ENVIE contre expérience

Bruno Govers

Aux dires du Guinéen, ce sera la clé du mano a mano entre les Rouches et Bruges.

Passé au Standard à l’intersaison 2003, Sambegou Bangoura (22 ans le 3 avril prochain) n’a guère défrayé la chronique sportive au cours de ses premiers mois à Sclessin. Meilleur réalisateur à Lokeren, avec un total de 16 buts, il n’a fait parler la poudre qu’à deux reprises tout au long des matches aller. Il est vrai qu’exposé à la concurrence des Emile Mpenza, Alexandros Kaklamanos et Aliyu Datti, son temps de jeu a été réduit à une peau de chagrin : il ne fut utilisé qu’à 11 reprises, partiellement le plus souvent.

Revenu de la Coupe d’Afrique des Nations, où il a accédé aux quarts de finale avec la Guinée, Sam est apparu sous un tout nouvel éclairage chez les Rouches. Décisif lors de son entrée au jeu à Genk, il doubla par la suite son total/buts en l’espace d’un match, contre le Cercle Bruges, avant de sombrer dans un relatif anonymat au Tivoli, puis d’en découdre avec l’Antwerp dimanche passé. Passera-t-il la surmultipliée à l’occasion du dernier volet de cette campagne ? Lui-même y croit dur comme fer après une adaptation laborieuse.

Sambegou Bangoura : C’est bizarre, mais j’ai le sentiment que ma carrière au Standard ne fait que débuter. J’étais arrivé complètement exténué à Sclessin, l’été passé, dans la mesure où, contrairement à la plupart de mes coéquipiers, je n’avais pas eu droit à des vacances. J’avais dû disputer avec le Sily National, la sélection représentative de mon pays, la Guinée, trois matches éliminatoires de la Coupe d’Afrique des Nations 2004 face au Niger, au Liberia et l’Ethiopie. Ce dernier était programmé le 5 juillet, au moment où les Rouches avaient déjà repris le collier en prévision de cette saison depuis quelques jours. L’entraîneur, Dominique D’Onofrio, a eu le bon goût de me ménager pendant la période de préparation, en m’invitant à ne jouer, au départ, que des bribes de rencontres avant de hausser le rythme, chemin faisant. Par là même, ma fatigue physique s’était complètement estompée au moment où les trois coups du championnat furent frappés. Nerveusement, j’étais fin prêt aussi. Mais ce que je n’avais pas prévu, ou sous-estimé, c’était le monde de différence, à tous points de vue, entre mon nouvel entourage et celui que j’avais connu au préalable à Lokeren. Là-bas, je faisais à la fois figure d’incontournable dans l’équipe et dans le système, où tout était conçu en fonction de moi. Ici, je n’étais qu’une goutte d’eau dans l’océan des possibilités. Si je ne faisais pas l’affaire, Alexandros Kaklamanos, Emile Mpenza ou Aliyu Datti, étaient susceptibles de me relayer avec bonheur. En soi, cette concurrence ne me turlupinait pas : j’avais confiance en mes moyens et je savais qu’elle finirait par payer tôt ou tard. Mais mon véritable problème, durant ces premiers mois à Liège, c’était la tactique. A Daknam, je n’avais pas besoin de réfléchir sur le terrain. Tout était centralisé sur moi devant. Que les ballons proviennent du centre, par l’entremise de Runar Kristinsson, ou des flancs via Davy De Beule ou Marel Baldvinsson, j’étais toujours le seul concerné par le prolongement de leurs actions. Au Standard, c’était tout à fait différent. Je devais subitement composer avec un autre attaquant gravitant dans la même zone que moi, et friand des mêmes ballons. C’est ce qui explique, par exemple, pourquoi Alex et moi-même nous engagions toujours simultanément dans la mêlée, au début, afin de disputer un centre de la tête, l’une de nos armes favorites. Avec le recul, je réalise qu’il m’aura fallu pas mal de temps avant de savoir où me déplacer à bon escient sur le terrain et comment combiner harmonieusement avec les copains. D’autant plus que chez nous, chacun des attaquants a réellement ses qualités spécifiques, Emile Mpenza étant loin de ressembler à Aliyu Datti, pour ne citer que ce seul exemple.

Objectif : 15 buts

Buteur patenté à Daknam, avec 16 réalisations, votre compteur est resté bloqué à deux lors du premier tour avec le Standard. Comment avez-vous vécu cette baisse de productivité ?

Deux seuls et maigres petits goals, c’est évidemment pas sérieux pour quelqu’un comme moi, qui faisait flèche de tout bois la saison passée. J’ai souvent pesté durant toute cette période. Non pas contre le coach, il avait raison de ne pas m’utiliser tant je ne me fondais pas dans le collectif. Je râlais essentiellement contre moi-même, car les choses n’allaient pas suffisamment vite à mon goût. C’était d’autant plus regrettable que, sur le terrain, les copains prenaient réellement leur pied. Je me souviens, notamment, de ce véritable match d’anthologie au Parc Astrid où, de Fabian Carini à Emile Mpenza, en passant par Roberto Bisconti, tout le monde, dans nos rangs, avait surclassé Anderlecht. Ce soir-là, pour la toute première fois, j’ai réalisé la différence de potentiel entre Lokeren, club avec lequel je m’étais qualifié pour la Coupe de l’UEFA, et le Standard, qui faisait manifestement honneur à son statut de prétendant à la Ligue des Champions. Il est simplement dommage que cette performance de choix n’ait pas été rééditée plus souvent. Face aux ténors, le Standard n’a jamais déçu. En revanche, trop de points précieux ont sans doute été perdus face aux sans-grade. Quand on vise les sommets, il est évidemment inconcevable de perdre des points contre des équipes du bas du tableau comme Heusden-Zolder ou Mons. Pendant mon absence, due à la CAN, je n’en revenais pas que mes teammates aient pu perdre des points contre Lokeren et le Lierse. Chaque fois que je téléphonais pour connaître le résultat, je pensais que les gars me jouaient une bonne blague. Malgré une avance qui a fondu comme neige au soleil, il n’y a pas de quoi paniquer pour autant. Entre les deux accrocs contre La Louvière, le Standard était parvenu à livrer 16 rencontres sans défaite. Si nous affichons un même brevet d’invincibilité jusqu’à la fin du championnat, l’Europe ne nous échappera pas, quoi qu’en pensent certains pisse-vinaigre. Je reste d’ailleurs persuadé que nous avons toujours les meilleurs atouts pour enlever la deuxième place, synonyme de qualification pour les préliminaires de la Ligue des Champions. Pour ce faire, le club peut compter sur moi. En l’espace d’un match, contre le Cercle Bruges, j’ai doublé mon actif récemment. Et je ne compte pas en rester là. Je ne désespère pas arriver à un total de 15 réalisations en tout cas. Grâce à cette contribution personnelle, le Standard devrait arracher son passe-droit pour la plus prestigieuse des compétitions européennes au détriment du Club Brugeois.

Tournant à Bruges

Quels sont les atouts du Standard par rapport aux Flandriens ?

Les Brugeois ont l’expérience mais nous avons l’envie. Il y a tellement longtemps que les Rouches ne se sont pas distingués, sous la forme d’un trophée ou d’une qualification européenne, que la soif d’y parvenir est énorme. Et on ressent cette volonté à tous les échelons du club, qu’il s’agisse de la direction, des supporters ou des joueurs eux-mêmes. Je crois que nous serions tous extrêmement déçus si nous ne décrochions pas la deuxième place. Dans le groupe, il y a une très grosse détermination pour réaliser cet objectif. La clé, ce ne seront pas les matches au sommet qu’il nous reste à disputer contre Anderlecht et Bruges. Pour ces deux confrontations-là, je ne me fais pas le moindre souci : le Standard répondra présent sur le terrain. Ma seule hantise, ce sont les points que nous pourrions perdre stupidement, suite à un relâchement coupable, face à St-Trond, Beveren ou le Germinal Beerschot, par exemple. S’il y a danger, il viendra de là. J’ose toutefois espérer que les dérapages du premier tour nous auront servi de leçon et que nous ne galvauderons plus autant d’unités précieuses. Pour moi, le tournant du championnat devrait normalement se situer à la fin du mois d’avril. En cette période, nos rivaux brugeois joueront coup sur coup deux matches difficiles : à Mouscron d’abord, puis contre nous. Pour peu que nous-mêmes, nous ne nous fassions plus surprendre par Heusden-Zolder, nous devrions nous présenter dans le même état d’esprit conquérant, au stade Jan Breydel, que nous l’avions fait au Parc Astrid. Si le tournant de la saison se déroule à Bruges, je me fais fort que ce sera en notre avantage. Bruges a peut-être la routine mais il n’a pas la classe pour plier une partie en sa faveur, comme nous y étions arrivés lors des matches aller à Anderlecht. Nous devons nous inspirer de cet exemple.

Il y a un an, vous propulsiez Lokeren sur la scène européenne. Aujourd’hui, ce club se bat dans les tréfonds du classement. Quel regard portez-vous sur lui ?

Ce qui s’est passé là-bas est invraisemblable. L’année passée, ce n’étaient que louanges pour la cohabitation harmonieuse entre les Nordiques et les Africains, cimentée grâce à la compétence d’un coach hors normes, Paul Put. Et voilà que dans l’intervalle, celui-ci a été démis de ses fonctions et que tous les étrangers ne valent soudain plus tripette. Les temps sont durs pour mes frères de couleur là-bas. A tel point que certains, dégoûtés, sont partis sans demander leur reste. Comme Camille Muzinga, qui est allé tenter sa chance au Qatar, ou mon compatriote Karim Sylla, qui songe carrément à retourner en Guinée. Il est profondément injuste de leur faire porter le chapeau. Un club se doit d’être grand dans la victoire comme dans la défaite. A Lokeren, on ne le conçoit manifestement pas ainsi. C’est regrettable. Mon souhait, c’est que ce club, qui m’a tant donné, se sauve malgré tout. Et qu’il réalise une performance de choix lors de sa visite à Bruges, sous peu. Si d’autres peuvent nous aider dans la lutte pour la deuxième place, ce n’est pas du refus (il rit).

Bruno Goveres

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