » Beckham fait sa vie, c’est tout  »

Vous avez franchi le cap des 50 sélections. En ressentez-vous une grande fierté ?

Je ne prête pas trop attention aux statistiques, mais lorsque je compulse le palmarès et que je constate que je dépasse des joueurs comme Dominique Rocheteau, scotché à 49, cela fait extrêmement plaisir. Par contre, lorsque je vois que Marcel Desailly a plus du double de sélections que moi (107), je mesure mieux à quel point son record est impressionnant. Je joue tout de même en équipe de France depuis un certain temps et je n’en suis encore qu’à 50.

Vous avez tout gagné avec l’équipe de France : Championnat d’Europe et Coupe du Monde. Votre prochain objectif, c’est la Ligue des Champions avec Arsenal ?

C’est dangereux d’en faire véritablement l’objectif numéro 1, mais il est clair que j’aimerais la remporter, comme tous ceux qui n’ont jamais eu ce plaisir. C’est toujours beau, aussi, de participer à la première d’un club. Arsenal n’a jamais décroché la C1, et participer à cette épopée serait pour moi quelque chose d’extraordinaire, mais on en est encore loin. J’essayerai d’abord de bien me reposer, puis j’attaquerai la nouvelle saison avec toutes les envies possibles.

Le départ de David Beckham de Manchester United ouvre-t-il la voie royale ouverte au prochain titre d’Arsenal ?

Il ne faut pas se focaliser sur un seul joueur. Manchester possède d’autres grands footballeurs. David Beckham fait sa vie, c’est tout.

Vous aviez pronostiqué 4-2 pour la finale de NBA entre San Antonio et New Jersey, ce qui s’est révélé exact. Avez-vous un pronostic pour la prochaine Ligue des Champions ?

Je suis meilleur en basket pour les pronostics ( ilrit).

 » Je suis fier d’être populaire « 

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