Entre POTES

Deux grands amis s’affronteront vendredi au Mambourg.

Ils se connaissent depuis plusieurs années. Et même s’ils n’ont pas le même âge, ils ont percé à Charleroi à la même époque. Maintenant, ils ne portent plus le même maillot mais ils gardent de fréquents contacts. Frank Defays (31 ans) et Grégory Dufer (23 ans) se retrouvent donc avec plaisir à Bruxelles ( » pour couper la poire en deux entre Bruges et Namur « ) pour évoquer leur début de saison. Cette amitié-là n’est pas feinte. Elle est réelle.  » Je ne regarde jamais un match à la télévision sauf quand il s’agit des Diables Rouges ou désormais de la Ligue des Champions parce que je sais que je vais voir mon pote jouer « , dit Frank Defays.  » D’ailleurs, tu me dois toujours un maillot des Diables « , ajoute-t-il tout sourire.

Tout a commencé lors de la saison 1999-2000.  » Au départ, je n’osais pas l’aborder car il restait avec les gars de sa génération comme Philippe Albert « , explique Dufer.  » Au fil du temps, on a appris à mieux se connaître et on s’est découvert des points communs et des affinités « .

 » Pour qu’un lien d’amitié puisse se créer, il faut trouver des personnes qui vous respectent. Quand un jeune te dit oui mais que tu vois qu’il n’est pas sincère, cela ne vaut pas la peine. Par contre, quand tu sens un retour… « , ajoute Defays.

 » Sur le terrain, quand il le fallait, il n’hésitait pas à m’insulter. Après je lui répondais que mon adversaire ne passerait plus « , intervient Dufer.

 » Mais il faut tomber sur quelqu’un qui l’accepte « , renchérit Defays.

Aujourd’hui, leurs chemins se sont séparés. L’un s’est érigé en nouveau symbole d’un Charleroi conquérant. L’autre a tenté de montrer son talent durant une saison en France où il a goûté à la Ligue 1 avec Caen, et puis à Bruges où il n’a joué que 255 minutes (une titularisation face au Lierse) depuis l’entame de la compétition – chiffres arrêtés avant les matches du week-end passé. Vendredi, ils pourraient se croiser et pour la première fois jouer l’un contre l’autre lors du déplacement de Bruges à Charleroi. Pour cela, il faudra que Jan Ceulemans fasse confiance à Greg.  » J’étais déjà venu rendre visite à Charleroi comme adversaire lors d’un match amical avec Caen mais j’étais blessé et je n’avais pas joué « , précise Dufer.

Charleroi attend les grands

Penses-tu que tu fouleras la pelouse du Stade du Pays de Charleroi ?

Grégory Dufer : J’espère. Cela fait toujours bizarre de revenir mais j’essaierai d’en faire un match comme les autres. Et je ne pense pas que cela sera plus facile pour moi car si je connais parfaitement le jeu de mes anciens coéquipiers, eux aussi savent dans quel registre j’évolue. Et puis, si je marque, je serai content car pour le moment, je suis à Bruges. S’il peut inscrire un but, tout footballeur le fait, quels que soient les événements. Mais je ne condamnerais tout de même pas Charleroi à la D2. (Il rit).

La D2, c’est complètement oublié pour Charleroi ?

Frank Defays : Le danger, c’est de croire que c’est totalement fini. Autant la saison dernière, nos références se situaient sur les deux saisons précédentes durant lesquelles on s’était sauvés in extremis, autant cette année, on regarde plutôt notre dernière campagne qui a nous a permis de croire en nos possibilités. Pourtant, la difficulté réside dans le fait qu’il faille trouver autre chose comme motivation. L’an passé, on avait faim et on voulait prendre notre vengeance sur nous-mêmes. Maintenant, on a un nouveau statut à assumer. Il suffit de voir les rencontres devant Roulers ou Saint-Trond. Désormais, les autres équipes viennent défendre à Charleroi et nous obligent à jouer contre-nature. Pour réussir à surmonter cet obstacle, on doit se motiver les uns, les autres. Mais je suis optimiste car il règne une très bonne ambiance dans le vestiaire. Contre Saint-Trond, je n’avais jamais senti le groupe aussi concentré et je me suis dit que l’on avait retrouvé l’esprit conquérant. Pas qu’il était parti mais je ne le sentais plus aussi vif. Pourtant, on a quand même perdu. Mais cette défaite peut servir de déclencheur. Elle va nous rappeler d’où on vient et puis, il faut désormais voir la réaction qu’on aura lors des prochaines rencontres. Si on enchaîne plusieurs défaites, là, cela peut être dangereux.

Mais Charleroi a pourtant perdu quelques unités face à des formations largement à sa portée ?

Defays : Je suis persuadé que ce qui va faire du bien à cette équipe, c’est de rencontrer les grands du championnat. Là, notre jeu reviendra naturellement.

Le même défi

On a l’impression que Bruges et Charleroi se retrouvent au-devant du même défi : confirmer après une saison exceptionnelle. Ce qui n’est pas évident…

Dufer : C’est normal. Bruges a perdu cinq de ses meilleurs éléments. Et en plus, les blessures s’accumulent. Pour le moment, il manque un peu de poids devant.

Cela veut-il dire que Bruges se satisfait de son classement actuel ?

Dufer : Notre objectif consistait à nous qualifier pour les poules de la Ligue des Champions. C’est fait et le groupe est prêt à relever le défi. On a quand même réussi à bouger la Juventus. Mais c’est certain que l’on ne peut pas dire que notre saison est déjà réussie. On essaiera de terminer à une des deux premières places mais si on n’y arrive pas, cela ne sera pas un drame, si en contrepartie, on réussit un bon parcours en Ligue des Champions.

Donc, si Bruges demeure à cette troisième place, on ne pourra pas parler d’échec ?

Dufer : Si dans trois mois, on se retrouve au même niveau, à quatre points du premier et à trois du deuxième, non. Car cela voudrait dire que l’on est resté au contact du Standard et d’Anderlecht. Vous savez, depuis que je suis arrivé à Bruges, je n’ai jamais senti la pression. Virer l’entraîneur après deux défaites : je ne pense pas que cela puisse arriver ici.

Sur le plan individuel, vous êtes satisfait de votre début de saison ?

Defays : Je ne suis pas le genre à penser que je vais connaître plus de difficultés à réaliser une aussi bonne saison que la dernière. Il faut profiter du moment présent et il faut toujours agir selon son instinct.

Dufer : Je n’ai disputé que 255 minutes mais c’est conforme à mes premières attentes. Quand tu es la doublure d’éléments aussi importants que Gert Verheyen et Gaëtan Englebert, c’est difficile d’être titulaire à chaque match. Evidemment, quand tu signes quelque part, tu veux jouer, mais quand tu te trouves face à un emblème comme Verheyen, tu ne peux pas aller trouver l’entraîneur toutes les semaines pour réclamer une place. Je fais partie d’un groupe serein et si tu es bon sur le terrain, tu joues. On l’a vu avec Jeanvion Yulu-Matondo qui a été aligné à trois reprises.

Caen n’était pas un échec pour Greg

Mais avez-vous l’impression de progresser ?

Dufer : Dans un groupe comme Bruges, tu ne peux que progresser. Je ne regrette pas mes choix. Je suis parti à Caen car je n’aurais pas voulu faire la même carrière que certains à Charleroi. Je voulais voir ce qui se passait ailleurs et je ne considère pas mon passage dans le championnat français comme un échec. Bien sûr, si j’avais su que Charleroi allait terminer dans le Top 5, je serais peut-être resté, mais maintenant, je me retrouve quand même dans un des deux meilleurs clubs de Belgique.

Defays : Il ne faut pas avoir de regret dans une carrière. On sait toujours où on est et on ne sait jamais où on sera. Quitter un club dans lequel on est bien pour un autre club du même niveau, cela n’a aucun intérêt. Si j’avais eu l’opportunité de Greg, je l’aurais saisie aussi car c’est en refusant ce genre d’offres que peuvent alors naître les regrets. Il ne faut pas croire que, même après une bonne saison, les demandes de transferts pleuvent. En allant en France, Greg ne prenait pas beaucoup de risques puisqu’il ne devait pas passer la barrière de la langue. Si ce n’est qu’il prenait le chemin d’un promu. C’est toujours à pile ou face. Soit il se maintient, soit il redescend immédiatement. Ce qui s’est passé avec Caen.

Et à Charleroi, c’est possible d’encore progresser ?

Defays : Notre situation n’est vraiment pas évidente à vivre. Charleroi a forgé le respect. L’attitude des adversaires et de la presse s’en ressent. Et c’est plus difficile à gérer que l’an passé, lorsqu’on nous prenait pour les tocards du championnat et où on en a fait pleurer plus d’un. Désormais, il faut être attentif aux détails du vestiaire.

Et l’équipe possède-t-elle plus d’atouts ?

Defays : On a perdu Ibrahim Kargbo qui a fait une saison extraordinaire et cela a l’air d’être tout aussi bon au Brussels. Mais je suis persuadé que des garçons comme Fabien Camus ou Rémi Ribault vont amener quelque chose lorsqu’ils seront à 100 %. On sait qu’il faut toujours vivre match par match. Il faut être conscient que Charleroi a battu tous les records et que l’on ne pourra peut-être pas rééditer pareil exploit. Il faut cependant quand même viser la colonne de gauche et emmerder les grands.

Tout cela avec un recrutement centré sur la France. Mais quels sont les avantages des Français par rapport aux jeunes du cru qui ont presque tous été prêtés ?

Defays : On ne changera plus cette donne. Les Français apportent leur professionnalisme et il n’y a pas de difficulté langagière. Le plus gros souci, c’est qu’ils se sentent supérieurs ( il rit). Et c’est normal de prêter les jeunes après une année dans le noyau. Tu ne peux pas donner une place de titulaire comme cela. Une place, cela se mérite. Et ce qui fait la différence entre les jeunes et les Français, c’est la mentalité. Un garçon comme Laurent Ciman, lui, il la possède cette bonne mentalité. Gianni Cacciatore aurait pu également rester à Charleroi mais il avait besoin de jouer et de se sentir important dans un groupe. Ses blessures sont arrivées au mauvais moment. Dans le foot actuel, les choses doivent aller vite et on ne peut pas traîner deux ou trois ans dans un noyau sans temps de jeu.

Les attentes du public

L’entraîneur focalise également beaucoup d’attention tant à Charleroi qu’à Bruges…

Defays : On sait pertinemment bien ce que Jacky Mathijssen a apporté à l’équipe mais on sait aussi qu’il ne va pas rester tout le temps à Charleroi. Il a mis sur pied un groupe solide et il pourra partir en laissant de bonnes bases permettant de toujours travailler dans la continuité.

Dufer : A Bruges, Jan Ceulemans se retrouve face à un challenge difficile. Il vient de Westerlo où il n’avait aucune pression et en plus, il arrive dans un club qui vient d’être sacré champion de Belgique. C’est à lui de recréer l’osmose après la période de bouleversements mais je pense qu’il s’est très bien entouré. Il a aussi privilégié les bases. Et avec le staff qu’il a, il devrait réussir son pari.

Pour toi aussi, il faut trouver les repères ?

Dufer : Mais pour moi, sur le plan individuel, ce n’est pas une mauvaise période. Je ne crois pas être malchanceux parce que je n’ai connu que la mauvaise période carolo et que je suis descendu avec Caen. Je ne suis pas venu ici pour me rattraper. J’ai quand même déjà pu fêter la qualification pour la Ligue des Champions.

Parlons-en de ce match contre Valerengen. Tu effectues une bonne rentrée avant de manquer la conversion d’un tir au but. Tu n’as pas eu peur que cela puisse prêter à conséquence ?

Dufer : J’espérais qu’on allait se qualifier sinon cela allait trotter dans ma tête durant trois ou quatre semaines. Mais il faut relativiser. Quand on voit que les grosses pointures de l’équipe se sont désistées pour la séance de tirs au but et que ce sont les jeunes comme Jonathan Blondel et moi qui avons dû prendre nos responsabilités, cela remet les choses en place !

Mais vous n’avez pas l’impression que les supporters ont de plus grandes attentes que vous pour cette saison ?

Defays : A Charleroi, certains se demandent pourquoi il n’y a pas eu plus de bousculades au stade malgré les bons résultats. Pendant dix ans, Charleroi n’a rien proposé et les supporters ont toujours leurs doutes. Ce qui est normal. Et on dit aussi que notre jeu ne va pas les rassurer et les faire revenir au stade. Mais les supporters doivent être conscients de nos moyens et ne doivent pas espérer un jeu comme celui de Chelsea ou du Real Madrid. On a quand même donné à notre public l’occasion de vibrer. Notre bilan à domicile n’est pas si mauvais : deux victoires, un nul, une défaite. Charleroi a tout le potentiel pour se hisser à la hauteur des grands. Ce qui lui manque, ce sont les moyens financiers. Au niveau du staff et de la direction, le club s’est structuré, mais les chiffres du budget ne lui permettent aucune folie.

Dufer : Le public des trois grands attend toujours davantage de son équipe. Pour le moment, Bruges ne joue pas bien mais engrange des points à domicile. Il vaut mieux prendre des points en jouant mal que l’inverse. Et puis, on lui a quand même offert une qualification en Ligue des Champions. On cite beaucoup plus souvent le Standard et Anderlecht comme favoris cette saison. Peut-être que le Standard saura profiter de sa fraîcheur puisqu’il ne devra pas évoluer en Coupe d’Europe. Il nous était supérieur à Sclessin mais il ne nous toisera pas pendant toute l’année. Par contre, Anderlecht m’impressionne. Mais si on regarde notre tableau de marche, on peut tenir la comparaison. On perd un point au Brussels mais Anderlecht aussi !

Les difficultés de l’après-Sollied à Bruges

Mais ce qui faisait la supériorité de Bruges, c’était sa stabilité. Aujourd’hui, le Club a perdu cet atout ?

Dufer : Oui mais cela ne va pas pour autant nous déstabiliser sur le plan footballistique.

Comment jugez-vous le club adverse ?

Defays : Bruges éprouve des difficultés à gérer l’après-Sollied. Mais quand un club est habitué à un système et qu’il doit se faire à d’autres méthodes, ce n’est jamais facile. (Il s’adresse à Dufer). N’empêche, contre Beveren, vous avez joué avec un trou en milieu de terrain.

Dufer : Charleroi est une équipe très bien organisée. Il suffit de voir leur match à Genk. Mais pour le moment, il manque peut-être quelqu’un comme Izzet Akgül. Cependant, je pense qu’ils sont partis maintenant pour plusieurs saisons. Néanmoins, quand tu vois les résultats que font Westerlo ou Lokeren depuis des années avec seulement 3.500 spectateurs, les Zèbres peuvent se mordre les doigts.

Et que souhaitez-vous de meilleur à l’autre ?

Dufer : Le football n’est pas le plus important. J’espère qu’il restera encore en bonne santé. Et puis, un gros transfert puisqu’il s’agit de sa dernière année de contrat (il rit).

Defays : Il a énoncé la réponse que je voulais entendre car je répondrais de la même façon. Sinon, j’espère qu’il pourra jouer quelques matches de Ligue des Champions.

Stéphane Vande Velde

 » L’année passée, ON NOUS PRENAIT POUR LES TOCARDS DU CHAMPIONNAT et on en a fait pleurer plus d’un  » (Frank Defays)

 » VIRER L’ENTRAîNEUR APRÈS DEUX DÉFAITES, je ne pense pas que cela puisse arriver ici  » (Grégory Dufer)

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